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Ce 10 mars, Alexia Laroche-Joubert, PDG de Banijay France, semble déjà plonger dans l’ambiance estivale avec la découverte des dessins « très joyeux » des épreuves d’Intervilles, que France 2 remettra à l’antenne en juillet. Ce retour d’une kermesse populaire se veut un remède face à un climat social et médiatique souvent anxiogène. Parallèlement, elle observe avec lucidité l’hystérisation provoquée par Cyril Hanouna à l’approche de la fermeture de C8. « Il sait créer le besoin de lui, c’est son talent », analyse-t-elle, tout en soulignant que l’animateur reste un homme d’affaires impliqué dans toutes les négociations, notamment pour son récent passage vers M6.
Une empreinte forte dans le divertissement français
Banijay France, sous la direction d’Alexia Laroche-Joubert, détient une part significative des heures de divertissement diffusées en France, avec un catalogue comprenant Star Academy, LOL : Qui rit, sort !, Koh-Lanta, N’oubliez pas les paroles, Drag Race, et bien d’autres. Malgré cette diversité, son nom reste étroitement lié à Loft Story, émission pionnière de la télé-réalité lancée il y a plus de vingt-cinq ans, qui a profondément transformé le paysage audiovisuel.
Interrogée sur ses ambitions futures, elle ne cache pas son envie de diriger une chaîne complète, et non seulement de piloter des programmes. À 55 ans, l’image d’une femme de pouvoir affirmée, avec une tenue pop aux couleurs vives, un regard franc et une forte personnalité, se dégage d’elle sans aucun compromis.
Un parcours hors des sentiers battus
Cette assurance étonne, surtout lorsque l’on connaît les difficultés scolaires d’Alexia Laroche-Joubert, marquées par une dyslexie longtemps non diagnostiquée, source d’une gêne persistante. Elle avoue ressentir encore une forme de honte face aux fautes d’orthographe ou inversions de syllabes, notamment dans des contextes sociaux où elle se sent parfois inférieure.
Issue d’un milieu familial proche du monde audiovisuel, avec une mère journaliste, un beau-père cofondateur de Canal+ et un père publicitaire, elle reconnaît sans détour être une « nepo baby » (enfant du népotisme). Cette origine lui a permis d’entrer rapidement dans le secteur, débutant chez Canal+ sous la tutelle de Marc-Olivier Fogiel. Ce dernier se souvient d’une jeune femme très créative, parfois trop audacieuse, comme lorsqu’elle invita des membres du CSA dans son émission, provoquant une réaction vive du président Hervé Bourges.
Sa carrière journalistique s’étend à TF1 où elle devient rédactrice en chef d’un magazine people, expérience qu’elle a dû abandonner, réalisant que ce n’était pas sa voie.
Loft Story : une révolution télévisuelle
La collaboration avec Stéphane Courbit, alors à la tête d’Endemol, et le lancement de Loft Story au printemps 2001 ont marqué un tournant décisif dans sa carrière. Derrière la vitre sans tain, elle coordonne les opérations, tandis que le programme déchaîne passions et controverses à travers la France. Pendant que certains médias s’indignent, elle continue son travail, même si sa mère, alors correspondante sur la guerre du Cachemire, déplore que ce sujet soit éclipsé par l’engouement pour la télé-réalité.
Loana passant l’aspirateur, selon elle, évoquait une forme de « cinéma expérimental », allant presque jusqu’à une œuvre artistique décalée.
De la télé-réalité à la fiction
En novembre dernier, Alexia Laroche-Joubert est devenue le personnage central de « Culte », une série fictionnelle retraçant le tournage de Loft Story. Bien qu’elle n’en soit pas l’instigatrice, elle en a assuré la coproduction afin de garder la main sur le projet, ce qui a généré quelques critiques. Les auteurs affirment toutefois qu’elle n’a exercé aucune censure et leur a laissé la liberté artistique finale.
Cette incursion dans la fiction marque une nouvelle étape dans sa carrière, d’autant plus visible qu’elle a accompagné la promotion de la série aux côtés d’Anaïde Rozam, qui la joue à l’écran. Elle apparaît également dans le roman « Les enfants sont rois » de Delphine de Vigan, où lui est attribuée cette phrase : « Un bon candidat vous séduit ou vous énerve. S’il vous emmerde, laissez tomber. »
Cataloguée au fil des années comme cynique et amorale, elle assume pleinement ce rôle de « paravent » dans le monde de la télé-réalité, partageant certains traits avec Stéphane Courbit.
Une dirigeante résiliente face aux crises
Le duo professionnel avec Stéphane Courbit, interrompu en 2007, se reforme en 2016. Courbit, classé 51e fortune française selon Challenges, rachète la société ALJ d’Alexia pour un peu plus d’un million d’euros, somme qu’elle réinvestit en partie dans Banijay, le premier producteur mondial. Elle détient cependant moins de 1 % du capital.
À la tête d’Adventure Line Productions, elle doit faire face à des défis majeurs, notamment en 2018 avec l’interruption du tournage de Koh-Lanta suite à une agression sexuelle présumée, un coup dur financier non couvert par l’assurance. Puis, la pandémie de Covid-19 stoppe les vols internationaux et ferme les hôtels, compliquant considérablement les productions à l’étranger.
Malgré cela, avec l’accord total de Stéphane Courbit, elle décide de maintenir le tournage à Tahiti, mettant en place un protocole sanitaire strict et privatisant un paquebot de Ponant pour loger l’équipe. Une anecdote marquante relate l’annulation de dernière minute par un cuisinier testé positif au Covid, entraînant la nécessité d’acheminer un autre navire depuis la Russie.
À la fin, l’émission a bien eu lieu, et en 2021, la pénurie de programmes due à la pandémie profite à TF1 qui diffuse treize soirées inédites, renforçant la crédibilité et les liens professionnels d’Alexia.
Une présidence marquée par la gestion de fortes personnalités
Grâce à son travail acharné, Alexia Laroche-Joubert obtient la présidence de Banijay France. Elle souligne qu’« on ne vous donne rien », rappelant son parcours marqué par une formation en propriété intellectuelle et un positionnement rare chez les femmes dirigeantes non limitées aux fonctions artistiques.
Banijay France génère un chiffre d’affaires d’environ 400 millions d’euros, avec vingt filiales et une clientèle élargie grâce aux plateformes de streaming. La rentabilité des programmes est élevée, oscillant entre 20 % et jusqu’à 25-28 % pour les talk-shows.
Ayant été elle-même animatrice au début de Star Academy, elle comprend bien les enjeux émotionnels des animateurs, entre adrénaline et angoisses.
Elle a également soutenu Cyril Hanouna lors de son réquisitoire contre l’Arcom, régulateur qui a stoppé la diffusion de C8, défendant la liberté d’expression tout en reconnaissant l’importance de l’institution. Sa prise de position, bien que directe, laisse entrevoir une volonté de rester mesurée si elle venait à briguer la présidence d’une chaîne.