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Réévaluation de l’Islam en Europe : Défis et Perspectives

by Sara
Allemagne, France

Réévaluation de l’Islam en Europe : Défis et Perspectives

En 2016, Volker Kauder, l’une des figures marquantes du parti chrétien-démocrate en Allemagne, a exprimé une position qui illustre bien la perception européenne des immigrants venant de pays musulmans : « Les musulmans appartiennent à l’Allemagne, mais l’islam non ». Une telle déclaration en dit long, non seulement sur le statut de l’islam en Europe, mais aussi sur la place des musulmans eux-mêmes.

Réflexions philosophiques sur l’identité

Trois ans auparavant, le philosophe allemand Peter Sloterdijk avait émis un avis similaire dans son ouvrage intitulé « Dans l’ombre du Sinaï : Marges sur les origines et transformations de l’organisme global ». Il y affirme qu’un musulman ne peut être à la fois musulman et citoyen d’un État démocratique, sans toutefois critiquer les chrétiens ou les juifs.

Le parti Alternative für Deutschland a quant à lui constamment soutenu que l’islam ne s’intègre pas dans la société allemande et qu’il représente un danger pour l’Allemagne.

Une culture de l’exclusion

Ces déclarations révèlent une volonté politique visant à empêcher les musulmans de s’affirmer comme une force culturelle dans le pays ou d’avoir une voix qui contribue à façonner l’espace public. Les stratégies non déclarées pour contrer les élites d’origine musulmane sont multiples, y compris la falsification de leurs véritables voix, les réduisant à un rôle de cinquième colonne, répétant le récit dominant et déformant les questions d’intégration.

Cette campagne non déclarée n’est pas seulement un obstacle à l’intégration, mais aussi, dans mon avis, un frein à la « culture du débat » (Streitkultur) que les médias allemands célèbrent à chaque occasion. Cette culture exige un droit à la critique et à l’autocritique, ce qui est rendu impossible par des politiques culturelles qui priveraient les migrants de leur droit à leur langue, culture et religion.

Un regard socio-économique sur l’immigration

Pour comprendre cette situation, il est nécessaire d’adopter une critique socio-économique structurelle de la migration, évitant de se limiter à une approche culturaliste. La migration, dans sa forme actuelle, est organiquement liée au système capitaliste et à ses contradictions, tout comme les guerres contemporaines ne peuvent être comprises sans tenir compte de la nature de ce système.

Ce point de vue a été exprimé par l’historien allemand Leopold von Ranke au XIXe siècle et a été confirmé par des écrits marxistes. Récemment, le philosophe tchèque Slavoj Žižek a également lié le phénomène des réfugiés au capitalisme contemporain et à ses jeux géopolitiques.

Dimensions culturelles de la discussion

Ce qui nous intéresse ici est l’aspect culturel de cette problématique, que l’on peut explorer à travers l’œuvre d’Abdelkebir Khatibi et son livre « Islam et modernité ». Il souligne notamment la place marginale accordée par l’histoire des idées occidentales à la contribution de la civilisation arabo-islamique.

Khatibi cite un exemple révélateur : le « Grand Atlas de l’architecture mondiale », publié en plusieurs langues européennes. Il s’étonne de la place accordée à l’architecture islamique, notant que, bien que les auteurs visent l’objectivité, le résultat est insatisfaisant. Tandis qu’un chapitre est consacré à l’architecture gothique allemande, un autre à l’architecture gothique anglaise, un autre à la Renaissance française, et ainsi de suite, il n’y a qu’un seul chapitre dédié à l’architecture islamique.

Questions de perception et de critique

Khatibi interroge les raisons de cette vision ahistorique de la civilisation islamique, que l’on retrouve chez les historiens, philosophes, anthropologues et orientalistes, et qui persiste dans le discours médiatique occidental. Il relie cela à un préjugé ancré dans la conscience culturelle européenne sur l’islam.

Ce préjugé suggère que si l’art occidental est synonyme de développement et de diversité, l’art islamique, au contraire, doit être caractérisé par la stagnation et la répétition. Ce questionnement soulève des réflexions sur la manière dont l’islam et la civilisation islamique sont représentés dans les écrits occidentaux depuis l’ère coloniale.

Réflexions finales sur l’avenir

Alors que la narration actuelle autour des Arabes et des musulmans ne semble pas dépasser ce cadre, il suffit d’observer les slogans de l’extrême droite en Europe pour conclure que cette vision perdure, même parmi des cercles académiques. De plus, la situation actuelle des Arabes et des musulmans alimente ce regard critique, alimenté par nos propres conflits et crises internes.

Pour faire face à ces préjugés répandus sur l’islam et les musulmans, il est essentiel d’établir un nouveau discours islamique qui respecte et encourage la diversité tout en affirmant son lien avec les réalisations de la modernité. La période actuelle, marquée par la crise que traverse le monde arabe, appelle à une réflexion collective sur une feuille de route culturelle qui met en avant les réalisations de l’islam, en cherchant à comprendre cette religion de l’intérieur de la modernité et à s’engager dans un dialogue critique avec les réalisations modernes.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/2/4/%d9%83%d9%8a%d9%81-%d9%8a%d8%b9%d8%a7%d8%af-%d8%aa%d8%b4%d9%83%d9%8a%d9%84-%d8%b5%d9%88%d8%b1%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d8%a5%d8%b3%d9%84%d8%a7%d9%85-%d9%81%d9%8a

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