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Pour la première fois en France, une vaste enquête en ligne sur le coût réel de l’endométriose supporté par les patientes a été lancée le 5 juin sur la plateforme collaborative de recherche sur les maladies chroniques ComPaRe, à la demande du ministère de la Santé.
Une maladie touchant des millions de femmes
Les diverses associations de patientes atteintes de cette maladie, comme Endomind, Info Endométriose, EndoFrance ou EndoAction, souhaitaient depuis longtemps que l’on mesure le coût réel de cette maladie qui touche de 1,5 à 2,5 millions de femmes.
Rappelons qu’elle représente un coût important pour la société et pour les femmes concernées. On estime ainsi que l’endométriose coûte 9,5 milliards d’euros par an en France, entre coûts directs en frais médicaux et coûts indirects en perte de productivité ou de pouvoir d’achat.
Coût difficile à évaluer pour les femmes
Pour les femmes elles-mêmes, le coût est plus difficile à évaluer. Il est pourtant bien réel, d’autant que la majorité d’entre elles n’ont pas obtenu la reconnaissance de leur maladie comme affection de longue durée (ALD). Qui plus est, il existe des effets négatifs indirects en termes d’emploi et de carrière.
Toujours pas reconnue comme affection de longue durée
Cette maladie gynécologique chronique est liée à la présence anormale de tissus semblables à la muqueuse utérine, l’endomètre, en dehors de l’utérus. Elle se traduit pour les 10 % de femmes concernées par une multitude de symptômes parfois très invalidants, comme des douleurs pelviennes, des maux de dos ou encore une fatigue chronique et un risque d’infertilité.
L’inscription sur la liste des ALD donne droit à une prise en charge automatique à 100 % de toutes dépenses liées à ces soins et traitements. De plus, les patient·es bénéficient d’une réduction du délai de carence, qui n’est plus retenu que pour le premier arrêt de travail pendant trois ans.
Seules 4 500 femmes sur un à deux millions ont obtenu la reconnaissance de leur endométriose comme affection « hors liste ».
Malgré une proposition de loi portée par Clémentine Autain au nom de La France insoumise, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en janvier 2022, le gouvernement n’a toujours pas accordé cette reconnaissance. Or, selon la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), en 2018, seules 4 500 femmes sur un à deux millions ont obtenu la reconnaissance de leur endométriose comme affection « hors liste ». Même si depuis, ce nombre a augmenté, il est loin de couvrir l’ensemble des patientes.
En outre, l’association Endomind dénonce une discrimination géographique subie par les femmes. Le gouvernement a pourtant mis en place une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose en janvier 2022.
Ce plan consiste à développer la recherche sur cette maladie, avec environ 11 millions d’euros affectés. Il s’agit également de faciliter l’accès aux soins et d’améliorer les connaissances de la maladie, avec un volet de formation pour les professionnel·les de santé. Mais il n’est pas question ici de reconnaître systématiquement l’endométriose en ALD.
Les effets sur l’emploi et la carrière
Une enquête de la chercheuse Alice Romerio auprès d’environ 2 000 femmes atteintes, en 2020, avait montré les effets de cette maladie sur l’emploi et la carrière des femmes.
La moitié des répondantes estiment que l’endométriose les a gênées dans leur carrière professionnelle (licenciement, contrat non renouvelé, moindre avancement de carrière, perte de clients, etc.). Un tiers d’entre elles quitte précipitamment au moins une fois par mois leur travail pour rentrer à leur domicile ou consulter un médecin à cause de symptômes liés à leur endométriose.
Enfin, elles sont 36 % à déclarer se rendre au travail malgré des symptômes qu’elles estiment incapacitants au moins deux fois par mois. Le travail au quotidien des personnes atteintes d’endométriose se trouve ainsi affecté par la maladie, et pas seulement pendant la période des règles. L’endométriose entraîne des pertes de concentration, des impossibilités à tenir une posture de travail à cause de douleurs, ou encore des troubles digestifs et urinaires handicapants et perçus comme honteux.
82 % des personnes atteintes d’endométriose ont des réticences à demander des arrêts maladie.
Alors que les personnes atteintes d’endométriose souffrent de troubles rendant difficile leur activité professionnelle, 82 % d’entre elles ont des réticences à demander des arrêts maladie à leur médecin pendant des crises. Ceci est lié à la perte de salaire éventuelle, mais aussi à l’anticipation de reproches de la part de leurs directions ou même de leurs collègues.
C’est pourquoi plus d’un quart des répondantes déclarent avoir demandé au moins cinq jours de congé ou de RTT au cours des douze derniers mois en anticipant les symptômes incapacitants de leur endométriose, pendant leurs règles par exemple. Elles ont aussi recours plus souvent au télétravail.
Mais au lieu de s’appuyer sur des dispositifs institutionnels comme les arrêts maladie ou la médecine du travail pour un aménagement de poste, la plupart font donc appel à des arrangements individuels, les stigmatisant davantage.
Évaluer les coûts réels pour les femmes
La nouvelle enquête lancée à partir du 5 juin durant tout l’été complétera cette analyse en s’interrogeant sur les frais médicaux restant à charge de ces patientes. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) hébergera ces données qui seront analysées par l’Inserm.
Les différents symptômes se traduisent par de nombreuses consultations et examens qui ne sont pas toujours pris en charge par la Sécurité sociale, comme le recours aux imageries médicales, à des traitements spécifiques, la consultation de spécialistes, la kinésithérapie ou les médecines douces permettant de soulager les douleurs. Il s’agit d’évaluer précisément les types de professionnel·les consulté·es et le montant resté à charge pour les patientes après l’intervention de l’Assurance maladie et de la mutuelle.
On est encore loin d’une réelle (re)connaissance de cette maladie, pour laquelle les patientes paient le prix fort.
Seront également évalués les frais de procréation médicalement assistée (PMA) – car l’endométriose peut avoir une influence sur la fertilité –, les frais de biologie, les passages aux urgences, les hospitalisations, les médicaments et autres dispositifs pour lutter contre la douleur. On est donc encore loin d’une réelle (re)connaissance de cette maladie, pour laquelle les patientes paient le prix fort, au sens propre et figuré.
Un espoir pour l’avenir
Pour finir sur une note d’espoir, un progrès important a eu lieu début 2025, puisqu’un simple test, rapide et non invasif, pourra très bientôt diagnostiquer l’endométriose. L’endotest, test salivaire, déjà commercialisé dans des pays européens, sera délivré et remboursé auprès de 25 000 femmes. Un premier pas vers un diagnostic rapide, alors que bien souvent ces femmes mettent des années à obtenir cette reconnaissance : « On a si longtemps dit que ces douleurs étaient dans nos têtes. »