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Loi Duplomb : Reculs écologiques pour les agriculteurs en France

by Sara
Loi Duplomb : Reculs écologiques pour les agriculteurs en France
France

Bientôt promulguée, la loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » représente une victoire pour sa frange conservatrice. Cependant, elle ne résout pas les problèmes économiques du secteur.

Une loi clivante

Le texte aurait peut-être été enterré sans le soutien des syndicats agricoles conservateurs, tels que la FNSEA et la Coordination rurale. La proposition de loi, déposée par les sénateurs Républicains Franck Ménonville et Laurent Duplomb, a été approuvée par 27 parlementaires de la commission mixte paritaire le 30 juin.

Pour que la loi soit promulguée, les deux chambres doivent d’abord voter à l’identique, mais le soutien acquis des partis de centre et de droite devrait en faciliter l’adoption. Rarement un texte sur l’agriculture aura été aussi clivant, tant dans l’Hémicycle que dans l’espace public, illustrant les divergences entre la partie la plus conservatrice du monde agricole et les autres acteurs.

Réactions des acteurs du secteur

Pour la FNSEA et Jeunes Agriculteurs, l’accord du 30 juin « témoigne d’une écoute attentive aux réalités du terrain ». À l’inverse, des organisations de protection de l’environnement comme la Confédération paysanne, en accord avec l’association Générations Futures, dénoncent « des reculs sans précédent pour la santé publique et l’environnement ».

Néonicotinoïdes et mégabassines

Une disposition majeure concerne le retour de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, utilisé sur les betteraves pour lutter contre les pucerons. Bien que la molécule ne soit pas explicitement mentionnée dans le texte, elle figure au cœur de l’article 2, autorisant sous un régime dérogatoire les molécules non interdites au niveau européen, malgré l’interdiction de tous les néonicotinoïdes en France depuis 2016.

Les retenues d’eau, ou « mégabassines », sont désormais reconnues comme « d’intérêt général majeur », et le cadre réglementaire des projets d’extension ou de création d’élevages a été assoupli, limitant ainsi les possibilités de contentieux juridique et favorisant l’économie agricole au détriment de l’environnement.

L’ex-ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau (Modem), a fait adopter une disposition rendant obligatoires les études d’impacts socio-économiques dans les projets hydrauliques. Par ailleurs, la séparation entre la vente de pesticides et le conseil technique aux agriculteurs, instaurée par la loi Egalim en 2018, a été supprimée, une mesure attendue par les coopératives, principaux fournisseurs d’intrants.

Les aspects économiques laissés de côté

Les sénateurs ayant proposé la loi ont néanmoins fait quelques concessions. L’agence nationale sanitaire (Anses), responsable de délivrer les autorisations de commercialisation des pesticides, ne sera pas mise sous tutelle politique du ministère de l’Agriculture, et les retenues d’eau ne seront pas facilitées dans les zones humides dégradées.

La version adoptée en commission mixte paritaire reste très proche de celle examinée au Sénat, reprenant la majorité des amendements proposés par la FNSEA. Aurélie Catallo, directrice du programme « Politiques agricoles et alimentaires » à l’Iddri, souligne que cette loi a été élaborée à partir de « bouts de revendications diverses ».

Laurent Duplomb, éleveur et ancien président de chambre d’agriculture, avait initialement déposé une version dès février 2023, exigeant « un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ».

Bien que certains éléments de cette première proposition aient été intégrés dans la loi d’orientation agricole adoptée fin mars, d’autres aspects économiques ont été complètement ignorés. Duplomb avait proposé, par exemple, la création d’un fonds pour les filières en difficulté ou le fléchage d’une partie de l’épargne du livret A pour limiter les émissions agricoles et adapter les fermes au changement climatique.

Menaces juridiques potentielles

« Par temps d’austérité, si on ne peut plus acheter la paix sociale avec des aides, il ne reste plus qu’à détricoter l’existant », résume Aurélie Catallo. Elle ajoute que la proposition de loi Duplomb « touche des sujets importants tout en les enfermant dans des faux débats ».

Le revenu a été au cœur des manifestations, mais certains agriculteurs envisagent son amélioration uniquement à travers l’augmentation des rendements, bloqués, selon eux, par les réglementations environnementales. Les concessions des parlementaires et du gouvernement sur la transition agroécologique risquent de ne pas survivre aux procédures juridiques prévues par les écologistes et les Insoumis.

Le Conseil constitutionnel, saisi par ces groupes, a déjà retoqué en mars 2025 plusieurs dispositions de la loi d’orientation agricole, notamment celles concernant l’intérêt général majeur. Les Sages avaient souligné que si le principe de non-régression ne liait pas les législateurs, il s’appliquait au pouvoir réglementaire, une logique qui pourrait affecter les dispositions de la loi allégeant les contraintes sur l’élevage et la gestion de l’eau.

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