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Ce soir, Michka Assayas nous fait prendre des nouvelles de quelques chanteuses et chanteurs oubliés qui viennent d’un autre temps et qui observent, avec un mélange de distance et d’effarement, les convulsions qui secouent le monde de maintenant.
Une chanson de nostalgie
Une chanson d’aujourd’hui qui, par son style et son son, évoque ce qu’on pouvait entendre il y a trente, voire cinquante ans. Je m’explique. « Speakers’ Corner », qu’on vient d’entendre, figurera dans un nouvel album, à paraître d’ici trois semaines, le premier que publie la chanteuse new-yorkaise Suzanne Vega depuis neuf ans. « Speakers’ Corner », c’est le coin, dans certaines villes, on le voyait à Londres, à Hyde Park, comme à New York et sans doute ailleurs, où des illuminés se plantent pour se lancer dans des discours, soliloques ou monologues : politique, religion, état du monde au sens large. Ils menacent, ils invectivent, ils annoncent des châtiments ou des lendemains qui chantent, ou simplement se plaignent. En tout cas, c’est rarement joyeux et souvent morose.
Les réflexions de Suzanne Vega
Dans cette nouvelle chanson au style folk-rock très ancien, Suzanne Vega se décrit comme le dingue au bord du carrefour qui lance ses diatribes et ses divagations sous le soleil de midi. Ses appels et ses arguments, bien que sincères, n’ont pas beaucoup d’effet, ils montent comme la fumée d’un bâtonnet d’encens pendant une prière, bouddhiste, évidemment.
Aujourd’hui âgée de soixante-cinq ans, Suzanne Vega a vu le monde changer à plusieurs reprises. Elle souligne un constat que beaucoup partagent : tout le monde parle, mais personne n’écoute. Ce contraste avec le monde de la chanson folk, né à New York, où la parole d’un poète chantant devait porter un certain poids pour être entendue, semble révolu. La voix des artistes d’aujourd’hui n’est plus qu’une parmi d’autres, sans plus de poids que celle du dingue au coin de la rue.
Un héritage puissant
Suzanne Vega, qui a marqué l’histoire de la musique avec sa chanson « Luka », diffusée il y a près de quarante ans, a mis en lumière une réalité souvent ignorée dans les années 80 : celle d’un enfant battu. Elle a vécu cette douleur dans sa propre vie, ayant été frappée par son beau-père, Ed Vega, un militant nationaliste portoricain. Contrairement à l’image que l’on se fait souvent des artistes folk, Suzanne Vega n’est pas une personnalité douce et introvertie. Elle a grandi dans un quartier difficile d’East Harlem et a dû se battre pour s’imposer dans un monde d’hommes.
Retour aux sources
Un peu par hasard, sa chanson « Tom’s Diner », remixée en 1990, est devenue un tube mondial. Des artistes comme Tupac Shakur, Snoop Dogg et Drake ont échantillonné ce titre. Malgré les défis, Suzanne Vega est toujours présente sur la scène musicale. Elle considère le monde actuel comme une catastrophe à laquelle elle doit faire face, avec ses moyens : écrire et chanter des chansons sur ce qu’elle ressent. Son nouvel album, Flying with Angels, sortira au début du mois prochain.
Malheureusement, sa tournée ne passera pas par la France, mais elle aura une date à Bruxelles le 10 octobre et à Esch sur Alzette, au Luxembourg, le 13.
Edwyn Collins : un retour inspirant
Un autre revenant, l’Écossais Edwyn Collins, revient de très loin. Victime d’une hémorragie cérébrale il y a vingt ans, il a réussi à se rééduquer pour retrouver la parole et la musique. Depuis 2007, il a enregistré cinq albums, le dernier étant intitulé Nation Shall Speak Unto Nation. Au début des années 80, il chantait au sein du groupe Orange Juice, un groupe qui a connu un petit succès à l’époque. Au milieu des années 90, il a connu un succès surprise avec la chanson « A Girl Like You ».
À soixante-cinq ans, Edwyn Collins vit dans une maison familiale au bord de la mer du Nord, dans les Highlands, où il mène une vie heureuse avec sa femme. Sa chanson Knowledge est à découvrir dans l’émission Very Good Trip ce soir sur France Inter.