Table of Contents
Une étude internationale met en lumière l’ampleur du contournement des sanctions économiques qui touche les principaux pays producteurs de pétrole. Ce phénomène alimente un marché noir représentant près de la moitié des exportations maritimes d’or noir, échappant ainsi au contrôle des régulateurs internationaux.
Détecter les manœuvres de la contrebande pétrolière
À chaque sanction internationale imposée, les pays ciblés cherchent à les esquiver. C’est notamment le cas de l’Iran, du Venezuela, de la Syrie, et plus récemment de la Russie, depuis le début du conflit en Ukraine. Une équipe de chercheurs venus des États-Unis, du Royaume-Uni et de Chine s’est penchée sur le volume de cette contrebande dans une étude récente.
Leur investigation commence par l’identification des navires impliqués dans ces trafics. Chaque bateau est équipé d’un système d’identification automatique (AIS) qui suit sa position, son parcours et son identité. Une désactivation répétée de ce système est un signal d’alerte.
Par exemple, en 2023, le pétrolier La Roma a eu son AIS désactivé sur 40 % de ses trajets près du détroit d’Ormuz, aux abords de l’Iran. À cela s’ajoutent des variations de vitesse inhabituelles, des détours fréquents et une structure juridique opaque avec des propriétaires anonymes, tous signes caractéristiques du « dark shipping », une pratique courante dans la contrebande maritime.
Une flotte de plus en plus impliquée dans la contrebande
Selon les chercheurs, en 2017, près de 30 % des pétroliers étaient suspectés d’activités de contrebande, contre 23,8 % en 2023. Cette légère baisse ne signifie pas une réduction du phénomène, mais plutôt une augmentation plus rapide des navires opérant légalement. Les tankers impliqués sont généralement plus anciens et appartiennent à de petites compagnies.
Entre 2017 et 2019, ces navires ont principalement servi à exporter illégalement le pétrole vénézuélien. Dès 2021, l’Iran a pris la tête de ces opérations, suivi dès 2022 par la Russie, qui offre des commissions attractives pour profiter de cette opacité. Les échanges frauduleux se sont alors intensifiés près de la mer Noire, la mer Baltique, et dans les ports russes de Novorossiisk, Taman et Touapsé.
Autre particularité, la période 2021-2023 a vu se multiplier les transferts de pétrole de navire à navire à proximité du détroit de Gibraltar et du golfe de Guinée, renforçant la complexité et l’opacité du trafic.
La contrebande, moteur d’un marché noir colossal
Les données collectées ont permis d’estimer la part de la contrebande dans le marché mondial du pétrole entre 2017 et 2023. Le chiffre est saisissant : 43 % des exportations mondiales de pétrole auraient transité par des circuits informels liés à l’Iran, la Syrie, le Venezuela et la Russie.
L’Iran dominait ce marché noir jusqu’en 2019, avant que la Russie ne prenne le relais à partir de 2022. En décembre 2022, un plafond de prix fixé à 60 dollars le baril – soit environ 57 euros – pour le pétrole russe a été imposé par la communauté internationale. Cette mesure a entraîné une chute de près de 50 % des ventes officielles en janvier 2023, tandis que les activités clandestines ont doublé dans le même temps.
La Chine se démarque comme le principal acheteur sur ce marché illégal, absorbant 15 % de la demande. D’autres pays comme la Corée du Sud, l’Égypte, l’Inde, et même la Russie elle-même figurent parmi les importateurs notables.
Une flotte fantôme aux routes opaques
Alors que les grandes puissances tracent des lignes rouges autour des sanctions, une « flotte fantôme » continue d’opérer en marge, avec des pétroliers vieillissants, des signaux GPS intermittents et des propriétaires dissimulés. Ce réseau maritime clandestin illustre une fois de plus les limites des sanctions économiques et la persistance du marché noir du pétrole.