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La situation des conditions de détention à Mayotte est alarmante, comme le révèle la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans trois rapports publiés ce mercredi 27 novembre. Ces documents pointent du doigt la suroccupation, les droits bafoués ainsi que l’abandon de détenus et de migrants. Les rapports se concentrent sur le centre pénitentiaire de Majicavo, le centre hospitalier de Mamoudzou, notamment son unité de psychiatrie, et les différents locaux de rétention administrative de l’archipel, fortement touché par une pression migratoire sans précédent, suite à des visites effectuées en octobre 2023.
Un constat accablant
Les rapports sont accompagnés d’un courrier de Dominique Simonnot adressé au Premier ministre Michel Barnier, daté de septembre 2024. Elle y dénonce des «conditions d’enfermement et de prise en charge gravement attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes», sans réponse de la part du gouvernement.
Les constats sont sans appel : «inadaptation des locaux», «suroccupation alarmante», «oisiveté forcée», «absence d’accès à l’eau courante», «alimentation inadaptée et insuffisante» et «carences gravissimes en matière d’hygiène». Dominique Simonnot souligne que «partout, les personnes privées de liberté sont entravées dans l’exercice de leurs droits», déplorant que des recommandations antérieures soient restées sans suite.
La situation à Majicavo
Le rapport sur le centre pénitentiaire de Majicavo est particulièrement révélateur. Depuis son ouverture en 2015, il subit une «suroccupation chronique qui ne fait qu’augmenter», selon les contrôleurs. Au moment de leur visite, 555 détenus y étaient logés, dont 195 sur des matelas au sol. La situation a depuis continué à se détériorer : au 30 octobre 2024, la prison affichait une surpopulation de 161 %, avec 671 détenus pour seulement 415 lits disponibles, d’après un courrier du garde des Sceaux Didier Migaud.
Les pratiques au sein de la prison inquiètent également, notamment le manque de compétence et d’investissement de certains membres du personnel, ce qui engendre des comportements inadaptés, parfois empreints de xénophobie envers les détenus, dont 64 % sont étrangers.
Manque de soutien et d’assistance
Le rapport souligne également l’absence d’associations spécialisées en droit des étrangers, d’interprètes et d’avocats dans le centre pénitentiaire. Les détenus témoignent d’un «sentiment d’amertume et d’abandon», en raison du manque de réponse à leurs requêtes.
Récents événements troublants
Ces rapports éclairent aussi les événements récents à Majicavo, notamment une mutinerie et une prise d’otage de surveillants en septembre 2024, qui ont nécessité l’intervention du GIGN. Peu après, le directeur de la prison a démissionné pour attirer l’attention sur les conditions de travail difficiles. Le 15 novembre, dix détenus impliqués dans cette mutinerie ont été condamnés à des peines allant d’un an et demi à trois ans de prison.
Réponses gouvernementales et défis futurs
Didier Migaud, le ministre de la Justice, a reconnu la «gravité de la situation» dans l’établissement pénitentiaire, tout en défendant un personnel confronté à des conditions de travail difficiles. Il a annoncé la mise en place d’une «politique volontariste de désencombrement» et confirmé qu’un second centre pénitentiaire d’une capacité prévue de 400 places serait construit. Cependant, ce projet est entravé par le manque de foncier disponible sur cette île de 376 km², qui a vu sa population doubler en vingt ans, atteignant 321 000 habitants selon l’Insee.