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Michel Gaubert, l’illustrateur sonore incontournable de la mode, révèle dans ses mémoires «Remixed» son parcours unique et sa collaboration emblématique avec Karl Lagerfeld. Depuis plusieurs décennies, il orchestre avec brio l’atmosphère musicale des défilés des maisons les plus prestigieuses telles que Chanel et Fendi, offrant ainsi aux spectateurs une expérience sensorielle complète où musique et mode se rencontrent avec intensité.
Un métier au croisement de la musique et de l’image
Michel Gaubert précise la particularité de son rôle : « Contrairement à un DJ dont la mission est de faire danser, l’illustration sonore complète l’aspect visuel. Associée à l’image dans un défilé ou un film, la musique transcende et souligne les différentes manières de ressentir et de voir. »
Son univers se construit dès son adolescence, marqué par un voyage à Londres où il découvre David Bowie et la culture musicale britannique, qui lui offre une véritable libération musicale et stylistique. Il explique : « Je trouvais que l’anglais était une langue sexy, plus directe et musicale que le français. La musique pop, bien implantée à Londres dans les années 60 et 70, était en France perçue comme marginale et excentrique. »
Les influences britanniques et l’esprit punk
Michel Gaubert évoque l’époque de la boutique SEX de Vivienne Westwood et Malcolm McLaren, figures emblématiques du mouvement punk à Londres, très éloigné des maisons de couture parisiennes. La mode y était plus accessible, avec des lieux mythiques comme Carnaby Street ou King’s Road. « Les groupes du moment utilisaient la mode comme langage visuel, » précise-t-il, soulignant que les créateurs de l’identité punk sont devenus célèbres grâce aux Sex Pistols.
Cette époque forge une esthétique réactive aux contextes sociaux et historiques, où la musique et la mode se nourrissent mutuellement dans une expression directe et accessible.
Un virage technologique et la dématérialisation de la musique
En abordant l’évolution de la musique vers le numérique, Michel Gaubert raconte : « La dématérialisation a rendu la musique plus fragile, transformée en un bien jetable. Avec les plateformes, on a perdu les repères visuels comme les pochettes de disque. Quand je travaillais dans un disquaire au début des années 80, je recevais une cinquantaine de disques par semaine. Je me souviens des pochettes, qui sont une partie intégrante de la musique. »
Le lien indéfectible entre mode et musique
Michel Gaubert souligne que la mode et la musique sont les reflets de leur époque. « On consomme l’une comme l’autre de façon compulsive. Les mouvements comme le punk, les hippies ou le grunge émergent toujours en réaction à leur contexte historique. Contrairement à d’autres formes artistiques, la mode et la musique s’expriment de manière simple et rapide. »
Les années folles au Palace et son héritage
Ancien DJ au Sept et au Palace, deux clubs mythiques des années 70 et 80, Michel Gaubert se remémore ces lieux comme des espaces de liberté totale. « Au Sept, j’ai compris que l’homosexualité n’était pas un défaut. Le Palace était un palais des libertés d’expression et de soi-même, un navire parisien unique où se rencontraient toutes les cliques. »
Cette expérience l’a aidé à apprendre très tôt à ne pas se soucier du regard des autres, une attitude qu’il conserve toujours aujourd’hui.
Une rencontre déterminante avec Karl Lagerfeld
La collaboration entre Michel Gaubert et Karl Lagerfeld débute au début des années 90, juste après le décès de Jacques de Bascher, le grand amour du couturier. « Karl était très impliqué dans tout, notamment la musique et les défilés. J’étais un peu impressionné au départ, n’ayant jamais travaillé pour une maison de la trempe de Chanel, mais nous nous sommes très bien entendus. »
Pour Gaubert, chaque défilé est une quête d’émotion, une expérience globale alliant collection, scénographie, spectacle et musique. « Quand tout est réussi, cela stimule la réflexion et suscite le désir. »
Un souvenir professionnel inoubliable : le défilé Chanel à Cuba
Parmi ses nombreux projets, Michel Gaubert cite le défilé Chanel à Cuba comme le plus marquant. « J’avais organisé toute la musique live avec des orchestres, percussionnistes et musiciens locaux. C’était formidable, ils étaient fiers et dévoués. À la fin, tout le monde s’est levé pour danser sur le podium, un moment inoubliable pour tous. »
Un artiste au sens de l’humour affûté sur Instagram
Michel Gaubert est aussi célèbre pour son Instagram, où son humour irrésistible fait mouche. Toutefois, il confie : « Je me suis assagi, Instagram a changé ces dix dernières années. Il faut désormais faire attention à ce que l’on dit pour ne pas être mal interprété. Nous vivons une époque où tout est tranchant, et je ne veux pas me brûler les ailes. »
