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La crise diplomatique entre la France et l’Algérie s’intensifie avec des expulsions croisées de diplomates et le rappel de l’ambassadeur français à Alger. Cette escalade intervient dans un contexte tendu, marqué par une détérioration rapide des relations bilatérales et une affaire judiciaire sensible qui alimente les tensions.
Expulsions réciproques et rappel d’ambassadeur
À la suite de l’ultimatum lancé par Alger ordonnant le départ de douze fonctionnaires français, Paris a répondu à son tour par une mesure symétrique mardi 15 avril. Douze agents « servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France » vont être expulsés, a annoncé la présidence de la République dans un communiqué officiel. Par ailleurs, Stéphane Romatet, ambassadeur de France à Alger, est rappelé à Paris.
Cette réplique sans précédent a été qualifiée par un ancien diplomate d’« inédit ». La France dénonce une décision algérienne « qui méconnaît les règles élémentaires de nos procédures judiciaires, qui est injustifiée et incompréhensible ». La responsabilité de cette dégradation brutale des relations bilatérales est attribuée par le gouvernement français au régime algérien. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a souligné sur TF1 : « Les autorités algériennes ont fait le choix de l’escalade ».
La séquestration d’Amir Boukhors au cœur du conflit
Les relations entre les deux pays, déjà tendues depuis huit mois, avaient semblé s’améliorer fin mars après une conversation téléphonique entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, puis la visite de Jean-Noël Barrot à Alger le 6 avril. Cependant, ce fragile réchauffement s’est effondré à la suite de l’arrestation, vendredi 11 avril en France, de trois hommes, dont un employé d’un consulat algérien en France.
Ces individus sont mis en examen pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire dans le cadre d’une entreprise terroriste, selon le Parquet national antiterroriste. Ils sont soupçonnés d’être impliqués dans la séquestration en avril 2024 d’Amir Boukhors, un opposant au régime algérien surnommé Amir DZ, connu pour son influence sur TikTok et autres réseaux sociaux. Ce rapt a été qualifié d’« avéré » par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
La diplomatie algérienne a condamné cet épisode comme un « acte indigne » résultant, selon elle, de « l’attitude négative, affligeante et constante du ministre de l’Intérieur français vis-à-vis de l’Algérie ».
Une ligne dure assumée par Bruno Retailleau
Bruno Retailleau, ancien chef des sénateurs LR et actuel ministre de l’Intérieur, est l’un des principaux artisans d’une posture ferme vis-à-vis d’Alger. Depuis sa nomination, il a adopté une ligne stricte, ce qui lui a valu des critiques du gouvernement algérien l’accusant de « barbouzeries à des fins purement personnelles ».
Sur CNews, Retailleau a déclaré : « Je prône la fermeté depuis des mois. Je l’ai d’abord prônée seul dans le désert, puis le gouvernement en a fait sa ligne ». Bien qu’éloigné du dossier algérien au profit du Quai d’Orsay, il s’est publiquement félicité des expulsions de diplomates algériens et a dénoncé le pouvoir algérien. Selon lui, « trop souvent le régime a profité de nos faiblesses. La France a été une sorte de bouc émissaire. Il est inacceptable que la France soit un terrain de jeu pour les services algériens ».
Des perspectives d’apaisement désormais fragilisées
Les espoirs d’une détente diplomatique semblent s’éloigner. Laurent Lhardit, député PS et président du groupe d’amitié France-Algérie à l’Assemblée nationale, déplore cette nouvelle escalade : « Je pensais qu’on allait vers un apaisement. C’est regrettable. »
Dans son communiqué, l’Élysée affirme que la France entend désormais « défendre ses intérêts et continuer d’exiger de l’Algérie qu’elle respecte pleinement ses obligations à son égard ». Sur le réseau social X, Jean-Noël Barrot a imputé cette « escalade » à Alger : « Nous répliquons comme annoncé. […] Le dialogue, toujours, mais pas à sens unique. »
Invité sur France 2, le ministre a également tenu à dissocier l’affaire judiciaire de l’influenceur Amir DZ de son collègue de l’Intérieur, insistant sur l’indépendance de la justice française.
Les jeux politiques autour de la crise
Un député LR, membre de la commission des Affaires étrangères, avance que « les Algériens tentent de jouer sur la solidarité au sein de notre gouvernement », en insistant sur le fait que « l’exécutif n’y est pour rien mais les Algériens n’imaginent pas qu’il soit indépendant ». Cette analyse est partagée par un ancien haut cadre du renseignement familier de la région.
Par ailleurs, le communiqué présidentiel français ne fait pas référence à la situation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, actuellement incarcéré en Algérie après sa condamnation à cinq ans de prison. Emmanuel Macron se disait toutefois « confiant » quant à sa libération prochaine et plaidait toujours, via Jean-Noël Barrot, « pour un geste d’humanité ».