Home SantéRedécouvrir la résilience : au-delà des clichés de rebond

Redécouvrir la résilience : au-delà des clichés de rebond

by charles

Contrairement à ce qu’on lit un peu partout, la résilience n’est pas la capacité à rebondir comme un élastique face à l’adversité. On ne « muscle » pas sa résilience grâce à de simples astuces de développement personnel ou à une meilleure gestion de ses émotions et de son organisation au travail. Cette conception contemporaine est très réductrice. La résilience est une expérience intérieure profonde, amorcée à la suite d’un événement traumatique.

Comme le rappelle Jacques Lecomte, spécialiste de la psychologie positive et de la résilience, chacun perçoit les épreuves à sa manière : « pour certains, la perte d’un animal de compagnie peut constituer un véritable choc ». Pour d’autres, ce sera un divorce, un deuil, des maltraitances, un viol ou un accident grave… « Il n’y a pas de classement dans la douleur psychique. Ce qui compte, c’est l’intensité du bouleversement et de la sidération éprouvés. »

La résilience, finalement, c’est la capacité à continuer de vivre pleinement, avec soi-même et avec les autres, sans que l’épreuve traversée ne fige toute notre existence. — Jacques Lecomte, psychologue.

Ras-le-bol du hashtag #résilience ? Nous aussi.

La résilience est plus que jamais sur toutes les lèvres. Des reels Instagram aux podcasts de développement personnel, en passant par les conférences TEDx, elle s’affiche aujourd’hui comme un mot-clé incontournable.

Pour autant, ceux qui ont théorisé ce concept se montrent sceptiques face aux dérives de son usage. Galvaudée, vidée de sa substance, la résilience devient un hashtag creux, synonyme de souplesse mentale, de positivité permanente et de dépassement de soi.

Un rapide coup d’œil à votre fil LinkedIn suffit pour croiser cette version édulcorée de la résilience : « Restez positif », « Pas d’échec, que des leçons », « Savoir lâcher prise », ou encore le tristement célèbre « La vie, c’est 10 % ce qui t’arrive, 90 % comment tu y réagis ».

Mais alors, qu’est-ce que la résilience d’une personne ?

La résilience, dans son véritable sens, telle que la décrivent Boris Cyrulnik et Jacques Lecomte, prend racine dans des blessures psychiques profondes, souvent liées à des événements traumatiques — ce que ces intellectuels appellent sobrement des trauma.

Confondre résilience et simple capacité d’adaptation, c’est minimiser l’ampleur du cheminement intérieur que nécessite une reconstruction après un choc réel. Dans bien des situations, il serait plus juste de parler de capacité d’adaptation, de gestion du stress ou de flexibilité émotionnelle.

Redonner tout son sens à la résilience, c’est aussi reconnaître la complexité de ceux et celles qui traversent de profondes tempêtes intérieures, non pas parce qu’ils seraient « forts », mais parce qu’ils ont parfois pu compter sur un soutien extérieur ou découvrir en eux des ressources insoupçonnées, selon Jacques Lecomte.

Capacité de résilience : ni innée, ni acquise, mais expérimentée

La résilience n’est pas un trait de personnalité ou un état d’esprit réservé à quelques élus. À l’inverse, elle n’est pas non plus une compétence, une technique qu’on peut apprendre en stage :

« Croire que certains sont naturellement résilients ou ont appris à l’être pourrait culpabiliser injustement ceux qui souffrent plus durablement », explique Jacques Lecomte.

La résilience est une expérience, souvent imposée par l’épreuve pour se reconstruire. Chaque être humain peut y accéder, à son rythme, selon ses ressources.

Selon Johanna Rozemblum, la résilience se distingue du simple fait de surmonter une épreuve, car elle implique une véritable transformation :

« Être résilient, c’est reconnaître pleinement que l’on a été touché, même brisé, et accepter qu’il faudra se reconstruire autrement. C’est accueillir le changement profond que notre expérience impose. »

Résilience : “chacun sa route, chacun son chemin !”

Que vous traversiez un événement d’une violence extrême, comme un viol, un accident de voiture ou une maladie grave, ou une épreuve profondément bouleversante telle qu’une rupture amoureuse, un licenciement ou un harcèlement moral, le cheminement vers la résilience peut prendre des formes très diverses.

Il ne s’agit pas d’un parcours balisé, avec des étapes identifiables à franchir. Comme le souligne le psychologue Jacques Lecomte, « Chaque individu trouve ses propres appuis pour rebondir : la thérapie, l’amour, l’engagement professionnel ou associatif, la spiritualité, le sport, la musique, ou encore l’amitié ».

Certaines personnes reconstruisent leur équilibre sans jamais mettre de mots sur leur souffrance, simplement en retrouvant une activité qui les reconnecte à la vie.

Quatre dynamiques récurrentes pour favoriser le processus

Plusieurs dynamiques reviennent souvent dans les récits de personnes ayant surmonté des épreuves : l’accueil des émotions, la reconstruction du sens, le soutien relationnel et l’engagement dans l’action.

Accueillir le négatif : vers la résilience émotionnelle

Parmi les dynamiques observées, accueillir pleinement ce que l’on ressent est central. « Accueillir la tristesse, la colère, la honte, l’impuissance, même si ces émotions semblent ingérables », écrit Jacques Lecomte.

Il ne s’agit pas de nier, de minimiser ou de relativiser. Il s’agit d’oser reconnaître sa souffrance : « Oui, je traverse un divorce difficile, et je me sens terrassé. » L’acceptation émotionnelle est une clé pour avancer. Une psychothérapie ou un travail d’introspection peut être nécessaire pour progresser vers cette résilience émotionnelle.

Donner du sens pour être résilient

Avec le temps, il est parfois possible de donner un sens à la douleur. Pour Jacques Lecomte, cela ne signifie pas justifier l’injustifiable, mais se demander : « Que vais-je faire de cette épreuve ? Quel sens puis-je choisir de lui donner pour continuer à avancer ? »

Chez l’enfant comme chez l’adulte, cette recherche de sens permet souvent de sortir de la sidération, de retrouver un fil conducteur et de se remettre en mouvement. Il s’agit là d’un facteur intrapersonnel essentiel de la résilience : un travail intérieur de réorganisation qui permet peu à peu de redonner une cohérence à son histoire.

Poser des actes de mouvement de résilience

La résilience se manifeste aussi par des gestes significatifs : parler de ce qu’on a vécu, demander de l’aide, renouer du lien, reprendre une activité ou des études, poser des limites, quitter une relation néfaste, ou porter plainte. Ces actes brisent la passivité imposée par la douleur et marquent une reprise de pouvoir sur sa vie.

Chez les enfants, cela peut passer par un retour à des activités créatives ou sociales; chez les adultes, par l’engagement dans de nouveaux projets ou la mise à distance de relations destructrices. Le mouvement résilient n’est pas une renaissance joyeuse et fluide : il implique parfois de se confronter à des résistances et demande du courage.

ReconNAître ses tuteurs de résilience

La résilience ne se construit pas dans l’isolement. Le lien à l’autre, le soutien affectif et les ressources sociales jouent un rôle déterminant dans la capacité à rebondir. Ce que Jacques Lecomte appelle les facteurs interpersonnels de résilience recouvre les proches bienveillants, des amis de confiance, des thérapeutes compétents, des enseignants engagés, des groupes d’entraide ou des associations, et d’autres figures qui soutiennent la reconstruction.

Les groupes de parole et les réseaux de soutien ne sont pas des espaces de plainte passifs, mais des lieux de reconstruction offrant identification, reconnaissance émotionnelle et espoir partagé.

Comment puis-je « renforcer » ma résilience ?

Si la résilience ne s’enseigne pas comme une compétence classique, elle peut toutefois se nourrir de certaines attitudes et ressources intérieures identifiées par les spécialistes.

Par la pensée positive !

Pour Jacques Lecomte, la véritable pensée positive n’est pas un déni de la douleur, mais une démarche consistant à rechercher activement des ressources et du sens, même au cœur de l’épreuve. Il ne s’agit pas d’ignorer les problèmes, mais de trouver ce qui peut encore aller bien et de s’y accrocher pour avancer tout en préservant sa santé mentale.

Concrètement, cela peut passer par : Accepter l’aide des autres, Célébrer les petites victoires quotidiennes et les émotions positives qui les accompagnent, Se fixer des objectifs clairs et atteignables, Réorienter ses priorités vers ce qui compte vraiment.

En cultivant sa confiance en soi dès l’enfance !

Renforcer sa résilience peut commencer tôt: traverser des épreuves pendant l’enfance et apprendre à les surmonter aide à bâtir une confiance en soi indispensable pour affronter les difficultés de l’existence. La thérapie cognitive et comportementale (TCC) est l’une des voies possibles : elle permet de mieux comprendre ce que l’on traverse et d’en décoder les effets, tout en adoptant des choix pragmatiques pour se remettre en mouvement.

Ainsi, la résilience ne se réduit pas à une série de compétences à cocher ou à une injonction de « aller mieux ». C’est une transformation intime, parfois inconfortable, mais profondément humaine. Il est toujours possible de se reconstruire, en trouvant les bons appuis.

Psycho| Résilience| Développement Personnel| Psychologie| Traumatisme

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