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Stanislas, infirmier de 58 ans, a consulté après un bilan biologique révélant une anomalie lors de l’électrophorèse des protéines, plus précisément une anomalie de l’albumine. Malgré cette découverte, l’ensemble des autres paramètres biologiques, tels que la numération formule sanguine (NFS), le bilan ionique, la créatinine, le bilan hépatique et la protéine C-réactive (CRP), restaient normaux.
Inquiet, Stanislas se sentait fatigué après une bronchite soignée par un confrère avec une céphalosporine de troisième génération. Pour accélérer sa guérison, il avait décidé de s’injecter lui-même de la ceftriaxone à raison de 3 grammes par jour pendant cinq jours. Il pensait que ses anomalies biologiques étaient liées à cette auto-administration.
Après un bilan rassurant, il a été confirmé que la bisalbuminémie détectée était effectivement liée à ces fortes doses de céphalosporine. Un contrôle biologique un mois plus tard a montré une normalisation complète de l’électrophorèse.
La bisalbuminémie : une dysprotéinémie rare
Décrite pour la première fois en 1955 par Scheurlen, la bisalbuminémie est une anomalie observée lors de l’électrophorèse des protéines. Cette dysprotéinémie reste rare, avec une prévalence estimée entre 0,003 % et 0,1 %.
L’incidence varie selon les populations : elle se situe entre 1 pour 1 000 et 1 pour 10 000 chez les caucasiens et les asiatiques, tandis qu’elle atteint environ 1 % chez les Amérindiens.
Cette anomalie est aujourd’hui plus fréquemment détectée grâce au passage de l’électrophorèse sur gel d’agarose à une technique plus sensible, l’électrophorèse capillaire.
L’albumine joue un rôle clé en maintenant la pression oncotique intravasculaire et en facilitant le transport de substances endogènes et exogènes. Dans le cas de la bisalbuminémie, deux bandes distinctes apparaissent lors de l’électrophorèse : une migration rapide de type anodique et une migration lente de type cathodique.
Les différentes causes de la bisalbuminémie
Origines génétiques
La bisalbuminémie peut être héréditaire, associée à certaines pathologies génétiques telles que :
- La maladie de Fabry : une maladie lysosomale caractérisée par une insuffisance rénale, des accidents ischémiques transitoires, des arythmies, des douleurs diffuses et la présence d’angiokératomes.
- Le syndrome d’Alport : causé par une mutation du gène codant pour le collagène, ce syndrome entraîne une atteinte rénale (syndrome néphritique), des troubles ORL (surdité) et des anomalies ophtalmologiques comme la cataracte.
Origines acquises
Plus fréquemment, la bisalbuminémie est acquise et liée à diverses conditions :
- Pathologies digestives : notamment les pseudo-kystes pancréatiques, dont la rupture entraîne une protéolyse partielle de l’albumine par les enzymes pancréatiques.
- Maladies rénales : telles que les glomérulonéphrites, les néphropathies diabétiques ou hypertensives, ainsi que les syndromes néphrotiques.
- Utilisation de bêta-lactamines à fortes doses : ces antibiotiques peuvent se fixer sur une partie de l’albumine, modifiant ainsi sa migration lors de l’électrophorèse.
- Myélome : formation d’un complexe entre l’albumine et les immunoglobulines A (IgA, le plus souvent) ou M (plus rarement).
- Autres causes moins fréquentes : adénocarcinome du foie, maladie d’Alzheimer, sarcoïdose, hypothyroïdie.
Prise en charge de la bisalbuminémie
Le traitement de la bisalbuminémie dépend avant tout de la cause identifiée. Lorsqu’elle est génétique, la bisalbuminémie est permanente et accompagne le patient tout au long de sa vie. En revanche, la forme acquise est généralement transitoire, comme dans le cas de Stanislas, où la normalisation est survenue après arrêt des fortes doses de ceftriaxone.