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Une controverse déclenchée par les révélations du général Abu Aqala
À Khartoum, les propos du général Abu Aqala Mohammed Kikal, commandant des forces du Bouclier du Soudan, ont suscité une vive controverse. Lors d’une rencontre avec des journalistes, il a dévoilé des informations jugées confidentielles par certains médias sur le chef des Forces de soutien rapide, Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemeti», notamment concernant son état de santé et son rôle dans les combats.
Ces révélations coïncident avec des fuites évoquant une relance du processus de paix au Soudan, ce qui a conduit certains à penser que les déclarations de Kikal viseraient à réhabiliter Hemeti en vue d’un compromis politique éventuel.
Rencontre à Port-Soudan et échanges sensibles
Dans un salon de Port-Soudan, la capitale administrative provisoire, Kikal a rencontré un groupe restreint de rédacteurs en chef et d’écrivains dimanche soir. Il a répondu à leurs questions, fournissant certaines informations à publier et demandant la confidentialité sur d’autres, en raison de leur sensibilité, selon un participant souhaitant rester anonyme.
Le portrait de Hemeti dressé par Kikal
Kikal a décrit en ouverture la situation militaire, affirmant que les opérations avancent vers la zone de lancement des drones au Darfour et que la victoire dans le Kordofan et le Darfour est proche.
Il a précisé que Hemeti était resté à Khartoum jusqu’en février dernier, entouré d’un système de brouillage couvrant un rayon de 100 kilomètres et protégé par une force de 150 véhicules armés. Hemeti utilisait un téléphone d’un pays arabe, équipé d’un dispositif de communication secrète qu’il a abandonné dès son intégration dans l’armée, suspectant la présence d’un traceur.
Toutes les réunions avec Hemeti se tenaient uniquement la nuit, sur ses instructions, témoignant d’une prudence extrême pour éviter d’être repérés ou ciblés. Kikal a souligné que Hemeti n’était pas un simple chef symbolique, mais qu’il gérait personnellement la guerre, l’appelant parfois jusqu’à 15 fois par jour et supervisant lui-même les approvisionnements en munitions, armes, véhicules et uniformes.
Contrairement aux rumeurs, Hemeti n’a jamais été blessé au combat, sa maigreur étant attribuée à son jeûne ininterrompu depuis le début du conflit et à une maladie interne nécessitant un traitement à l’étranger pendant deux semaines.
Le général, qui a rejoint l’armée soudanaise le 20 octobre 2024, a précisé que sa dernière rencontre en face-à-face avec Hemeti remontait à douze jours avant son intégration.
Concernant les violations attribuées aux Forces de soutien rapide, Kikal a évoqué les larmes de Hemeti lors des discussions, mais sans qu’il ne fasse de commentaires.
Analyse et réactions des experts
Le journaliste et analyste politique Ibrahim Shaqlawi considère que Kikal, dissident d’une formation militaire controversée et opposé politiquement au soutien rapide, n’est pas un témoin impartial. Il met en garde contre la prudence nécessaire face à ses déclarations, qui pourraient être influencées par des motivations personnelles ou internes.
Shaqlawi souligne la contradiction entre la représentation de Hemeti en chef militaire méticuleux et en homme émotif affecté par les violations, ce qui suggère une tentative de redorer son image ou de susciter la sympathie, un discours peu convaincant au regard des crimes commis contre les civils.
Selon lui, le récit de Kikal privilégie le sensationnalisme plutôt que la rigueur militaire, ce qui affaiblit sa valeur informative et rapproche ses propos d’un discours politique ou de propagande.
De son côté, Osman Fadlallah, analyste politique et directeur du centre Artkl pour la production et la formation médiatique, estime que Kikal et les journalistes présents ont livré une image de Hemeti qui détruit les constructions narratives des partisans de l’armée tout au long du conflit, tout en réfutant la rumeur de sa blessure.
Abdul Majid Abdul Hamid, rédacteur en chef du site « Masader » et ancien ministre de l’Information de l’État du Nil Blanc, présent lors de la rencontre, explique que la controverse vient du fait que les informations de Kikal ont remis en cause des vérités établies et une image ancrée chez beaucoup. Il qualifie l’échange de « rencontre tout à fait ordinaire » dont on a trop chargé le contenu.
Efforts pour relancer les négociations de paix
Par ailleurs, des observateurs notent que la publication simultanée d’informations sur des efforts internationaux et régionaux pour relancer les négociations entre le gouvernement soudanais et les Forces de soutien rapide, coïncidant avec les déclarations de Kikal, suggère une tentative de réhabilitation de Hemeti en vue d’un règlement pacifique ou d’un compromis futur.
Selon plusieurs plateformes soudanaises, des délégations de l’armée et des Forces de soutien rapide sont arrivées à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour entamer de nouvelles négociations. Cette dynamique serait liée à la récente visite du président américain Donald Trump dans les pays du Golfe.
Sur les réseaux sociaux, une conseillère du Centre Al-Ahram pour les études, Amani Al-Tawil, a été citée affirmant que la situation au Soudan devrait se calmer prochainement. Toutefois, elle a démenti sur sa page Facebook toute connaissance de contacts ou négociations entre les parties, précisant que seule une médiation arabe est nécessaire pour apaiser la crise.
Enfin, les Forces de soutien rapide ont publié un communiqué rejetant toute négociation secrète ou publique avec l’armée, affirmant que les rumeurs à ce sujet sont infondées et qu’elles poursuivront leur combat contre ce qu’elles qualifient de « restes et extrémistes ».