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Publié en 1995, le roman dystopique de l’autrice belge Jacqueline Harpman connaît aujourd’hui une nouvelle vie grâce à sa réédition. Comment ce livre, longtemps resté discret, est-il devenu un véritable phénomène littéraire trois décennies plus tard ?
Un succès inattendu et mondial
Nous aimons tous ces récits de livres tombés dans l’oubli, pour être soudainement redécouverts des années plus tard. C’est précisément ce qui est arrivé à Moi qui n’ai pas connu les hommes, œuvre majeure de Jacqueline Harpman. Redécouvert en 2019 par une jeune génération au Royaume-Uni puis aux États-Unis, ce roman a connu un succès fulgurant.
Depuis cette renaissance, les droits de traduction ont été vendus dans trente pays, témoignant de son rayonnement international. Le livre s’est écoulé à plus de 217 000 exemplaires au Royaume-Uni, 200 000 aux États-Unis et dépasse les 435 000 ventes dans le monde. Par ailleurs, une adaptation cinématographique est actuellement en cours de développement, signe supplémentaire de son impact culturel.
Jacqueline Harpman, une figure littéraire et féministe
Née en 1929 et décédée en 2012, Jacqueline Harpman a laissé derrière elle une œuvre riche, mêlant littérature et psychanalyse. En 1996, elle reçoit le prestigieux prix Médicis pour son roman Orlanda, une œuvre marquée par une forte dimension féministe.
Cependant, c’est Moi qui n’ai pas connu les hommes qui a suscité un engouement inédit, notamment grâce à son aspect dystopique et son engagement féministe. Ce regain d’intérêt a sans doute été renforcé par le succès mondial de La Servante écarlate de Margaret Atwood et de la série dérivée, ainsi que par celui de La Route de Cormac McCarthy, deux références majeures du genre post-apocalyptique.
Le roman de Harpman plonge immédiatement le lecteur dans une vaste cellule où des femmes sont enfermées, constamment surveillées par des gardes masculins et souvent battues, sans jamais comprendre les raisons de leur détention. L’héroïne, la plus jeune, née en captivité, n’a jamais vu la lumière du jour ni connu de relations amoureuses ou sexuelles.
Harpman décrit avec une précision saisissante la vie dans ce huis clos féminin : comment inventer des stratégies pour survivre à l’enfermement, à l’arbitraire et à la folie, dans un espace dépourvu de lumière naturelle, sans repères temporels, toujours sous le regard oppressant de surveillants ? C’est cette exploration de la condition humaine en milieu clos qui constitue le cœur fascinant du roman.
Une fable métaphysique aux multiples interprétations
Après leur évasion (micro spoiler), les femmes errent dans un monde post-apocalyptique, ce qui élargit la portée du récit au-delà du simple cadre féministe. Moi qui n’ai pas connu les hommes se prête à une palette variée d’interprétations :
- une fable contre le totalitarisme ;
- une allégorie du réchauffement climatique ;
- une critique de la folie autocratique et meurtrière ;
- une réflexion sur la faillite du collectif ;
- une méditation sur la solitude, la fin de la civilisation et l’extinction humaine.
Cette richesse interprétative confère au texte une dimension métaphysique qui dépasse celle de La Servante écarlate, offrant ainsi une profondeur singulière au roman de Harpman.
Informations pratiques
Moi qui n’ai pas connu les hommes, publié chez Stock, compte 272 pages. Son prix de vente est de 19,90 €.