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Des analyses réalisées par le service géologique national français, le BRGM, confirment l’impact des boues enfouies par l’industriel Tefal sur la pollution des eaux souterraines aux « polluants éternels » dans le secteur de Rumilly, en Haute-Savoie. La préfecture a recommandé aux habitants de la commune de ne plus utiliser les puits privés pollués.
Impact des dépôts Tefal sur l’eau
La conclusion est claire : *“confirmation de l’impact d’un ancien dépôt Tefal sur les eaux souterraines”* autour de Rumilly. Un document obtenu par France 3 Alpes résume les découvertes préliminaires du BRGM, présenté aux élus locaux il y a plus de deux mois. C’est la première fois que des scientifiques d’un établissement public désignent explicitement la responsabilité de l’entreprise dans la pollution aux PFAS affectant le secteur, corroborant les informations d’un épisode de *Complément d’Enquête* diffusé récemment sur France 2.
Dépôt de boues et pollution au PFOA
En s’appuyant sur des documents confidentiels et les témoignages d’anciens salariés, l’émission a mis en lumière l’activité historique de Tefal et l’enfouissement de déchets à Rumilly et alentour jusqu’à la fin des années 1980, notamment contenant du PFOA, un polluant cancérigène. Jusqu’en 2012, ce produit chimique était utilisé dans la fabrication du revêtement anti-adhésif des poêles françaises, avant d’être remplacé par d’autres molécules de la même famille des PFAS.
Le PFOA, découvert en 2022 dans les captages d’eau potable à des niveaux dépassant les normes sanitaires, a conduit les collectivités à interrompre l’alimentation en eau depuis ces sources et à investir plus d’un million d’euros pour construire une station de traitement. Bien que l’eau potable soit redevenue conforme grâce à ce traitement, les eaux souterraines de Rumilly demeurent fortement polluées par cette molécule.
Analyse de la pollution
Pour évaluer la pollution et son impact sur le territoire, la communauté de communes a engagé un programme de recherche avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La première campagne d’analyses, réalisée à l’automne 2024, confirme que certains dépôts de Tefal ont bien pollué les eaux souterraines, en particulier sur la commune de Sales, où 5000 m³ de déchets ont été enfouis à huit mètres de profondeur entre 1974 et 1975, avec l’accord des autorités. La zone touchée est même *“plus étendue”* que celle déjà connue par les pouvoirs publics, selon les scientifiques.
Pour établir cette conclusion, le BRGM a également identifié d’autres marqueurs que le PFOA, tels que le calcium provenant de la chaux utilisée pour neutraliser les boues toxiques.
Contamination élevée à Rumilly
Dans le secteur des Pérouses, près du plan d’eau de Rumilly, environ 2000 camions bennes de déchets en partie contaminés au PFOA ont été déversés. Les études du BRGM indiquent également une *“forte teneur en PFAS à proximité du dépôt Tefal”*.
Avec 3757 ng de PFOA par litre sous l’ancien dépôt, Rumilly figure parmi les trois communes les plus touchées par cette molécule, selon la base de données publiques des eaux souterraines françaises. C’est le seul endroit du secteur où la concentration de PFAS dépasse la norme française pour les eaux souterraines, fixée à 2000 ng par litre pour la somme de 20 PFAS.
Réaction de Tefal et analyse des résultats
Contacté par e-mail, le Groupe Seb a déclaré ne pas être au courant des résultats du BRGM, ajoutant que les études publiques de la DREAL indiquent la présence de PFOA à 98%, les 2% restants correspondant à *“des substances n’ayant jamais été utilisées par Tefal ou ses fournisseurs”*. L’industriel souligne également que le PFOA n’a été interdit qu’en 2020, précisant que son utilisation était *“généralisée dans un grand nombre d’activités”* à l’époque.
Des résultats inquiétants
Une autre conclusion de cette première campagne montre une même *“signature PFAS”* dans la majorité des secteurs touchés, parfois sans lien hydraulique. Malgré des variations de concentrations, les mêmes molécules sont souvent retrouvées, et ce dans des proportions très similaires, avec une forte prédominance du PFOA. Toutefois, le BRGM reste prudent, précisant que les résultats actuels ne permettent pas d’identifier un *“pollueur unique”* à l’échelle de la zone étudiée.
Par ailleurs, une autre molécule PFAS, utilisée par les fournisseurs de Tefal depuis le milieu des années 2000 pour remplacer le PFOA, a également été retrouvée dans la rivière Dadon, à proximité d’un rejet dont l’origine est encore à établir.
Préconisations des autorités
Suite à ces résultats préliminaires, la préfecture de Haute-Savoie a reconnu l’*“existence d’usages potentiellement à risques dans ce secteur”*. Par communiqué, les services de l’Etat recommandent de *“ne pas utiliser l’eau issue des puits privés de particuliers à usage unifamilial, quel qu’en soit l’usage”*. Cette recommandation concerne également le nord de la commune de Sales et la zone Nord Ouest de la commune de Marigny-Saint-Marcel.
Réagissant à ces annonces, Virgile Benoit, président de l’association environnementale Agir Ensemble pour Rumilly et l’Albanais (AERA), a exprimé son inquiétude concernant les taux de PFOA dans les terres arrosées depuis des décennies avec cette eau, mettant en lumière un problème potentiel de contamination des légumes.
Appel à la vigilance
Fabienne Grébert, conseillère régionale (Les Écologistes), a également souligné l’importance de s’intéresser aux puits utilisés par les maraîchers de la région. Elle appelle à la réalisation d’une étude épidémiologique sur le territoire. La mairie et la communauté de communes Rumilly Terre de Savoie n’ont pas souhaité répondre aux questions sur ce sujet, mais ont indiqué qu’une *“information auprès de la population sera régulièrement délivrée lorsque de nouveaux résultats d’études seront disponibles”*. Une seconde campagne d’analyses est prévue avant la publication des conclusions finales à l’été 2026.