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Dans le centre de Marseille, rue Jean Roque, à proximité immédiate de la rue d’Aubagne, la Société Publique Locale d’Aménagement et d’Intervention Nationale (SPLA-IN) a entamé en novembre 2024 ses premiers travaux de réhabilitation. « Les chantiers de quatre immeubles ont démarré », indique David Ytier, président de la SPLA-IN. « D’ici juillet, nous en aurons une quinzaine. Ce sera une première vague importante. C’est la plus grande opération de réhabilitation d’habitat privé dégradé que Marseille ait jamais connue. »
Une réponse née d’une tragédie et une coordination renforcée
Suite à l’effondrement tragique de la rue d’Aubagne le 5 novembre 2018, qui a causé la mort de huit personnes, la SPLA-IN a été créée afin de fédérer les efforts de l’État, de la Métropole et de la Ville. Sa mission : remédier aux problèmes d’habitat privé indigne en réalisant directement des réhabilitations ou en incitant les propriétaires à entreprendre les travaux nécessaires.
Franck Caro, directeur de la SPLA-IN, explique : « Les SPLA-IN sont les petites sœurs en collectivité locale des Sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales. Elles permettent à l’État de se positionner en tiers de confiance lorsque le sujet est grave et d’intérêt national. » Deux SPLA-IN ont ainsi vu le jour à Marseille, l’une consacrée aux écoles, l’autre à l’habitat privé dégradé.
Habitat indigne : un danger permanent pour les habitants
« Lorsqu’on parle d’habitat indigne, il s’agit d’un habitat mettant en danger ses occupants », rappelle Franck Caro. À Marseille, de nombreux immeubles sont interdépendants, et des parties communes laissées à l’abandon ou des interventions isolées mal coordonnées peuvent compromettre la stabilité des bâtiments et de leurs voisins.
La surexploitation du bâti produit également des conditions de vie difficiles : appartements minuscules, parfois sans fenêtres, créant des situations jugées « tout à fait indécentes » et un véritable « exploitation extrême ».
Par ailleurs, seulement 20 % des logements dans le périmètre d’intervention sont occupés par leurs propriétaires, tandis que 80 % appartiennent à des investisseurs, parmi lesquels de nombreux marchands de sommeil. Ces derniers profitent de la précarité des locataires et du manque de logements sociaux. Dans le quartier de Noailles, par exemple, 95 % des habitants sont éligibles au logement social, mais seuls 5 à 6 % en bénéficient effectivement, occupant souvent des logements qualifiés par les sociologues de « logement social de fait ».
Réhabilitation et adaptation sociale et climatique
Parmi les axes prioritaires de la SPLA-IN figure la transformation de 70 % des logements du périmètre en logements sociaux, en plus de la réhabilitation proprement dite, qu’elle réalise ou encourage.
Un troisième pilier concerne l’adaptation au changement climatique. « Nous devons nous préparer à un climat qui, dans 15 à 20 ans, ressemblera à celui d’Alger aujourd’hui », souligne Franck Caro. Pour cela, il est essentiel de restaurer la qualité originelle du bâti, en rendant par exemple les appartements traversants, tout en luttant contre les îlots de chaleur urbains au moyen d’aménagements publics. Deux secteurs ont déjà vu le lancement des marchés de travaux, qui s’étaleront sur trois années.
Un vaste chantier de réhabilitation planifié jusqu’en 2031
Après la première vague de travaux prévue d’ici l’été 2025, la SPLA-IN a pour mandat de réhabiliter entre 160 et 180 immeubles d’ici 2031, dont elle est déjà propriétaire de près de 80.
Par ailleurs, environ 200 immeubles, répartis en 118 copropriétés et 50 monopropriétés, devraient bénéficier d’aides importantes via le dispositif de l’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (Opah) de renouvellement urbain, dans un délai de cinq ans.
Ces opérations impliquent des déplacements d’habitants, une étape délicate et complexe. Franck Caro insiste : « Il ne faut pas oublier que ces bâtiments sont habités, et que beaucoup de leurs résidents traversent des situations dantesques. »