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Un large sourire éclairait le visage de Mohammed al-Daif lorsque sa fille aînée, Halima, héritière d’une tendresse mêlée de force, s’est précipitée vers lui avant son départ, l’enlaçant en murmurant : « Que tu es beau, papa ! » Ce vendredi-là, ses mains bienveillantes entouraient ses enfants, leur transmettant toute la chaleur et l’amour d’un père attaché au ciel et à ses idéaux.
Halima, les jumeaux Khaled, Bahaa, Khadija, puis le plus jeune Omar, voyaient en ces mains bien plus que de tendresse : elles les soutenaient et suivaient chaque étape de leur parcours scolaire. Personne n’aurait deviné qu’avant cette réunion familiale, ces mains avaient tracé une décision qui allait bouleverser les équilibres mondiaux et rompre le siège de Gaza, ce « grand prison » où vivait la population depuis près de deux décennies.
Le 6 octobre 2023 fut ainsi un tournant, un jour où le soleil s’est couché sur une maison d’importance pour mieux se lever sur un monde stupéfait par les exploits de Daif et de ses combattants. Mais cette histoire ne commençait pas là.
Les premiers pas d’un leader
En août 1965, dans le camp de réfugiés de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, Halima, enceinte, observa la vaste mer et le ciel infini. Son cœur lui soufflait que son enfant à naître serait aussi vaste et profond. Lorsqu’enfin son mari, Diab al-Masri, récita l’appel à la prière sur leur nouveau-né, ils l’appelèrent Mohammed, en quête de bénédiction prophétique.
La famille vivait modestement, comme beaucoup dans le camp, mais Halima était le pilier d’une affection profonde qui maintenait la cohésion familiale. Cette tendresse, Mohammed la portait en lui, perceptible par tous ceux qui l’ont côtoyé.
Le jeune Mohammed, confronté à la restriction du camp et au creuset de l’occupation israélienne, canalisa son imagination vers le ciel et la mer. Loin de succomber au fatalisme, il s’enrichit d’une vision élargie qui deviendra la clé de sa résilience et de son projet de résistance.
Très tôt, il travailla aux côtés de son père dans le rembourrage de meubles pour aider sa famille. Puis ses pas le menèrent à la mosquée Al-Shafi’i, un haut lieu de rencontre où il croisa des camarades essentiels tels que Hassan Salama, Yahya Sinwar, et Jamil Wadi. Ensemble, ils fondèrent l’une des forces de résistance les plus courageuses de l’ère moderne.
Mohammed étudia les sciences à l’université islamique de Gaza, où il développa son amour pour le théâtre et les arts, adoptant le surnom d’Abou Khaled, qui le suivra toute sa vie.
Le chemin de la résistance armée
Aux côtés de ses camarades et sous l’impulsion de Yahya Ayyash, le « ingénieur de la mort », Mohammed affina ses compétences tactiques et en fabrication d’armes. Cette collaboration fit d’eux des cibles prioritaires d’Israël, qui tenta en vain de les capturer.
Les contraintes du territoire poussaient les combattants à échanger leurs positions entre Gaza et la Cisjordanie. C’est ainsi que Mohammed reçut le surnom « al-Daif », signifiant « l’invité », en raison de ses nombreux déplacements furtifs dans la région.
Après une période d’incarcération administrative de seize mois à la fin des années 1980, Mohammed fut libéré, ignorant qu’il était désormais devenu un personnage clé de la résistance palestinienne.
Une vision stratégique et spirituelle
Al-Daif ne se contentait pas de la lutte armée. Sa richesse intellectuelle se nourrissait de l’étude continue, notamment du Coran, qu’il considérait comme un fondement essentiel à la force morale de ses combattants. Sous sa direction, les Brigades al-Qassam organisèrent des sessions de récitation complète du Coran, renforçant ainsi la spiritualité et la détermination de leurs membres.
Cette approche inspirée mariait foi et stratégie, offrant aux combattants une vision transcendante du combat et une conviction profonde dans la légitimité de leur cause.
Les épreuves et les pertes
Le parcours de Mohammed al-Daif fut marqué par de multiples tentatives d’assassinat israéliennes, sans succès, ainsi que par de lourdes tragédies personnelles. En 2014, un raid israélien tua sa femme Wadad ainsi que deux de ses enfants, Sarah et Ali, blessant gravement sa fille aînée Halima.
Malgré ces souffrances, il continua à s’impliquer dans la lutte, veillant attentivement à l’éducation de ses enfants, mêlant tendresse et rigueur. Il les préparait à la vie avec conscience, les instruit dans la connaissance religieuse et les responsabilités sociales, tout en leur inculquant une philosophie de lutte et de sacrifice.
Un héritage vivant
Mohammed al-Daif fut plus qu’un chef militaire ; il incarna une école éthique et stratégique dans la résistance palestinienne. Loin d’être une figure visible, il resta une ombre protectrice, une force discrète mais déterminante dans la construction d’un « armée populaire » capable de résister aux assauts israéliens.
Son leadership s’appuyait sur une organisation matricielle et résiliente, à l’image des racines souterraines d’une plante qui repousse malgré les tentatives d’arrachage. Cette profondeur de vision permit aux Brigades al-Qassam de perdurer et d’évoluer face à la répression.
Le 30 janvier 2025, l’annonce de sa mort lors d’une opération israélienne bouleversa les Palestiniens qui virent enfin le visage d’un homme dont l’ombre avait longtemps protégé le combat. Son nom reste symbole d’un courage invincible et d’une volonté ardente de libérer la Palestine.
Une figure au-delà du combat
Parmi les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, sa sœur et épouse Wadad évoquent un homme façonné par le Coran, un modèle de droiture qui puisait sa force dans les enseignements prophétiques. Son amour pour la culture, son attachement à la langue arabe, à la calligraphie, à la musique et au théâtre, témoignent d’une personnalité complexe et passionnée.
Il laissa aussi un héritage de tendresse dans sa famille, entourant ses enfants d’une affection mêlée de discipline, toujours soucieux de leur préparer un avenir digne malgré les aléas de la guerre.
Mohammed al-Daif demeure un symbole puissant de la résistance palestinienne, incarnant la persévérance, le sacrifice et la foi en une libération prochaine.