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En dépit des attaques russes incessantes sur son infrastructure énergétique, l’Ukraine a réussi à rester un pays de transit fiable pour le gaz russe vers le reste de l’Europe durant presque trois ans de conflit. Cependant, à partir du 1er janvier, cette dynamique a pris fin : le contrat entre Kyiv et Moscou concernant le transit de gaz a expiré. La société d’État russe Gazprom a annoncé ce mercredi matin l’arrêt des livraisons de gaz à partir de 6 heures.
Une rupture de contrat stratégique
L’Ukraine a décidé de ne pas renouveler cet accord, adoptant ainsi une posture qui lui permet d’attirer les faveurs de ses alliés occidentaux, tout en se mettant à dos les pays pro-Moscou. Le président slovaque Robert Fico a menacé vendredi d’interrompre les livraisons d’électricité à l’Ukraine si son pays ne recevait pas de gaz russe via l’Ukraine d’ici 2025. La Slovaquie pourrait ainsi perdre 220 millions d’euros par an si elle doit se tourner vers d’autres sources. Kyiv a un besoin urgent d’électricité des États européens, car la Russie a largement détruit les approvisionnements énergétiques en Ukraine.
Le contenu du contrat de transit
Le gaz transitait par le pipeline de fraternité, opérationnel depuis quarante ans, transportant le gaz de la Sibérie, via Souja, vers la région frontalière de Koursk, puis entrant en Ukraine. Ensuite, le gaz était acheminé vers la Slovaquie, d’où il se divisait vers la République tchèque et l’Autriche. En 2019, après cinq jours de négociations, la Russie et l’Ukraine avaient conclu un nouvel accord concernant l’utilisation de ce pipeline, qui arrive maintenant à son terme.
Le volume de gaz qui transite par ce pipeline a considérablement diminué : l’an dernier, environ 15 milliards de mètres cubes ont été transportés, soit seulement 8 % des exportations de gaz vers l’Europe en 2018 et 2019. Depuis l’invasion russe, de nombreux pays occidentaux ont rapidement réduit leurs importations de gaz russe pour se tourner vers des fournisseurs tels que la Norvège, les États-Unis et le Qatar.
Motivations de l’Ukraine pour ne pas renouveler l’accord
Le revenu généré par le transit de gaz est considérablement plus élevé pour la Russie que pour l’Ukraine, et cet argent est utilisé pour financer son invasion illégale. Selon des estimations de l’agence Reuters, Moscou a engrangé environ 5 milliards de dollars (soit environ 4,8 milliards d’euros) cette année, tandis que Kyiv a gagné moins d’un milliard de dollars. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exprimé son souhait de renouveler l’accord, mais seulement si le paiement était effectué après la guerre, ce que le Kremlin refuse de considérer.
Conséquences de l’arrêt des livraisons
À partir du 1er janvier, la Slovaquie, l’Autriche et la Hongrie ne seront pas immédiatement confrontées à une pénurie de gaz, car ces pays ont déjà pris des mesures préventives, en remplissant leurs réserves de gaz et en pouvant recevoir du gaz (russe) via d’autres pipelines, comme le TurkStream. Cependant, la capacité de ce pipeline est limitée, ne pouvant pas satisfaire tous les besoins.
La transition vers d’autres sources de gaz se traduira par des coûts plus élevés. La demande accrue pour des alternatives a déjà fait grimper les prix du gaz, atteignant un pic de 48 euros par mégawattheure à la fin novembre. Vladimir Poutine a déclaré la semaine dernière qu’il était impossible de prolonger le contrat, contribuant ainsi à la hausse des prix. De plus, des menaces récentes du Qatar d’arrêter ses exportations de gaz vers l’Europe pourraient aggraver la situation.
Les plus touchés sont les Moldaves, qui dépendent presque entièrement du gaz ukrainien. Le gaz entre en Moldavie à bas prix via la région séparatiste de Transnistrie, soutenue par Moscou, et est ensuite transformé en électricité bon marché. La seule autre route d’importation possible passe par la Roumanie, mais Gazprom ne semble pas vouloir l’utiliser. L’approvisionnement en gaz de Moldavie est utilisé par le Kremlin pour exercer des pressions, évoquant des factures impayées qui pourraient atteindre jusqu’à 700 millions d’euros.