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L’horlogerie est à la Suisse ce que l’automobile est à l’Allemagne : une industrie emblématique du pays, riche d’une longue tradition, fortement exportatrice. Les deux productions haut de gamme sont des signes extérieurs de richesse prisés des élites économiques du monde entier. Elles ont également en commun d’avoir subi une crise majeure dans leur histoire. La « crise du quartz », qui a bouleversé l’horlogerie suisse dans les années 1970, présente des similitudes avec la crise actuelle du véhicule électrique qui affecte l’automobile allemande, traditionnellement dominée par ses berlines thermiques.
Une disruption majeure dans l’horlogerie
« L’arrivée sur le marché de la montre à quartz, développée par le japonais Seiko en 1968, a été une disruption pour l’industrie horlogère traditionnelle. Elle était moins chère et plus facile d’entretien que la montre à mouvement. Les fabricants suisses, qui étaient à l’époque les leaders mondiaux du secteur, ont vu s’effondrer leurs parts de marché », raconte Pierre-Yves Donzé, historien spécialiste de l’horlogerie et professeur à l’université d’Osaka (Japon).
La résilience de l’horlogerie suisse
Malgré cette crise, l’horlogerie suisse a réussi à se réinventer à partir des années 1980, consolidant même sa position sur le marché du luxe. Aujourd’hui, avec 4 % du PIB, elle est le troisième exportateur du pays, derrière les secteurs de la chimie et de la pharmacie, ainsi que celui des machines, qui sont des industries traditionnelles de l’économie helvétique.
Une double stratégie gagnante
Comment l’horlogerie suisse a-t-elle réussi ce tournant ? Les horlogers ont mis en œuvre une double stratégie. D’abord, avec des volumes de production accrus grâce à la marque Swatch, qui a intégré la technologie quartz. Dans les années 1980, l’appareil de production a été entièrement réorganisé, avec des fusions et des rachats. Ensuite, l’industrie a réinvesti dans la dimension « artisanale » de l’horlogerie, proposant des montres traditionnelles à mouvement, vendues à des prix élevés.
« Bien sûr, cette idée de montre artisanale est une image, car la production est extrêmement industrialisée. Rolex fabrique un million de montres par an. Cependant, l’industrie a véhiculé avec succès cette image de tradition et d’héritage, rendant la montre un accessoire de mode, presque superflu. Malgré cela, l’horlogerie suisse n’a jamais retrouvé ses niveaux d’emploi de 1960 », ajoute M. Donzé.
Une opportunité pour l’automobile allemande ?
L’automobile allemande peut-elle également se réinventer ? Cela impliquerait une réorganisation de ses capacités de production vers un segment électrifié et un renforcement de la spécialisation dans le luxe, la tradition et l’héritage. Cette vision est souvent entendue chez des constructeurs comme Porsche et Mercedes ces dernières années.
Cependant, cette stratégie dépendra largement de la capacité des consommateurs fortunés à continuer d’acheter. Le marché chinois, qui a permis à de nombreuses marques de luxe du Vieux Continent, qu’elles soient suisses, allemandes ou françaises, de réaliser d’énormes bénéfices depuis deux décennies, montre des signes de crise. En 2024, l’horlogerie suisse a ainsi enregistré une forte baisse de ses ventes en République populaire, malgré l’absence de concurrence directe chinoise, illustrant que la technologie n’est pas toujours le moteur du marché.