Table of Contents
Le nouveau gouvernement allemand durcit sa politique migratoire en annonçant le refoulement massif des demandeurs d’asile aux frontières dès le 7 mai 2024. Cette décision intervient quelques heures seulement après l’entrée en fonction du ministre conservateur de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, dans un contexte où l’extrême droite gagne du terrain dans les sondages, suscitant des réactions immédiates de la Pologne et de la Suisse.
Annulation d’une directive clé de 2015
Le ministre Alexander Dobrindt a rapidement annulé une directive adoptée en 2015, en pleine crise migratoire européenne. À cette époque, l’Allemagne avait accueilli plus d’un million de réfugiés, principalement syriens et afghans. Son prédécesseur, Thomas de Maizière, avait alors ordonné à la police fédérale d’« autoriser l’entrée de ressortissants de pays tiers sans documents légitimant leur séjour et sans présentation d’une demande d’asile ».
Avec cette annulation, le gouvernement dirigé par le conservateur Friedrich Merz tourne ainsi définitivement la page de la politique d’accueil généreuse initiée sous Angela Merkel, marquant un durcissement net de la politique migratoire en Allemagne.
Contrôle renforcé aux frontières sans surcharge pour les voisins
Concrètement, Alexander Dobrindt a ordonné à la police des frontières de refouler les demandeurs d’asile sans papiers, à l’exception des groupes vulnérables tels que les enfants et les femmes enceintes. Lors d’une conférence de presse à Berlin, il a insisté sur la nécessité pour l’Allemagne de prendre des mesures afin de réduire l’immigration illégale et le nombre de demandes d’asile.
Il a affirmé vouloir restaurer « clarté, cohérence et contrôle » dans la politique migratoire. Tout en excluant la fermeture des frontières, Dobrindt a annoncé un renforcement des contrôles frontaliers, ce qui devrait se traduire par une augmentation des refoulements.
Le ministre a également tenu à rassurer les pays voisins, en particulier la Pologne, en précisant que ces mesures ne conduiraient pas à une surcharge de leurs capacités d’accueil ni à une entrave excessive à la circulation transfrontalière.
Réactions internationales et prise de position de Berlin
En réponse à ces annonces, Donald Tusk, chef du gouvernement polonais, a appelé Friedrich Merz à concentrer ses efforts sur la sécurisation des frontières extérieures de l’Union européenne et à préserver la zone Schengen. Lors d’une conférence de presse conjointe à Varsovie, il a exprimé ses réserves quant aux contrôles frontaliers internes renforcés.
De son côté, Friedrich Merz a déclaré à la chaîne allemande Die Welt avoir préalablement informé les présidents français Emmanuel Macron et polonais Donald Tusk de ces mesures. Il a reconnu que ces contrôles ne pouvaient être qu’une solution temporaire, mais qu’ils étaient nécessaires face à l’ampleur de la migration irrégulière en Europe. Selon lui, l’Allemagne, positionnée au cœur du continent, subit particulièrement les effets de ce phénomène.
Chiffres et contexte politique
Le ministère allemand de l’Intérieur rapporte une augmentation des demandes d’asile entre 2020 et 2023, suivie d’une baisse en 2024. En effet, 250 945 personnes ont sollicité l’asile en Allemagne sur l’année 2024, soit une diminution de 28,7 % par rapport à 2023. Depuis octobre 2023, plus de 53 000 personnes ont été refoulées aux frontières allemandes, selon les données officielles publiées début mai.
Ce durcissement de la politique migratoire s’inscrit dans un contexte électoral tendu, marqué par une série d’attaques commises par des étrangers et la montée en puissance de l’extrême droite. Friedrich Merz avait annoncé avant même la prise de ses fonctions qu’il ferait de l’immigration l’un des dossiers prioritaires de son gouvernement, cherchant ainsi à reconquérir les électeurs tentés par les partis nationalistes.
Dans certains sondages récents, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), classé « extrémiste de droite » par les services de Renseignement intérieur, est même passé en tête devant les conservateurs. Ce parti, arrivé deuxième aux législatives, inquiète le gouvernement en raison de sa « agitation continue » contre les migrants, les réfugiés et les musulmans, qu’il présente comme un « collectif menaçant ».