Table of Contents
Coopération entre la Turquie et l’Egypte en Somalie : Analyse Approfondie
Il y a dix mille soldats égyptiens qui sont arrivés sur le sol somalien, dont la moitié sera sous le commandement de la Mission de l’Union africaine pour le maintien de la paix et de la sécurité « AMISOM », tandis que l’autre moitié sera stationnée près de la frontière éthiopienne.
L’engagement militaire égyptien concernant la question somalienne représente un tournant significatif dans la politique étrangère égyptienne, qui s’est abstenue de toute implication militaire dans les zones de conflit depuis des décennies, sauf dans le cadre de missions internationales ou régionales.
Cette année, deux visites du président somalien Hassan Sheikh Mohamud au Caire ont renforcé les relations bilatérales entre les deux pays, qui partagent une histoire ancienne, conduisant à la signature d’un protocole de coopération militaire.
Cette initiative égyptienne coïncide avec les mouvements géostratégiques de la Turquie en Somalie et dans l’ensemble de la région, y compris en Éthiopie, comme nous le détaillerons ci-dessous.
Contexte Éthiopien
L’envoi des troupes égyptiennes s’est produit après le cinquième remplissage du Grand Barrage de la Renaissance Éthiopien (GERD) en juillet dernier, dont la fin est prévue pour septembre. Ce nouveau remplissage a ajouté 23 milliards de mètres cubes d’eau, portant à environ 41 milliards de mètres cubes la quantité retenue lors des phases précédentes, exacerbant ainsi les divergences entre Addis-Abeba et Le Caire. Cela a amené ce dernier à adresser une lettre de protestation au Conseil de sécurité des Nations Unies, affirmant « le rejet catégorique par l’Égypte de la politique unilatérale d’Addis-Abeba qui contrevient aux règles et principes du droit international ».
Ces événements dans la région de la Corne de l’Afrique soulèvent des questions sur la coopération égypto-turque en Somalie et la possibilité de son extension à d’autres questions sensibles telles que l’agression israélienne contre le peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie, la crise soudanaise et les conditions en Libye.
Position Turque
Avant d’aborder la coopération égypto-turque en Somalie, il est essentiel de parler de la position privilégiée de la Turquie en Somalie et en Éthiopie. La Turquie a dès le début accordé une attention particulière à cette région stratégique, utilisant ses capacités militaires et économiques, ainsi que son soft power, pour étendre son influence et renforcer sa présence vitale et stratégique.
Le pays a rétabli ses relations diplomatiques avec la Somalie au début des années 2000, ouvrant sa plus grande ambassade à l’étranger à Mogadiscio et y établissant la plus grande base militaire turque à l’étranger. Cette base est utilisée pour former et réhabiliter l’armée somalienne ainsi que les forces de sécurité, tout en aidant la Somalie à faire face aux organisations terroristes.
Ces relations se sont concrétisées par la signature cette année du plus grand accord de défense et de sécurité entre les deux pays, permettant aux forces turques de couvrir les territoires et eaux somaliens et d’accorder aux entreprises turques des licences pour explorer les ressources minérales dans les eaux économiques de la Somalie. Le président somalien a déclaré à propos de cet accord qu’il « vise à établir une force militaire conjointe entre les deux pays, protégeant les côtes somaliennes et investissant dans ses ressources maritimes durant une période de dix ans ».
Coopération Turco-Égyptienne
À la lumière de cette activité intense de la Turquie dans la Corne de l’Afrique, les mouvements militaires égyptiens dans cette région ont certainement été coordonnés entre les deux pays afin d’éviter tout conflit d’intérêts, surtout à un moment où leurs relations s’améliorent rapidement, avec la réactivation du Comité de coopération stratégique et la première visite du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi à Ankara depuis son accession à la présidence.
Dans le cadre de la coopération entre les deux pays, le dossier du Barrage de la Renaissance occupe une place centrale. Depuis l’arrivée des troupes égyptiennes, des spéculations ont émergé concernant la possibilité que le conflit égyptien-éthiopien se transforme en un conflit armé. Cela a été alimenté par des déclarations officielles de la part d’Éthiopie, mettant en garde contre des « forces (non précisées) qui tentent d’attiser les tensions pour atteindre des objectifs à court terme ».
Cependant, la probabilité d’une guerre égypto-éthiopienne naissant du territoire somalien reste complexe, en raison de facteurs politiques et logistiques. Plus important encore, le Barrage de la Renaissance est désormais une réalité qu’il est difficile d’imaginer détruire facilement étant donné le soutien international qu’il reçoit.
Par conséquent, la négociation pour garantir à l’Égypte sa part d’eau demeure l’option la plus réaliste et acceptée. Il semble que Le Caire souhaite que cela se réalise sous la pression de la présence de certaines de ses troupes près de la frontière éthiopienne. Ici, le rôle turc est crucial pour rapprocher les points de vue des deux pays, compte tenu de ses relations distinctes avec chacun d’eux.
Avenir de la Collaboration
Le succès de la coopération turco-égyptienne en Somalie représente un modèle de ce que pourrait être une collaboration fructueuse entre les deux pays sur plusieurs questions régionales délicates. Parmi lesquelles se trouve l’agression israélienne en cours contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, qui a atteint des niveaux de violence sans précédent. La coordination entre les deux pays doit transcender l’aspect humanitaire de l’aide pour s’orienter vers des mesures efficaces visant à mettre fin à la guerre et à établir un État palestinien indépendant.
De plus, l’aggravation de la situation au Soudan, en raison des conflits armés entre les forces gouvernementales et les Forces de soutien rapide, devrait inciter les deux États à œuvrer pour mettre fin à la guerre et instaurer la paix, que ce soit par des efforts bilatéraux ou au sein de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique.
En ce qui concerne la Libye, où les deux pays ont une influence significative, il est impératif d’agir vers la fin de la division entre l’Est et l’Ouest et l’unification du pays sous un gouvernement élu.
Finalement, la réussite et l’expansion de cette collaboration entre la Turquie et l’Égypte contribueront à instaurer la stabilité dans une région en proie au chaos depuis plus d’une décennie.