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L’Afrique en révolte vers une révolution par les manifestations
Peu de temps après que des manifestations meurtrières contre l’augmentation des impôts aient secoué le Kenya en juin, forçant le gouvernement à un retournement radical, les Ougandais se sont rassemblés pour des manifestations anticorruption, avant que les Nigérians ne commencent à réclamer des manifestations à leur tour.
Beaucoup ont été fascinés par les scènes captivantes sur les réseaux sociaux et sur les chaînes de télévision kenyanes montrant des manifestants prenant d’assaut le bâtiment du Parlement dans la capitale, Nairobi, le 25 juin. Alors que les législateurs fuyaient pour se cacher, les manifestants en colère ont mis le feu au bâtiment. Ils ont saisi le maillet cérémonial, symbole du changement de pouvoir, alors même que la police leur tirait dessus. C’était un spectacle frappant de colère dans un pays longtemps considéré comme un pilier de stabilité en Afrique de l’Est.
Un mécontentement croissant en Afrique
À l’autre bout du continent, le ressentiment populaire envers le gouvernement nigérian menaçait d’exploser. La plus grande économie d’Afrique a été mise à genoux au cours de l’année écoulée, alors qu’elle traverse l’une de ses pires crises économiques. Sous la présidence de Bola Tinubu, les prix des denrées alimentaires ont triplé, et beaucoup de gens sont contraints de réduire leurs rations alimentaires ou de souffrir de la faim. En août, des dizaines de milliers de personnes à travers le pays ont envahi les rues pendant 10 jours, dénonçant le coût élevé de la vie lors de manifestations appelées #EndBadGovernance, sous une pluie de gaz lacrymogènes et de balles.
Quelques jours avant que les Nigérians ne se déchaînent dans les rues, les autorités policières ont arrêté des dizaines de jeunes Ougandais qui s’étaient rassemblés à Kampala le 23 juillet, brandissant des pancartes dénonçant la corruption et appelant au renvoi de fonctionnaires gouvernementaux problématiques. Le président Yoweri Museveni avait interdit les manifestations avant cette action, avertissant les agitateurs qu’ils jouaient avec le feu, et la police avait bloqué toutes les routes menant au bâtiment du Parlement. Mais les manifestants se sont tout de même rassemblés. Certains sont encore en détention.
Une colère palpable des jeunes
La simultanéité des agitations dans plusieurs pays, la colère palpable des jeunes les menant, et les réponses brutales de leurs gouvernements ont captivé l’attention du monde. L’apparent enchaînement des événements incite à spéculer que quelque chose de beaucoup plus grand est déjà en cours.
Certains se demandent : la fureur inhabituelle du Kenya a-t-elle déclenché un soulèvement africain ? Les opinions des experts sont partagées. Certains voient un lien entre les trois mouvements et d’autres manifestations qui ont secoué d’autres pays africains ces derniers mois, tandis que d’autres estiment que les manifestations dans quelques pays n’illustrent pas la situation à l’échelle du continent. Leur point commun est que la jeunesse africaine est en colère et continuera d’exprimer son mécontentement.
À la recherche d’un Printemps africain
La situation actuelle au Kenya rappelle les premiers jours du soulèvement tunisien. En 2010, l’immolation par le feu du vendeur de légumes tunisien Mohamed Bouazizi, frustré par le traitement des fonctionnaires, avait déclenché les événements qui allaient mener au Printemps arabe. Les Tunisiens, déjà en colère contre la hausse des prix, ont déferlé dans les rues, forçant le président Zine El Abidine Ben Ali à l’exil.
Les manifestations, soutenues par les réseaux sociaux, se sont répandues comme une traînée de poudre dans d’autres parties de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les gens s’opposant non seulement à la faim, mais aussi au pouvoir autocratique. Au total, quatre dirigeants ont été déposés, tandis que certains régimes ont survécu.
Des analystes soulignent que la situation actuelle au Kenya évoque ces premiers jours de soulèvement, les jeunes mobilisant sur Twitter et TikTok pour mener ces campagnes dans la rue, motivés par un sentiment partagé de trahison par la classe politique.
Une histoire incomplète
Bien qu’il puisse y avoir des similitudes entre les problèmes rencontrés dans différents pays, certains analystes estiment qu’il existe peu de preuves que les manifestations récentes soient liées, et que le récit d’un Printemps africain en gestation ne raconte pas l’histoire dans son ensemble. En effet, seuls trois pays sur 54 sont mentionnés pour illustrer la situation du continent, et la lutte nigériane ne peut pas être directement inspirée des manifestations kenyanes, car des manifestations avaient déjà eu lieu sans écho international.
Les manifestations à travers l’Afrique ont souvent peu de visibilité internationale, en partie en raison des divisions linguistiques héritées de la colonisation. Par exemple, en Algérie, les manifestants avaient défilé pendant des mois en 2019 contre un président qui tentait de briguer un nouveau mandat. En 2014, le mouvement burkinabé avait chassé le dictateur Blaise Compaoré. Plus récemment, en mai, des policiers ont gazé des manifestants exigeant une baisse du coût de la vie au Bénin. En Angola, le Mouvement d’Unité Nationale pour la Révolution Angolaise (UNTRA) a organisé des manifestations sur le coût de la vie depuis 2023.
Une colère croissante en Afrique
Malgré les divergences d’opinion sur la classification de la vague de manifestations récente, il est indéniable qu’une colère croissante s’exprime chez les jeunes, en Afrique et dans le monde. Cette colère est liée à une transformation radiale des vies, exacerbée par la pandémie de COVID-19, qui a causé des perturbations majeures sans que de nombreux gouvernements, en particulier en Afrique, ne reconnaitre les difficultés rencontrées.
La situation actuelle est marquée par un profond mécontentement des jeunes qui constituent 40 % de la population du continent, mais qui souffrent d’opportunités d’emploi limitées. En conséquence, les manifestations prennent de nouvelles formes, avec des stratégies de protestation innovantes.