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Trois ans après le scandale Orpea, le groupe, désormais connu sous le nom d’Emeis, se vante d’Ehpad transformés. « Nous sommes force de vie », proclame la nouvelle devise du groupe. Cependant, derrière cette communication, des familles et d’anciens salariés révèlent des pratiques qui demeurent problématiques.
Un cas inquiétant à Cagnes-sur-Mer
En août 2023, Véronique Ovadia place son père dans un Ehpad Emeis de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), espérant que les efforts du groupe portent leurs fruits. Quatorze mois plus tard, elle retire son père, affaibli, après avoir découvert des plaies et des hématomes inexpliqués. « On nous disait qu’il s’était gratté, alors qu’il ne bougeait pas un sourcil », raconte-t-elle. Son père décède quatre mois plus tard, laissant la famille sans explications malgré plusieurs courriers au groupe.
Témoignages et documents révélateurs
Des anciens employés de l’établissement Les Jardins d’Inès, où se trouvait le père de Véronique, ont décidé de prendre la parole. Un collectif a transmis à un journal régional et à « L’Œil du 20 heures » des documents internes soulignant de graves dysfonctionnements : résidents laissés sans repas, absence d’hydratation, médicaments non administrés, et même deux décès suspects. Un médecin a également démissionné, dénonçant des actes de maltraitance, comme le gavage de force.
Des signalements modifiés avant transmission
Conformément à la législation, ces incidents doivent être signalés rapidement aux autorités sanitaires. Une « fiche d’événement indésirable grave » a été rédigée, mentionnant ces faits. Toutefois, avant d’être envoyée, celle-ci a été relue par la direction régionale, puis par le siège d’Emeis, où elle a été profondément révisée.
Une version édulcorée a finalement été transmise à l’Agence régionale de santé (ARS), réduisant les quinze lignes de dysfonctionnements à cinq, avec suppression des mentions les plus graves. L’ARS a confirmé avoir été informée de problèmes liés au personnel, mais n’a reçu aucun élément prouvant des faits de maltraitance. Le directeur médical d’Emeis a nié toute volonté de dissimulation, affirmant que la modification était liée aux résultats de l’enquête, permettant de distinguer les faits « avérés » de ceux simplement « rapportés ».
Une pratique généralisée ?
Ces méthodes seraient-elles restreintes à cet établissement ? D’après une directrice de site ayant souhaité garder l’anonymat, la réponse est négative. « Toutes les déclarations sont relues et réécrites par le siège », a-t-elle déclaré. Elle craint que sa signature soit maintenue sur des documents remaniés, expliquant que « on arrondit certains angles pour éviter des complications, mais cela transforme des vérités. »
Pour sa part, Emeis soutient que les directeurs d’établissement ont la liberté de faire appel au service juridique et qu’aucune consigne de réécriture n’est donnée, seulement des suggestions.