Le Rassemblement national propose de rouvrir des maisons closes, mais sous forme coopérative gérée par les travailleuses du sexe elles‑mêmes. L’idée se déploie dans un contexte où les débats sur le proxénétisme, la sécurité et la dignité des travailleurs du sexe alimentent les discours politiques et associatifs. Les dernières fermetures remontent à 1946, avec la loi Marthe Richard, et les chiffres publics estiment entre 30 000 et 40 000 personnes en situation de prostitution en France. Le sujet est aussi alimenté par des exemples européens et par la remise en question des pratiques actuelles autour de la prostitution.

La proposition du RN et le cadre légal
Les députés RN Jean-Philippe Tanguy et Sébastien Chenu préparent une proposition de loi visant à rouvrir des lieux où la prostitution serait exercée en coopératives gérées par les professionnelles elles‑mêmes. Le texte évoque des lieux sécurisés et encadrés par les travailleurs du sexe eux‑mêmes, présentés comme des alternatives à la prostitution de rue et à la prostitution en ligne. Cette approche s’inscrit dans un passé où les maisons closes avaient été interdites après la fermeture de 1946 et dans un contexte où les partisans estiment qu’un cadre légal peut apporter protection et traçabilité.
La réouverture se place dans le sillage de l’histoire légale française et s’oppose, selon les partisans, à une situation où le proxénétisme et l’exploitation restent difficiles à réguler. Selon les autorités, il y aurait entre 30 000 et 40 000 personnes en situation de prostitution en France. Dans ce cadre, certains éléments de l’actuelle réglementation restent en vigueur; ainsi, l’achat d’actes sexuels est passible d’une amende, ce qui donne une référence contrastée avec le modèle proposé par les RN, qui propose une organisation coopérative et encadrée.

Par ailleurs, le débat s’inscrit aussi dans une perspective européenne: l’Allemagne a légalisé la prostitution il y a environ 25 ans et le débat y demeure vivant quant à l’ampleur et au cadre légal. Les partisans de la proposition RN soutiennent que l’ouverture sous contrôle pourrait répondre à certains enjeux de sécurité et de traçabilité; les opposants jugent, eux, que cela risque de normaliser une activité déjà gangrénée par des réseaux criminels et de nourrir des situations d’exploitation.
Réactions des associations et des travailleurs du sexe
Les associations qui luttent contre le proxénétisme s’accordent sur un point: rouvrir des lieux gérés en coopérative pourrait légaliser une activité actuellement associée à des réseaux criminels et à l’exploitation de mineurs. Lucile Mercier, presidentе de l’EACP (Équipes d’action contre le proxénétisme), met en garde: «C’est une activité où il y a beaucoup d’illégal, beaucoup de réseaux, il y a beaucoup de criminalités qui tournent autour, donc ça veut dire commencer à mettre le doigt sur quelque chose qui serait réorganisé, un système où on protégerait en quelque sorte tout un écosystème criminel autour», détaille-t-elle.
«C’est une activité où il y a beaucoup d’illégal, beaucoup de réseaux, il y a beaucoup de criminalités qui tournent autour, donc ça veut dire commencer à mettre le doigt sur quelque chose qui serait réorganisé, un système où on protégerait en quelque sorte tout un écosystème criminel autour», détaille la présidente des EACP, Lucile Mercier.
Du côté du STRASS, le Syndicat du travail sexuel, le message est clair: «Des maisons closes, on n’en veut pas, personne n’en veut des maisons closes et ce n’est pas le RN qui va nous sauver, ça c’est évident», affirme Djohar, membre du STRASS. L’organisation milite pour la reconnaissance du travail sexuel et pour des conditions de travail dignes, mais elle juge que la proposition n’a pas été suffisamment concertée avec les personnes concernées et reste sceptique quant à une légalisation.
«Des maisons closes, on n’en veut pas, personne n’en veut des maisons closes et ce n’est pas le RN qui va nous sauver, ça c’est évident», assène Djohar, membre du STRASS.
Lénaig Le Fouillé, porte‑parole du Mouvement du Nid, affirme que «nous vivons dans une société post‑MeToo où on a bien compris que les hommes ne peuvent plus s’accaparer le corps des femmes contre de l’argent». Elle précise que le Mouvement du Nid s’oppose à toute forme de légalisation et ajoute: «Nous ce qu’on veut c’est nous, travailleuses du sexe, pouvoir travailler librement sans être criminalisées et pouvoir louer un appartement, avoir une vie digne, tout simplement comme n’importe quelle citoyenne.»
«Nous vivons dans une société post-MeToo où on a bien compris que les hommes ne peuvent plus s’accaparer le corps des femmes contre de l’argent» — Lénaig Le Fouillé, Mouvement du Nid.
Selon elle, «Nous ne voulons pas l’encadrer et nous ne créerons pas de bordels avec des jeunes filles de quatorze ans.» Le Mouvement du Nid insiste également sur le fait que la sécurité et la dignité des travailleurs du sexe nécessitent des approches alternatives qui ne passent pas par une légalisation générale du modèle proposé.
La question reste épineuse: les opposants mettent en avant le risque d’un écosystème criminel et d’une normalisation du travail sexuel sans véritable résolution des violences et de l’exploitation. Les partisans avancent, quant à eux, que des lieux encadrés pourraient offrir des conditions de travail plus sûres et une meilleure traçabilité, tout en répondant à des réalités économiques et sociales actuelles.