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Des pierres de mémoire : Les Stolpersteine en France et en Europe
Le vendredi 20 septembre, Lille a marqué une étape significative avec l’inauguration des Stolpersteine, ces pavés de béton ornés d’une plaque en laiton qui rappellent les victimes de la Shoah. Parallèlement, Berlin prévoit d’en poser d’autres le lundi suivant. Ces petites pierres commémoratives se répandent à travers l’Europe, placées devant le dernier domicile de victimes de la Shoah, que celles-ci soient juives ou non. Chaque Stolpersteine mentionne le nom de la victime, sa date de naissance, l’année de déportation ainsi que le lieu et la date de son assassinat.
Une initiative artistique engagée
C’est l’artiste allemand Gunter Demnig qui a initié ce projet mémorable, s’inspirant de la phrase « la vraie mort est l’oubli ». Dans les années 1990, il a installé clandestinement les premiers pavés à Berlin avant que les Stolpersteine ne soient officiellement autorisés. Leur nom, qui signifie littéralement « des pavés qui font trébucher », reflète le souhait de Gunter Demnig : « Les gens doivent trébucher avec leur tête et avec leur cœur sur les pierres de mémoire ». Aujourd’hui, plus de 100 000 de ces pavés sont recensés dans toute l’Europe.
Réactions contradictoires en France
En France, des Stolpersteine ont été posés dans des villes comme Strasbourg, Bordeaux et en Vendée. Toutefois, l’installation de ces symboles commémoratifs suscite des controverses, certaines municipalités refusant même leur pose. En 2020, une pétition lancée par l’association Stolpersteine en France dénonçait leur absence dans la capitale. La mairie de Paris a réagi en déclarant : « Les Stolpersteine renvoient une image qui ne convient pas à la France où 75 % des juifs ont survécu. » Cette position a provoqué l’indignation de l’association, surtout dans un contexte où plus de 37 000 juifs ont été arrêtés et déportés depuis Paris, selon Serge Klarsfeld.
Les Stolpersteine face à des résistances en Allemagne
Munich, en Allemagne, s’oppose fermement à l’installation des Stolpersteine. La communauté juive de la région estime que leur emplacement nuit à la mémoire des victimes de l’Holocauste. La présidente Charlotte Knobloch a déclaré lors d’un débat en 2014 : « On ne peut pas commémorer l’Holocauste de manière digne sur le sol. » Elle a souligné que ces pavés pouvaient être piétinés, tagués ou dégradés. L’histoire de Peter Jordan, dont les pavés ont été retirés le jour même de leur installation en 2004, illustre le malaise que peuvent provoquer ces marques au sol.
Vers des solutions alternatives
Face à ces tensions, les autorités de Munich ont trouvé un compromis : bien que les Stolpersteine restent interdits sur les trottoirs, des plaques commémoratives peuvent être installées sur les façades des immeubles. Cependant, la réticence des municipalités vis-à-vis de ces mémoriaux est exacerbée par des actes de vandalisme, comme en juin dernier où des inscriptions antisémites ont été retrouvées sur des pavés à Weimar, en Allemagne.
Ce débat autour des Stolpersteine illustre l’importance de la mémoire collective et des différentes perceptions qu’ont les sociétés de ces symboles historiques. Il démontre également la nécessité d’une réflexion approfondie sur la manière de commémorer les événements tragiques du passé.