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Face à l’intensification des pressions américaines sur le Venezuela, les ondes de choc géopolitiques atteignent de plein fouet les rivages des Caraïbes. Alors que la région tente de naviguer dans ces eaux troubles, la souveraineté CARICOM se trouve mise à rude épreuve, révélant la nécessité vitale d’une unité sans faille pour les petits États insulaires.
La souveraineté CARICOM face à la « haute politique »
La Communauté des Caraïbes (CARICOM) s’est longtemps définie comme une « Communauté d’États souverains », une formulation noble suggérant une unité fondée sur la coopération mutuelle. Cependant, les crises récentes démontrent la fragilité de ce concept lorsqu’il est confronté à la realpolitik des grandes puissances, en particulier lorsque les États-Unis sont impliqués.
À la mi-octobre, les chefs de gouvernement de la région ont réaffirmé leur doctrine : les Caraïbes doivent demeurer une Zone de paix, où les différends se règlent par le dialogue et le respect du droit international. Pourtant, l’encre de cette déclaration était à peine sèche que les divisions nationales ont refait surface.
Trinité-et-Tobago a rapidement émis des réserves, prenant ses distances avec la position collective. De son côté, le Guyana, confronté à une menace territoriale existentielle de la part du Venezuela depuis plus de six décennies, a accueilli favorablement la présence américaine comme force de dissuasion. En quelques jours, l’unité de façade s’est fissurée, transformant la zone de paix en un slogan sujet à interprétation.
Les dangers de la fragmentation régionale
Cette fragmentation devrait alarmer l’ensemble des populations caribéennes. L’histoire et l’actualité nous rappellent une vérité inconfortable : lorsque les petits se divisent, les puissants décident. Si la souveraineté CARICOM ne parvient pas à s’exprimer d’une seule voix pour défendre le droit, d’autres parleront à sa place avec le langage de la force.
La souveraineté pour les petits États est à la fois précieuse et précaire. Elle est précieuse car elle garantit une égalité morale dans le système international. Elle est précaire car la véritable souveraineté dépend de la capacité à l’exercer, une capacité qu’aucun État du CARICOM ne possède réellement de manière isolée face aux géants mondiaux.
Le système politique mondial fonctionne selon une hiérarchie stricte. Cinq pays détiennent un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, et les institutions multilatérales restent dominées par leurs actionnaires les plus riches. Dans ce contexte, les résultats commerciaux favorisent la puissance plutôt que l’équité, et la diplomatie climatique laisse souvent les petites nations se battre seules pour obtenir compensation face aux destructions causées par d’autres.
L’impératif d’une force collective
C’est précisément en raison de ces vulnérabilités structurelles que la souveraineté importe davantage. Elle agit comme un bouclier empêchant les petites nations d’être balayées par les courants de pouvoir. Toutefois, ce bouclier n’est efficace que s’il est porté collectivement.
Trop souvent, les gouvernements de la région laissent leurs relations extérieures influencer leurs décisions internes, anticipant les désirs des partenaires puissants au détriment du collectif régional. La souveraineté ne peut survivre si elle est continuellement abandonnée par autocensure.
Le remède ne réside pas dans l’uniformité des opinions, mais dans la cohérence du processus. Les débats doivent avoir lieu au sein de la « famille » caribéenne, pour aboutir à des décisions conjointes fermement maintenues. Sans cette discipline, la région invite les acteurs extérieurs à définir ses propres positions.
Le droit comme discipline de la puissance
Le droit international n’abolit pas les rapports de force, mais il les discipline. Il transforme la coercition en une action qui doit se justifier. Pour les pays du CARICOM, les tribunaux et les forums internationaux sont les seuls espaces permettant de confronter les grandes puissances en utilisant la raison et les normes, plutôt que la force.
L’intégration caribéenne est aujourd’hui un enjeu existentiel. Il s’agit de garantir que la souveraineté soit renforcée par la communauté. Les vieilles doctrines de souveraineté absolue et les anciennes formules d’aide au développement doivent céder la place à une nouvelle réalité : tous les pays, y compris les plus petits, doivent apprendre à donner pour recevoir.
Seule une action concertée permettra de bâtir un ordre international où la coopération est une voie à double sens, offrant aux petits États non seulement une chance de survivre, mais de prospérer.