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Depuis plus de trente ans, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou base son ascension politique sur les craintes liées à la sécurité régionale, en particulier la peur qu’un État voisin de la Palestine possède des armes nucléaires. Il s’oppose fermement à toute renonciation au contrôle sécuritaire de la Cisjordanie, qu’il considère comme un bouclier essentiel pour Israël, surtout dans un contexte où une dissuasion nucléaire pourrait empêcher Israël d’utiliser ses armes nucléaires et l’obliger à recourir à des méthodes de guerre conventionnelles.
Une vision exprimée dès les années 1990
Dans son ouvrage « Un endroit au soleil », Netanyahou expose dès le début des années 90 sa vision des conditions nécessaires à la survie de l’État d’Israël dans une région instable. Il y aborde la dualité entre guerre conventionnelle et non conventionnelle, ainsi que leurs répercussions sur le processus de paix, la suprématie sécuritaire israélienne, et la menace que représentent des États tels que l’Iran, l’Irak, la Syrie ou la Libye s’ils venaient à se doter d’armes de destruction massive.
Selon lui, la possession d’armes nucléaires par un pays régional inaugurerait une situation de dissuasion nucléaire réciproque, empêchant Israël d’utiliser sa force nucléaire et encourageant les États arabes à l’agresser sous une protection nucléaire.
- Il met particulièrement en avant le risque idéologique que représente l’Iran, puissance islamique qui glorifie le sacrifice au combat, augmentant la probabilité d’un usage réel d’armes nucléaires contre Israël.
- La fin de l’Union soviétique, ancien régulateur des tensions entre ses alliés, a, selon lui, accentué le risque d’escalade incontrôlée entre Israël et un État régional doté d’armes nucléaires.
La menace nucléaire au sommet des priorités
Pour Netanyahou, la menace nucléaire figure en tête des dangers pesant sur Israël. Il plaide pour une application de pressions diversifiées afin d’empêcher ses ennemis d’acquérir ces armes, prenant pour exemple l’attaque du programme nucléaire irakien qu’il considère comme un modèle à suivre.
Il insiste également sur la nécessité de conserver le contrôle sécuritaire des hauteurs de Cisjordanie, critiquant la perspective de ses opposants de gauche qui estiment que les armes nucléaires israéliennes garantiraient sa sécurité, même si elle devait réduire son territoire à une portion limitée en cas de création d’un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Il affirme que la souveraineté palestinienne sur la Cisjordanie entraînerait inévitablement une souveraineté sécuritaire, ce qui priverait Israël de son avantage d’alerte précoce face à une attaque arabe venue de l’est, et diminuerait ses chances de gérer une guerre défensive conventionnelle à distance de Tel-Aviv et ses environs.
Un ascenseur politique bâti sur la peur
Netanyahou a fait de la lutte contre les menaces sécuritaires la pierre angulaire de sa carrière politique, avertissant régulièrement du danger imminent d’une arme nucléaire iranienne :
- En 1992, il avertit à la Knesset que l’Iran est à trois à cinq ans de l’acquisition d’armes nucléaires et appelle à une alliance internationale dirigée par les États-Unis pour éliminer cette menace.
- Lors de sa candidature à la tête du parti Likoud en 1993, il se concentre exclusivement sur la sécurité nationale, évitant les questions sociales et économiques, se présentant comme un faucon dur.
- Il base sa campagne sur le refus de céder les hauteurs du Golan, accusant le Premier ministre Yitzhak Rabin de vouloir les abandonner dans le cadre d’un accord de paix avec la Syrie.
Il polarise alors le mouvement sioniste en deux camps : le Likoud, qui « combat le terrorisme arabe », et celui qui « apaise ce terrorisme », incluant le parti de gauche Meretz.
Un discours sécuritaire dur jusqu’au pouvoir
Cet axe sécuritaire rigide a accompagné Netanyahou jusqu’à sa prise de pouvoir en 1996, où il justifie l’échec des accords d’Oslo par sa conception stricte de la sécurité. Lors de son investiture, il propose la paix aux Palestiniens à condition d’assurer à Israël une sécurité maximale face au terrorisme et à la guerre.
Cette même année, il prononce un discours au Congrès américain, affirmant que l’Iran est très proche de posséder l’arme nucléaire, un événement aux conséquences potentiellement catastrophiques pour Israël, le Moyen-Orient et le monde.
Accusations répétées et appels à l’action
- En 2002, devant une commission du Congrès américain, il affirme que l’Irak et l’Iran se disputent la possession de l’arme nucléaire et appelle à une invasion de l’Irak, ce qui aura lieu en 2003, malgré l’absence d’armes nucléaires ou de programme actif en Irak.
- En 2009, des câbles diplomatiques révélés par Wikileaks rapportent qu’il avait averti le Congrès que l’Iran était à un ou deux ans de l’acquisition nucléaire.
- En 2012, devant l’Assemblée générale de l’ONU, il présente une caricature d’une bombe nucléaire, affirmant qu’à l’été suivant, l’Iran aurait achevé l’enrichissement moyen et entamé la phase finale de son programme nucléaire.
Les efforts pour transformer la menace en action
Durant ses mandats, Netanyahou a intensifié ses efforts pour passer du discours à l’action militaire contre le programme nucléaire iranien, qu’il considère comme une menace cruciale. Un rapport du New York Times (2019) révèle un historique secret de ses tentatives pour promouvoir une attaque contre l’Iran, basées sur de nombreuses sources médiatiques et de renseignements.
Face au manque d’enthousiasme de l’administration Obama, dès 2009, Netanyahou a envisagé une intervention militaire unilatérale, mais a rencontré la résistance des dirigeants militaires israéliens qui estimaient que l’armée n’avait pas encore la capacité opérationnelle nécessaire.
Le chef du Mossad de l’époque, Meïr Dagan, considérait qu’une attaque serait une erreur majeure susceptible de détruire les avancées obtenues par leur campagne secrète de sabotage du programme iranien.
Une opposition américaine qui transforme l’approche
Le rapport souligne que la campagne de Netanyahou a poussé Obama à adopter une stratégie opposée, en engageant des négociations secrètes avec l’Iran dès 2010, facilitées par Oman, dans le but de garantir la nature pacifique du programme nucléaire iranien. Cette démarche fut une surprise pour Israël en 2012.
À l’été 2012, les États-Unis ont détecté des préparatifs israéliens pour une possible frappe surprise, ce qui a conduit l’administration Obama à intensifier les pressions diplomatiques pour éviter une action militaire avant l’élection présidentielle américaine, influençant l’annulation effective de l’opération prévue en octobre 2012.
Parallèlement, les Américains ont travaillé à développer des armes et plans adaptés pour neutraliser le programme nucléaire iranien, dont des bombes à pénétration de près de 13 tonnes, et construit un modèle de la centrale de Fordo dans le désert américain à des fins de tests.
Escalade politique avant l’accord nucléaire
Malgré la résilience de Netanyahou, l’administration Obama a réussi à dissuader son allié, notamment le ministre de la Défense Ehud Barak, d’entreprendre une action militaire avant l’élection présidentielle américaine. Cette décision a conduit au report du projet d’attaque.
Alors que l’accord entre l’Iran et les grandes puissances (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie, Chine) se concrétisait, Netanyahou adopta une position d’opposition sans précédent, coordonnant même avec le président de la Chambre américaine pour prononcer un discours hostile à l’accord au Congrès. Toutefois, Obama signa l’accord en juillet 2015.
L’ère Trump : intensification des pressions
Avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2017, Netanyahou a redoublé d’efforts pour torpiller l’accord nucléaire, incitant les États-Unis à s’en retirer, ce qu’ils firent en mai 2018. Trump a ensuite adopté une politique de « pression maximale » pour contraindre l’Iran à renégocier un accord plus strict, intégrant ses programmes nucléaire, balistique et régional, refusée par Téhéran malgré les sanctions sévères.
Une aventure majeure
La priorité de contrer le programme nucléaire iranien est restée centrale pour Netanyahou lors de son retour au pouvoir en 2023. Après le 7 octobre 2023, il a relié l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » à l’Iran et intensifié ses menaces de recours à la force militaire contre le programme nucléaire iranien, bénéficiant du coup porté à Hamas et au Hezbollah, ainsi que de la chute du régime syrien.
Dans ce contexte, le président américain a adopté une position plus dure dans les négociations nucléaires, exigeant l’arrêt total de l’enrichissement d’uranium par l’Iran et lui a donné un délai de 60 jours pour se conformer. Israélien a lancé ses attaques contre l’Iran dès le soixante et unième jour, malgré des déclarations ambiguës du président américain suggérant son opposition à cette frappe.
En agissant ainsi, Netanyahou a choisi la voie qu’il défend depuis des décennies, avec les risques majeurs que cela comporte, dont les conséquences ne seront pleinement visibles qu’après la fin des hostilités entre les deux parties.