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Près d’un an après la condamnation de Dominique Pelicot dans l’affaire des viols de Mazan, Laurent Perret, le policier qui a découvert l’affaire, s’exprime pour la première fois auprès de la presse. Son témoignage éclaire le cheminement d’une enquête hors norme et les choix qui ont permis d’éviter la perte de preuves. Le récit met aussi en lumière les difficultés humaines rencontrées par les enquêteurs et les victimes. L’affaire, qui a conduit à des condamnations lourdes, demeure marquée par l’intervention des services de justice et par le rôle déterminant des preuves numériques.
Le rôle clé du sous-brigadier Laurent Perret dans l’affaire des viols de Mazan
Laurent Perret, sous-brigadier à Carpentras, a été l’un des premiers à mesurer l’ampleur de ce qui se trame autour de Dominique Pelicot. En extrayant le contenu du téléphone du suspect et en exploitant les données conservées, il a aidé à établir le cadre des faits et à prévenir leur disparition.
« Quand je l’allume, je me rends compte qu’il n’y a quasiment aucune icône qui apparaît. Il n’y en a que deux. Il y a Skype, et à côté la galerie », raconte-t-il, avant de décrire le contenu découvert sur Skype.
« Je vois toute une liste de pseudos. J’ouvre la première conversation et je lis. Ça m’interpelle. Je bugue et je me demande si j’ai bien compris ce que je viens de lire. C’était la recette où il expliquait qu’il donnait dix cachets de Temesta 2.5 à son épouse pour l’endormir, et qu’il pouvait venir après. »
Des conversations et des images de jeunes filles entre 16 et 18 ans ont aussi été repérées, endormies et ligotées, et les échanges semblent être supprimés à distance. Pour éviter la perte de preuves, l’enquêteur a confié le contenu à l’unité cybercriminalité et a sauvegardé les éléments saisis sur des supports externes.

À partir de la carte mémoire, Laurent Perret découvre une image qui bouleverse sa perception des faits: une femme d’environ 60 ans, nue, en porte-jarretelles, allongée sur un lit. Cette découverte l’amène à comprendre que son mari a drogué Gisèle Pelicot et a fait filmer les viols par des inconnus, ouvrant ainsi une dimension plus grave encore à l’enquête.
« Je suis marqué par les ronflements » et « j’ai tenu mon cap jusqu’au bout », résume-t-il en évoquant le travail mené sur place et les nuits passées à préparer les questions et les auditions.
Le 2 novembre 2020, Dominique et Gisèle Pelicot sont convoqués au commissariat de Carpentras. Perret assigne cette étape délicate: annoncer à Gisèle que la suspicion de viol pouvait être confirmée sur une longue période et que les preuves avaient été collectées. L’enquête se poursuit en parallèle avec le recours à des psychologues et à des experts, afin d’accompagner la victime et de préserver le cadre procédural.
En fin d’enquête, Laurent Perret quitte l’unité des atteintes aux personnes, déclaré « usé moralement ». « Dans tous les cas, je ne l’oublierai jamais, elle ne m’oubliera jamais », affirme-t-il, soulignant le caractère collectif de l’effort et la participation des agents de sécurité du supermarché et des policiers impliqués.
Des révélations et le témoignage de Gisèle Pelicot
À distance, Dominique Pelicot a tenté d’effacer des preuves et les enquêteurs ont dû sauvegarder des contenus et éviter la suppression à distance. Le processus d’audition de Gisèle Pelicot, impliquée comme victime, a été un moment déterminant de l’enquête et du procès.
« Elle ne dit plus un mot, elle est figée »
selon Gisèle Pelicot lors de l’audition, qui a été lancée après la découverte des images et des messages liés à l’affaire.
Le 4 novembre 2020, une information judiciaire est ouverte contre Dominique Pelicot et confiée à la police judiciaire d’Avignon. Des éléments recueillis dans les jours et semaines qui suivent renforcent le cadre pénal et conduisent à l’inscription de faits de viol aggravé.

Le récit des éléments retrouvés et des entretiens menés avec Gisèle Pelicot a été relayé publiquement lors du procès et a alimenté les témoignages sur les violences subies pendant des années.
Bilan et suites judiciaires et personnelles
Sur le plan judiciaire, les verdicts prononcés ont sanctionné une affaire étendue et complexe: Dominique Pelicot a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle, et les 50 autres accusés ont écopé de peines allant de 3 à 15 ans. Le processus, clos en 2024, a aussi précisé que celui qui avait fait appel avait vu sa peine portée à 10 ans lors d’un sursis en octobre 2024.
Sur le plan personnel, Laurent Perret a quitté l’unité des atteintes aux personnes, décrivant l’épreuve comme une charge morale importante. « Dans tous les cas, je ne l’oublierai jamais, elle ne m’oubliera jamais », répète-t-il, rappelant que les agents de sécurité du supermarché et les enquêteurs ont, chacun à leur manière, « sauvé la vie » de Gisèle Pelicot lors du procès.
La dimension publique de l’affaire Mazan s’est ensuite cristallisée autour de l’importance des preuves numériques et des témoignages, qui ont permis de faire progressivement émerger la gravité des actes et d’assurer le déroulement du procès, avec des premières condamnations prononcées dès 2024 et des suites qui restent marquées par le poids des faits et les cicatrices personnelles des personnes impliquées.