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L’intelligence collective est souvent célébrée comme un moteur de progrès et de qualité décisionnelle. Pourtant, deux experts de renom, Cass R. Sunstein, professeur d’économie comportementale à Harvard, et Reid Hastie, professeur de science comportementale à l’université de Chicago, remettent en question cette croyance. Leur analyse révèle que les décisions prises en groupe ne sont pas toujours supérieures à celles prises individuellement, et peuvent parfois même s’avérer contre-productives.
Une réputation bien établie, mais des limites révélées
Depuis l’Antiquité, l’intelligence collective est valorisée. Aristote lui-même louait la capacité des groupes à dépasser les faiblesses individuelles, affirmant dans Les Politiques que plusieurs individus réunis peuvent être meilleurs collectivement, même si aucun ne possède une vertu morale individuelle exceptionnelle. Cette idée sous-tend l’usage répandu des processus décisionnels en groupe dans les sphères politiques, économiques et sociales.
Cependant, Cass Sunstein et Reid Hastie déconstruisent ce mythe dans leur ouvrage Cessons d’être des moutons ! Du bon usage de l’intelligence collective (Flammarion, « Clés des Champs », 288 pages, 11,50 euros). Selon eux, la réalité est plus nuancée : « Dans la vraie vie, les débats entraînent souvent les gens dans la mauvaise direction », soulignent-ils.
Pourquoi les groupes échouent-ils parfois ?
En s’appuyant sur des recherches en économie comportementale et en psychologie, les auteurs expliquent que les groupes ne corrigent pas efficacement les erreurs des individus. Au contraire, ces erreurs tendent à se renforcer. Plusieurs mécanismes sont en cause :
- Des difficultés accrues de planification collective.
- Une préférence pour la pensée rapide, émotionnelle et intuitive, au détriment d’une réflexion lente, analytique et délibérative.
- La propagation d’informations déjà connues de tous, au détriment d’informations nouvelles ou gênantes détenues par certains membres.
Cette dynamique favorise une forme de « pensée de groupe » qui peut enfermer les participants dans des perspectives biaisées, limitant la diversité des idées et la qualité des décisions.
Le comportement des groupes : une dynamique de troupeaux
Sunstein et Hastie décrivent les groupes comme des « troupeaux » où les individus ont tendance à suivre les premiers à s’exprimer, renforçant ainsi l’influence disproportionnée de certaines voix. Cette tendance s’accompagne d’un durcissement progressif des positions, notamment des plus optimistes, qui peuvent occulter les risques et faiblesses au sein du groupe, mettant ainsi en danger la communauté dans son ensemble.