Table of Contents
En Serbie, les syndicats ont appelé les travailleurs à rejoindre un rassemblement initié par les étudiants jeudi prochain, marquant une première alliance dans un mouvement de protestation de grande ampleur qui dure depuis six mois. Ce mouvement a éclaté après l’effondrement mortel du toit d’une gare à Novi Sad, une tragédie qui a ravivé l’indignation contre la corruption et la mauvaise gestion.
Une mobilisation inédite entre étudiants et syndicats
Depuis six mois, la Serbie est secouée par une vague de manifestations presque quotidienne, menées majoritairement par des étudiants. Le point de départ fut l’effondrement de la toiture rénovée de la gare ferroviaire de Novi Sad en novembre dernier, qui a coûté la vie à 16 personnes. Cette catastrophe est largement attribuée à des actes de corruption et au manque de contrôle adéquat.
Cette crise a conduit à la démission du Premier ministre et à la chute du gouvernement. Le 1er mai, étudiants et membres des cinq plus grandes organisations syndicales de Serbie se rassembleront devant le bâtiment du gouvernement à Belgrade, marquant une nouvelle étape dans leur lutte.
Les étudiants ont annoncé via leur compte Instagram officiel que « leur combat entre dans une nouvelle phase ».
Une union syndicale historique
Zeljko Veselinovic, leader du syndicat « Sloga » (Unité), a reconnu l’importance de cette évolution dans une déclaration à l’AFP : « Les étudiants nous ont unis ». Il poursuit en affirmant que, dans ses vingt années d’activité syndicale, il n’a jamais vu ces cinq syndicats se rassembler ensemble pour une même cause ou même être dans la même pièce.
Selon les syndicats, environ 500 000 personnes sur les 2,36 millions de travailleurs serbes sont membres d’un syndicat. Ces cinq principales organisations syndicales représentent une large majorité de ces adhérents, couvrant la plupart des secteurs industriels.
Vers une radicalisation des actions
Après le rassemblement, les étudiants ont annoncé qu’ils ne se limiteraient plus aux blocages qui ont entraîné la fermeture prolongée de leurs facultés. « C’est une étape vers la radicalisation qui permettra de nouvelles formes de pression », ont-ils précisé sans donner davantage de détails.
Ils réclament déjà la poursuite des responsables de l’accident et la levée des charges contre les étudiants arrêtés lors des blocages. Leur combat s’étend désormais aux réformes des lois du travail et du droit de grève. Plusieurs enseignants qui les soutiennent ont perdu leur salaire pendant des mois en raison de lois floues permettant aux employeurs de suspendre les paiements même en l’absence de grève effective.
« Ces lois protègent les autorités, pas les travailleurs », dénoncent-ils. « Elles doivent être modifiées. »
Le soutien des familles endeuillées
Les manifestations étudiantes bénéficient du soutien de familles touchées personnellement par la tragédie, à l’image de Dijana Hrka dont le fils Stefan, âgé de 27 ans, est décédé lors de l’effondrement. Présente à plusieurs rassemblements, elle accueille et enlace les manifestants en larmes.
« Ce sont eux qui m’ont donné des ailes », confie-t-elle à l’AFP. « Sans eux, je ne saurais probablement pas comment continuer. » Elle insiste sur le fait que, pour elle et les manifestants, la corruption est la cause profonde du drame.
« J’ai compris que les dirigeants de notre pays ne se soucient ni des enfants ni des citoyens… Ils ne pensent qu’à l’argent. »
Une mobilisation nationale et internationale
Depuis six mois, les protestations étudiantes touchent tout le territoire serbe, avec des manifestations rassemblant parfois des centaines de milliers de personnes. Avant chaque grand rassemblement, les étudiants parcourent à pied les villes moyennes, bastions traditionnels du parti au pouvoir, pour sensibiliser la population.
Un groupe de 80 étudiants a même effectué un périple à vélo jusqu’à Strasbourg afin d’alerter les institutions européennes sur la situation en Serbie. Parallèlement, un groupe d’ultra-marathoniens se dirige vers Bruxelles avec le même objectif.
Une enquête au point mort
Selon Ivan Ninic, l’avocat de Dijana Hrka, l’enquête sur la catastrophe accuse un retard important. « En six mois, l’enquête aurait dû être terminée, les mises en cause formelles, et le procès en cours », a-t-il déclaré à l’AFP.
Le 30 décembre, le parquet a officiellement inculpé treize personnes, dont un ancien ministre des Transports, pour mise en danger de la sécurité publique. Cependant, la cour serbe a renvoyé l’acte d’accusation pour enquête complémentaire.
« Cela signifie que le procureur a mal conduit l’enquête préliminaire et n’a pas mené les actions nécessaires avec la qualité requise », déplore l’avocat.
Parallèlement, le Bureau du Procureur pour la criminalité organisée enquête sur d’éventuelles affaires de corruption lors de la rénovation de la gare de Novi Sad.
De plus, le Bureau européen du procureur (EPPO) a ouvert une enquête sur un possible détournement de fonds européens liés à la reconstruction de la ligne ferroviaire et de la gare.