Table of Contents
La dissolution menacée du parti Move Forward en Thaïlande
La Cour constitutionnelle thaïlandaise doit rendre son verdict mercredi sur la question de savoir si le parti progressiste Move Forward (MFP) a violé la constitution en s’engageant à amender la loi sur le lèse-majesté interdisant les critiques à l’égard de la famille royale.
Si la cour se prononce contre le MFP, cela pourrait entraîner la dissolution du parti et un bannissement de 10 ans pour ses dirigeants, marquant un net retournement de situation depuis sa victoire électorale éclatante il y a un peu plus d’un an.
Contexte de la situation actuelle
Il y a un an, des millions de jeunes Thaïlandais se sont rassemblés derrière le charismatique leader du MFP, Pita Limjaroenrat, galvanisés par la promesse de changement du parti. Sa principale politique était de réformer la section 112 du Code pénal thaïlandais, qui restreint toute critique de la monarchie.
La victoire du parti et son agenda de réformes l’ont placé sous le regard attentif de l’élite conservatrice longtemps au pouvoir en Thaïlande. Pita a été bloqué dans sa tentative de devenir Premier ministre et de former un gouvernement.
Qu’est-ce qui a conduit le MFP à cette situation ?
Le MFP est le successeur de facto du Future Forward Party (FFP), qui avait pris la troisième place lors des élections générales de 2019 en Thaïlande sur une plateforme anti-junte, ébranlant ainsi la classe dirigeante du pays. Après avoir survécu à une accusation initiale tentant de renverser la monarchie, le FFP a été dissous en février 2020 pour violation des lois de financement des élections en raison d’un prêt reçu de son dirigeant, Thanathorn Juangroongruangkit.
Suite à cette dissolution, 55 des 65 membres du FFP ont rejoint le MFP, promettant de poursuivre leur agenda progressiste. Une des politiques avancées avant l’élection de mai dernier prévoyait que le MFP s’engage à amender la section 112, réduisant la peine maximale pour diffamation du roi de 15 ans à un an et/ou une amende de 300 000 bahts thaïlandais (environ 8 400 dollars).
Avec cette plateforme, le MFP a remporté une victoire électorale surprise en 2023, obtenant 151 sièges à la Chambre des représentants de 500 sièges, 10 de plus que le parti Pheu Thai de Paetongtarn Shinawatra, en deuxième position.
Cependant, le MFP n’a pas réussi à atteindre les 251 sièges nécessaires pour une majorité absolue, et ses tentatives de former une coalition avec d’autres partis pro-démocratiques, y compris Pheu Thai, ont été bloquées par le Sénat, installé par l’armée et renforcé par la constitution rédigée par l’armée en 2017.
Les attentes de la Cour
En juillet, la Cour constitutionnelle a suspendu Pita de son rôle de député en raison de parts qu’il aurait détenues dans une chaîne de télévision disparue, des accusations dont il a ensuite été acquitté. Le Pheu Thai a réussi à former sa propre coalition, incorporant des partis alignés avec l’armée tout en excluant le MFP.
En janvier de cette année, la Cour constitutionnelle a déclaré que les amendements proposés par le MFP en matière de lèse-majesté constituaient une violation de la section 49 de la constitution, qui interdit tout acte visant à « renverser le régime démocratique du gouvernement avec le roi comme Chef d’État ».
Elle a ordonné au parti de « cesser tout acte, expression d’opinion par discours, écriture, publication ou publicité ou transmission de tout message sous d’autres formes » qui cherchait à modifier la section 112.
Ruling du mercredi
En mars, la Cour constitutionnelle a accepté de revoir une demande de la Commission électorale demandant que le MFP soit dissous et que ses dirigeants soient exclus de la politique pendant 10 ans en raison de la section 112. La Commission a justifié cette demande en se basant sur le jugement de janvier, soulignant qu’il existait « des preuves que le Move Forward nuit au système démocratique avec le roi comme chef de l’État ».
Le MFP a soutenu dans une défense écrite soumise le 4 juin que la cour n’avait pas compétence et que le processus de pétition de la Commission était illégal. Il a également fait valoir que le MFP n’avait aucune intention de renverser le système et que la dissolution devrait être un dernier recours.
Pérennité du MFP face à la crise
Les experts expriment peu d’espoir quant à une rémission du MFP. Avec un précédent établi par la dissolution du FFP en 2020 et le verdict de janvier contre le MFP, Mark S. Cogan, professeur associé d’études sur la paix et le conflit à l’Université Kansai Gaidai au Japon, souligne que « le sort du MFP semble déjà scellé ».
La Cour constitutionnelle a déjà signalé plus tôt cette année quelle direction elle souhaite prendre, ayant déclaré que la réforme de l’article 112 était un acte de trahison.
Prochaines étapes
La Cour constitutionnelle, composée de neuf membres, se réunira mercredi à 9h30 heure locale (02h30 GMT) et rendra son verdict à 15h30 (07h30 GMT).
Comme lors des manifestations menées par la jeunesse en 2020 suite à la dissolution du FFP, Cogan prédit qu’il y aura des manifestations en cas de dissolution du MFP, bien que l’échelle soit difficile à prédire.
Patrick Phongsathorn, spécialiste en droits humains, a souligné que toute tentative de dissolution du MFP ne serait qu’un nouvel exemple d’ »instrumentalisation de la justice contre l’opposition politique ». Même si le MFP devait être dissous, « le génie progressiste est désormais hors de la bouteille et sera très difficile à remettre à l’intérieur ».
De son côté, l’ancien leader du MFP, Pita, envoie un message optimiste à ses partisans, leur exhortant de ne pas perdre espoir quel que soit le résultat. Il sera présent au tribunal lors de l’annonce du jugement.