Home ActualitéContrôles de sécurité des fonctionnaires en Suisse : trop intrusifs ?

Contrôles de sécurité des fonctionnaires en Suisse : trop intrusifs ?

by Sara
Suisse

Sexe, argent et risque de chantage : les contrôles de sécurité des hauts fonctionnaires suisses plongent parfois dans une intimité très poussée, selon des témoignages recueillis auprès de membres éminents de l’administration et de l’armée. Face à ces pratiques jugées intrusives, la Commission de gestion du Conseil des États a lancé une enquête pour évaluer la validité et les conséquences de ces vérifications approfondies.

Des interrogatoires approfondis pour accéder aux postes sensibles

Lors des contrôles de sécurité élargis, les plus hauts gradés, ambassadeurs et hauts fonctionnaires ayant accès aux informations les plus secrètes de la Confédération subissent des auditions pouvant durer jusqu’à quatre heures. Ces entretiens, menés par une équipe spécialisée de profileurs, sont obligatoires à l’entrée en fonction puis renouvelés tous les cinq ans.

Les questions posées touchent à la vie privée la plus intime : consommation de sites pornographiques, relations extra-conjugales, raisons d’un faible épargne personnelle… Cette « chasse aux personnes à risque », bien que décidée par le Conseil fédéral lui-même, fait aujourd’hui débat au sein des cercles politiques et administratifs.

Un sentiment prédomine à Berne : ces contrôles vont trop loin, et au moindre problème, des fonctionnaires expérimentés sont écartés. C’est pourquoi la Commission de gestion du Conseil des États, présidée par Charles Juillard, a décidé de vérifier le bien-fondé et l’impact de ces procédures.

Trois départs récents qui soulèvent des questions

L’enquête a été déclenchée par le départ consécutif l’an passé de trois hauts fonctionnaires romands, jugés défaillants lors de leurs contrôles de sécurité. Parmi eux, un ancien diplomate et deux divisionnaires de l’armée ont préféré ne pas commenter leurs départs, mais plusieurs sources évoquent un refus de répondre à des questions jugées trop intrusives. Dans d’autres cas, des reproches liés à la vie privée ont motivé la décision, sans que les détails soient rendus publics.

Selon la législation en vigueur, ces contrôles visent à protéger la sécurité nationale, l’image internationale de la Suisse et à prévenir les risques d’ »ennemis de l’intérieur ». Depuis les années 2010, une équipe de six profileurs experte en police, administration et psychologie, rattachée à la Chancellerie fédérale, réalise environ une centaine d’auditions approfondies par an.

Une intrusion profonde dans la sphère privée

Les témoignages recueillis dépeignent des auditions très intrusives : pratiques personnelles, orientation sexuelle, cercle d’amis et d’ennemis, voire les relations familiales. « On nous demande même comment on s’entend avec notre belle-mère », confie un cadre anonyme. Malgré cette intrusion, certains reconnaissent qu’elle vise à détecter les vulnérabilités pouvant mener à des pressions ou chantages.

Un vétéran conseille aux plus jeunes candidats de tout révéler et d’assumer, même une vie intime avec plusieurs partenaires. Néanmoins, ces questions provoquent parfois un malaise : « Si vous dites que vous ne regardez pas de sites pornographiques, vous êtes perçu comme menteur, et si vous dites oui, on vous traite de pervers », témoigne un militaire. D’autres jugent certaines interrogations excessives, notamment celles portant sur la vie sexuelle ou les relations conjugales.

Un haut gradé a même été interrogé sur la date de sa dernière relation avec son épouse. Ces questions semblent parfois plus destinées à tester la résistance psychologique que la recherche d’informations factuelles.

Examen minutieux des finances personnelles

Les contrôles s’étendent également aux finances. Les fonctionnaires doivent fournir cinq ans de données fiscales et bancaires. Un exemple illustratif : un haut fonctionnaire a dû expliquer un versement externe de 1 500 francs suisses (environ 1 450 euros), qui s’est avéré être un défraiement pour son épouse.

Les addictions éventuelles sont aussi scrutées afin de déceler un possible déni, notamment concernant la consommation d’alcool ou de substances. Bien que ces enquêtes restent principalement basées sur le dialogue, certains critiques redoutent l’éventuelle introduction de tests plus invasifs, comme des analyses urinaires ou sanguines.

Des critères d’évaluation et des conséquences controversées

La manière dont sont évaluées les réponses et les seuils à partir desquels une personne est jugée « à risque » restent opaques. La Chancellerie fédérale a refusé de communiquer pour ne pas compromettre les examens en cours et pour protéger les données personnelles.

Par exemple, un avis négatif a été donné à un fonctionnaire pour « manque d’intégrité et vulnérabilité au chantage » parce qu’il employait une femme de ménage au noir. Sur la vie intime, peu de cas précis ont été rendus publics, hormis celui d’un ancien chef de l’armée contraint à la démission en 2008 après une plainte liée à des violences conjugales, ce qui avait conduit à un durcissement des contrôles.

Par le passé, le recours au détecteur de mensonges avait même été envisagé. Une évaluation menée par un ancien juge fédéral dans les années 2010 avait néanmoins conclu que la procédure restait proportionnée. Aujourd’hui, la controverse persiste et l’enquête parlementaire actuelle devrait aboutir à des recommandations attendues pour l’automne.

source:https://www.rts.ch/info/suisse/2025/article/controles-de-securite-des-hauts-fonctionnaires-une-intrusion-justifiee-28877253.html

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