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C’est une success story cousue main… jusqu’au point de rupture. Dans _The Cult of American Apparel_, Netflix explore le destin de Dov Charney, fondateur aussi visionnaire que controversé de la marque culte American Apparel. En 50 minutes haletantes, ce documentaire retrace comment un jeune Québécois anticonformiste a séduit la planète mode avant de sombrer dans une spirale d’abus de pouvoir, de management toxique et d’accusations sexuelles.
Ce n’est pas seulement une chute d’entreprise qu’on observe, mais l’effondrement d’un culte : celui d’un homme adulé, craint, et qui a fini par consumer sa propre légende dans les flammes du scandale.
L’ascension fulgurante d’un marginal devenu gourou du textile
Dov Charney, né à Montréal, débarque aux États-Unis dans les années 1990 avec une obsession : révolutionner la mode sans concession. Il fonde American Apparel à Los Angeles, prônant le _Made in USA_, une production éthique, et un design minimaliste sans logos. Un positionnement radical à l’heure du fast fashion mondialisé.
Mais c’est sa stratégie de communication qui attire tous les regards : des campagnes ultra-sexualisées, souvent qualifiées de “porno chic”, avec des mannequins amateurs, non retouchés. Et un message : ici, on prône l’authenticité, même quand elle dérange. La formule plaît. Très vite, American Apparel devient une marque culte chez les jeunes adultes. En 2005, elle est présente dans 11 pays, de Tokyo à Paris.
Charney incarne la marque à lui seul. Il cite _Les 48 lois du pouvoir_ de Robert Greene comme sa bible, recrute sans CV et transforme d’anciens voleurs à l’étalage en vendeurs modèles. Il milite contre les lois migratoires, emploie sans relâche des sans-papiers, et affirme vouloir “humaniser” le capitalisme. À l’extérieur, c’est un rebelle éclairé. En interne, les témoignages parlent d’un tyran qui manipule, exploite, et divise.
Une entreprise dirigée comme une secte
Le documentaire révèle des pratiques de management glaçantes. Chaque semaine, les employés devaient assister à des conférences téléphoniques où étaient désignés les “idiots de la semaine”. Les “moins performants” étaient publiquement humiliés. Aucune opposition n’était tolérée.
Charney imposait sa présence à toute heure, harcelait les salariés par téléphone, les appelait des dizaines de fois s’ils ne répondaient pas à ses ordres. Il embauchait parfois à vue, sans entretien, y compris d’anciens clients ou des jeunes sans expérience. Son objectif ? Créer un écosystème sous contrôle total, où loyauté et silence étaient les seules devises.
L’homme s’entourait d’un groupe surnommé les “Dov Girls”, jeunes femmes omniprésentes dans ses bureaux et sa villa de Los Angeles. Leur rôle reste flou. Mais leur proximité avec Charney, couplée aux rumeurs insistantes, a éveillé bien des soupçons.
Dov Charney, déchu mais jamais inquiété
Au-delà du harcèlement moral, les accusations de violences sexuelles pleuvent. Plusieurs ex-employées témoignent, parfois anonymement, de coercitions, de menaces et d’actes imposés sous promesse d’embauche. Une vidéo montrant Charney nu avec deux salariées circule. Mais aucun procès ne prospère : les contrats de travail incluaient des clauses de silence, interdisant toute plainte ou dénonciation publique.
En 2014, le conseil d’administration le limoge. Moins d’un an plus tard, American Apparel dépose le bilan. L’entreprise renaît brièvement sous une autre forme, sans jamais retrouver son éclat. Dov Charney, lui, lance une nouvelle marque (Los Angeles Apparel) puis collabore avec Yeezy, le label de Kanye West.
Le documentaire ne cherche pas à juger, mais à comprendre. Et ce qu’il montre, c’est l’emprise d’un homme sur un système, qu’il a façonné à son image, jusqu’à le détruire.