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La situation sécuritaire en Haïti est en « chute libre », alertent des organisations de défense des droits humains, alors que la violence des gangs armés s’intensifie à Port-au-Prince et dans d’autres régions du pays.
Human Rights Watch (HRW) a dénoncé la multiplication des attaques des gangs criminels à Port-au-Prince depuis la fin de l’année dernière. Selon l’organisation, seules 10 % des zones de la capitale restent sous contrôle gouvernemental.
Violence grandissante et crise sécuritaire
Nathalye Cotrino, chercheuse senior pour les Amériques chez Human Rights Watch, déclare : « La situation sécuritaire en Haïti est en chute libre et les Haïtiens subissent des abus horribles ». Depuis plusieurs années, des groupes armés puissants, souvent liés à des figures politiques et économiques, se disputent le contrôle des territoires, aggravant l’instabilité.
La situation a empiré après l’assassinat en juillet 2021 du président Jovenel Moïse, qui a plongé le pays dans un vide politique profond.
Une crise politique et sécuritaire aggravée en 2024
En 2024, les gangs ont multiplié les attaques contre les prisons et institutions publiques de Port-au-Prince, ravivant une profonde crise politique. Cette escalade a conduit à la démission du Premier ministre non élu, l’instauration d’un conseil présidentiel de transition, ainsi qu’au déploiement d’une mission policière multinationale soutenue par l’ONU.
Cette force policière, dirigée par le Kenya et connue sous le nom de Mission de soutien à la sécurité multinationale (MSS), peine toutefois à reprendre le contrôle face aux gangs, en raison d’un manque de financement et d’équipement adéquat.
Multiplication des violences et protestations
Face à la menace des gangs, des groupes dits d’auto-défense se sont formés, accentuant ainsi la violence armée. Parallèlement, des manifestations se sont élevées à Port-au-Prince contre le conseil présidentiel de transition, incapable d’améliorer la sécurité.
Le 7 avril, un nouvel état d’urgence d’un mois a été déclaré par les autorités pour tenter de juguler ces violences.
Selon le Réseau National de Défense des Droits Humains, « déclarer des états d’urgence sans armer les forces de police avec les moyens nécessaires, comme des véhicules blindés efficaces, ne résoudra pas la crise ». L’organisation déplore que l’absence de réponse étatique transforme la police en simples pompiers réactifs, alors que les quartiers tombent les uns après les autres.
Victimes et exode massif
Les chiffres des Nations Unies révèlent qu’entre le 1er janvier et le 27 mars, au moins 1 518 personnes ont été tuées et 572 autres blessées dans des attaques de gangs, opérations des forces de sécurité et violences des groupes d’auto-défense.
Un travailleur humanitaire interrogé par HRW témoigne d’une détresse profonde : « Les habitants n’ont plus aucun lieu sûr. Les femmes demandant de l’aide ont perdu des proches, ont été violées, déplacées et laissées à la rue, affamées et luttant pour survivre. Nous ignorons combien de temps elles pourront supporter ces souffrances. »
Selon lui, les victimes réclament uniquement la fin de la violence. « Sans soutien des forces de l’ordre ou du gouvernement, elles se sentent abandonnées et s’interrogent : ‘Pourquoi personne ne nous aide ? Pourquoi la vie des Haïtiens n’a-t-elle pas d’importance alors que nous sommes aussi humains ?’ »
Crise humanitaire et enfants en danger
Plus d’un million de Haïtiens ont été déplacés par la violence, tandis que la moitié de la population – soit environ 5,5 millions de personnes – fait face à une insécurité alimentaire aiguë, selon l’ONU.
Au début du mois d’avril, Save the Children a indiqué que plus de 40 000 enfants figuraient parmi les déplacés durant les trois premiers mois de 2025.
Chantal Sylvie Imbeault, directrice pays de l’ONG, dénonce cette situation dramatique : « Les enfants en Haïti sont piégés dans un cauchemar. Ils vivent dans des zones mortelles contrôlées par des groupes armés, privés d’une enfance normale et constamment exposés au risque d’enrôlement. L’aide humanitaire peine à les atteindre. »
Elle ajoute que « tandis que le nombre de déplacés ne cesse d’augmenter, les abris se surpeuplent, exposant les enfants aux maladies, à l’exploitation et aux violences sexuelles ».