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Washington sanctionne la rapporteuse onusienne Albanese, une première historique

by Sara
Washington sanctionne la rapporteuse onusienne Albanese, une première historique
États-Unis, Israël, Palestine

Dans une démarche sans précédent qui bouleverse les fondements du système international des droits humains, les États-Unis ont frappé un grand coup en imposant des sanctions directes à la rapporteuse spéciale des Nations unies, Francesca Albanese. Cette sanction fait suite à ses rapports accusant Israël de commettre un génocide à Gaza, déclenchant ainsi une crise majeure mettant en péril l’indépendance même des mécanismes onusiens.

Ce n’est plus un simple différend diplomatique, mais un affrontement juridique et politique qui met en cause la neutralité de l’ONU. Lorsque la mission humanitaire onusienne est entravée par des sanctions et des interdictions de déplacement, c’est tout un tournant alarmant qui redéfinit les limites de la reddition de comptes des grandes puissances au XXIe siècle.

Pourquoi Francesca Albanese a-t-elle été ciblée ?

Francesca Albanese a été visée pour avoir franchi des lignes rouges aux yeux des États-Unis et d’Israël. Ses rapports explicites accusent Israël de génocide à Gaza et appellent à la poursuite de ses dirigeants devant la Cour pénale internationale (CPI).

  • Elle a également pointé du doigt plus de 60 entreprises, dont plusieurs multinationales américaines, les accusant de bénéficier et de contribuer au conflit, ce qui a été perçu à Washington comme une menace directe aux intérêts politiques et économiques américains.
  • Les sanctions américaines imposées en juillet 2025 s’appuient sur un décret présidentiel visant à punir ceux qui soutiennent des actions légales contre les États-Unis ou Israël dans les enceintes internationales, faisant d’Albanese la première rapporteuse onusienne inscrite officiellement sur une liste de sanctions.

Malgré cette offensive, Albanese a maintenu sa position avec fermeté, poursuivant son travail de défense des droits humains. Elle a affirmé que ces pressions ne la détourneraient pas de la vérité, suscitant une vague d’indignation au sein des instances onusiennes et des organisations de défense des droits.

Réactions onusiennes et de la société civile : un consensus moral face à l’absence de mesures coercitives

Les sanctions contre Albanese ont provoqué une vive réaction internationale :

  • Le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme a exprimé une « profonde inquiétude » et souligné que ces mesures portent atteinte à l’indépendance du système des rapporteurs onusiens.
  • Le Conseil des droits de l’homme a rejeté toute ingérence dans le travail de ses experts et appelé au respect de leurs immunités.
  • Des ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch ont qualifié cette décision de « précédent grave » visant à museler les voix critiques en matière de droits humains.
  • Le porte-parole du Secrétaire général a condamné catégoriquement ces sanctions, les qualifiant de menace fondamentale à l’action du système onusien dans son ensemble.

Toutefois, si ces déclarations traduisent un consensus moral international contre l’entrave aux rapporteurs, elles restent souvent au stade symbolique faute d’outils coercitifs contraignant la puissance sanctionneuse à revenir sur sa position. La protection réelle dépend pour l’heure d’une mobilisation politique et médiatique accrue.

Les sanctions contre un rapporteur spécial : enjeux juridiques et portée

Les rapporteurs spéciaux des Nations unies sont des experts indépendants mandatés généralement par le Conseil des droits de l’homme pour surveiller des situations spécifiques relatives aux droits de l’homme.

  • Ils ne sont pas des employés traditionnels de l’ONU et agissent de manière volontaire et indépendante pour garantir objectivité et neutralité.
  • Bien qu’ils opèrent sous l’égide de l’ONU, leurs opinions ne traduisent pas nécessairement la position officielle de l’organisation, mais reflètent leurs analyses basées sur les normes internationales.
  • Leurs rapports et recommandations ne possèdent pas de force contraignante, mais ont un poids moral important qui exerce une pression sur les États concernés et attire l’attention internationale sur les violations.

Imposer des sanctions à un rapporteur spécial signifie donc qu’un État punit une personne exerçant une fonction onusienne pour son travail dans ce cadre. Ces sanctions prennent souvent la forme d’interdictions de voyage, gel des avoirs financiers, et restrictions commerciales.

Si ces mesures sont habituellement dirigées contre des auteurs de violations ou des opposants politiques, leur application contre un expert onusien indépendant constitue une violation grave des normes diplomatiques et juridiques en vigueur.

Sur le plan légal, les rapporteurs disposent d’immunités et privilèges garantissant leur protection contre toute forme de poursuite ou intimidation liée à l’exercice de leur mandat. L’« Accord sur les privilèges et immunités des Nations unies » de 1946 stipule clairement leur droit à une immunité totale pour assurer leur indépendance, incluant une protection contre toutes procédures judiciaires ou harcèlement liés à leurs déclarations ou actions officielles.

Dès lors, sanctionner un rapporteur pour un rapport ou propos rendus dans l’exercice de ses fonctions constitue une violation directe de cette immunité, questionnant le respect par l’État concerné de ses obligations internationales.

Cette démarche interroge également la reconnaissance implicite par l’État imposeur de sanctions de l’indépendance du rapporteur, en le traitant comme un adversaire politique ou sécuritaire plutôt que comme un expert impartial.

De plus, elle menace le principe de coopération internationale inscrit dans la Charte des Nations unies, notamment l’article 105 qui assure aux officiers et experts onusiens les privilèges indispensables à l’exercice indépendant de leurs fonctions.

L’« Accord sur les privilèges et immunités des agences spécialisées » de 1947 confirme aussi la protection judiciaire des experts onusiens lors de leurs missions internationales.

En bafouant ces garanties par des sanctions unilatérales, un État donne un signal inquiétant : il est prêt à outrepasser le droit international et les règles diplomatiques dès lors que les positions d’un expert onusien contrarient ses intérêts.

Cette violation fondamentale du droit international questionne la pérennité du système multilatéral fondé sur le respect des engagements contractuels des États envers l’ONU et ses mécanismes.

Une première historique ébranlant les acquis des rapporteurs spéciaux

De nombreux observateurs qualifient cette mesure américaine de sans précédent. Jamais auparavant, un État n’avait inscrit officiellement un rapporteur spécial des Nations unies sur une liste de sanctions.

Les Nations unies elles-mêmes ont reconnu que cette action constitue un précédent grave qu’il faut éviter de reproduire.

Cependant, des tensions entre États et rapporteurs avaient déjà existé, sans aller jusqu’à des sanctions financières directes :

  • Plusieurs États ont fréquemment refusé l’accès à leur territoire aux rapporteurs onusiens ou entravé leur coopération, à l’image d’Israël qui a souvent accusé les rapporteurs sur la Palestine de partialité et refusé leur entrée.
  • Avant les sanctions américaines, Israël avait interdit à Albanese l’entrée en 2024, et appelé publiquement à la fin de son mandat, suite à des déclarations jugées inacceptables par le gouvernement israélien.
  • Cela représentait une tentative d’isoler la rapporteuse et de bloquer son accès à l’information sur le terrain, tout en restant dans le cadre des mesures diplomatiques classiques (refus de visa), sans pour autant aller jusqu’à des sanctions ou une criminalisation.
  • En Russie, la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains s’est vue également refuser l’accès au pays, Moscou rejetant sa légitimité sans toutefois aller jusqu’à des sanctions directes.

Ce qui rend la situation d’Albanese unique et inquiétante, c’est le passage du simple refus de coopération au recours à des sanctions économiques et juridiques contre un expert onusien en exercice, marquant un tournant dans la manière dont certains États traitent ces mécanismes.

Ce geste dépasse le cadre des protestations diplomatiques habituelles pour basculer dans une action punitive et vindicative, jetant un pavé dans la stabilité du système onusien des droits humains.

Il est à noter qu’une situation partiellement comparable s’était produite lors du premier mandat du président Trump, quand des sanctions avaient été imposées à des responsables de la CPI, notamment la procureure Fatou Bensouda, en raison d’enquêtes sur des crimes de guerre présumés. Ces sanctions comprenaient le gel d’avoirs et des interdictions de séjour aux États-Unis.

Ce précédent avait été vu comme une atteinte à l’indépendance de la justice internationale. Avec le retour de cette administration en 2025, cette politique s’est étendue pour cibler des experts onusiens comme Albanese.

Ces sanctions s’inscrivent dans une stratégie dite de « guerre juridique » (lawfare), utilisée par cet État puissant pour défendre ses alliés en criminalisant ceux qui cherchent la justice internationale.

Malgré les distinctions structurelles entre une cour internationale et des rapporteurs onusiens, la motivation reste identique : utiliser des sanctions nationales pour entraver les mécanismes de reddition de comptes internationaux.

Cet épisode marque ainsi une nouvelle étape inquiétante dans la politisation et la répression ciblée des experts des droits humains au niveau mondial.

Un défi majeur pour la protection des rapporteurs et l’intégrité du système onusien

La capacité du système onusien à défendre ses rapporteurs repose sur la coopération étatique et le respect des règles internationales. Lorsqu’un État puissant viole ces normes, l’ONU ne peut l’y contraindre par la force mais doit s’appuyer sur la pression diplomatique et l’opinion publique.

Dans le cas d’Albanese, la condamnation internationale et l’isolement diplomatique des États-Unis ont limité l’impact politique des sanctions malgré la puissance de Washington.

Cela illustre la protection morale que le système onusien peut offrir à ses experts : rendre coûteux politiquement et symboliquement l’attaque contre eux, afin de dissuader d’autres États de reproduire ce type de comportement.

Face à cette menace inédite, il est urgent de renforcer la protection institutionnelle des rapporteurs onusiens en développant des mécanismes plus robustes pour prévenir la politisation et les représailles.

Le Conseil des droits de l’homme devrait envisager un protocole d’intervention rapide pour répondre efficacement à de tels cas, incluant des sanctions diplomatiques ciblées contre les États qui bafouent l’indépendance des experts.

Ne pas agir efficacement affaiblirait la dernière barrière protégeant le système international des droits humains et encouragerait la répétition du scénario, mettant en péril la crédibilité mondiale de la justice et des droits fondamentaux.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/7/14/%d8%ad%d9%8a%d9%86-%d8%aa%d8%ac%d8%a7%d9%88%d8%b2%d8%aa-%d9%81%d8%b1%d8%a7%d9%86%d8%b4%d9%8a%d8%b3%d9%83%d8%a7-%d9%83%d9%84-%d8%a7%d9%84%d8%ae%d8%b7%d9%88%d8%b7

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