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Biographie de Bayan Nuwayhed Al-Hout, icône de la mémoire palestinienne

by Sara
Biographie de Bayan Nuwayhed Al-Hout, icône de la mémoire palestinienne
Palestine, Liban, Jordanie, Syrie

Bayan Nuwayhed Al-Hout, historienne et intellectuelle d’origine libanaise née en Palestine, est issue d’une famille militante qui a su conjuguer engagement national et passion pour la culture et le savoir. Cette dualité a profondément forgé son identité intellectuelle dès son plus jeune âge.

Elle a vécu de près la Nakba de 1948, marquée par la perte et le déplacement, ce qui l’a conduite, avec sa famille, à quitter la Palestine pour le Liban, puis la Jordanie, ensuite la Syrie, avant de s’établir définitivement à Beyrouth. C’est là qu’elle a entamé son parcours académique, journalistique et politique.

Reconnu pour son attachement indéfectible à la cause palestinienne, Bayan a su allier rigueur académique, recherche historique, engagement médiatique et militantisme politique. Son œuvre documentaire demeure une référence majeure pour l’histoire moderne de la Palestine. Elle est restée une voix emblématique dans la défense des droits du peuple palestinien et dans la préservation de sa mémoire collective jusqu’à son décès en juillet 2025.

Origines, vie familiale et jeunesse

Née en 1937 à Jérusalem, Bayan Ajaj Nuwayhed est la fille d’un historien et militant nationaliste, Ajaj Nuwayhed (1897-1982), originaire du Mont Liban (Ras El Matn), et de Jamal Salim, poétesse issue de la région de Jbaa dans le Chouf.

Ses parents, tous deux d’origine libanaise, ont vécu en Syrie, en Palestine, en Jordanie et au Liban, dans cette période où le Levant formait un territoire unique sans frontières strictes. Elle a grandi dans le quartier de Baqa’a Al-Fawqa à Jérusalem-Ouest, entourée de son frère Khaldoun et de ses trois sœurs : Noura, Sawsan et Janan.

En 1962, elle épouse le journaliste palestinien Shafiq Al-Hout, cofondateur du Front populaire de libération de la Palestine, qui fut le représentant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban de 1964 à 1993. Le couple a eu trois enfants : Hanin, Sirine et Hader.

Outre l’influence majeure de ses parents, Bayan a été marquée par son oncle, le combattant Fouad Salim, ainsi que par sa cousine, la poétesse et critique Salma Khadra Jayyusi, qui ont contribué à forger sa conscience dès l’enfance.

Formation et parcours académique

Bayan débute sa scolarité à l’école allemande Schmidt pour filles, dans le quartier de Bab al-Sahira à proximité de la vieille ville de Jérusalem.

Après la Nakba, elle suit sa famille au Liban puis en Jordanie, où elle fréquente l’école « Malikat Zein El Sharaf ». Elle obtient son diplôme d’institutrice à Ramallah en 1956. Elle poursuit ensuite des études supérieures à l’Université de Damas, dans la faculté de pédagogie, avant de rejoindre la faculté de droit et sciences politiques à l’Université libanaise, coïncidant avec le retour définitif de sa famille au Liban en 1959.

Elle décroche une licence en sciences politiques en 1963, puis des diplômes supérieurs en droit public et en sciences politiques dans les années 1970. En 1978, elle obtient son doctorat en sciences politiques avec une thèse sur « Les dirigeants et les institutions politiques en Palestine (1917-1948) », supervisée par le professeur Anis Sayigh.

Vision idéologique et engagement politique

Bayan Nuwayhed Al-Hout s’est distinguée par un engagement nationaliste arabe clair, avec une focalisation sur la cause palestinienne, considérée comme le cœur du conflit arabo-israélien.

Elle intègre le Parti Baas socialiste arabe, croyant en l’unité arabe, mais démissionne après la scission entre l’Égypte et la Syrie en 1961, estimant que la direction baassiste n’a pas pris une position ferme face à cette rupture.

Pour Bayan, l’histoire devient un outil de résistance et de sauvegarde de la mémoire palestinienne. Elle allie ainsi son attachement national à une approche objective et rigoureuse de la recherche historique académique.

Activités politiques et militantes

Son engagement politique débute tôt, influencé par son père, fondateur du Parti de l’Indépendance arabe.

  • Au cours des années 1950 à Amman, elle rejoint le Parti Baas.
  • À Beyrouth, elle prend la direction de la branche de Chiyah, constituée principalement d’ouvriers.
  • Elle rejoint plus tard la branche palestinienne sous la direction de Tawfiq Al-Safadi.

La scission syrienne-égyptienne de 1961 marque un tournant pour elle, qui exprime son désaccord par une lettre de démission.

Dans les années 1960, elle s’engage dans la « Front de libération de la Palestine – Voie du retour », côtoyant des intellectuels et militants palestiniens tels que son mari Shafiq Al-Hout, Ibrahim Abu Lughod, Nicola Der et la romancière Samira Azzam.

Cette organisation militante œuvre à la sensibilisation des réfugiés et à la promotion du droit au retour à travers des actions politiques, culturelles et médiatiques, avant d’être dissoute en 1968 dans le cadre du réarrangement des factions palestiniennes après le lancement de la révolution palestinienne contemporaine.

Parallèlement, Bayan est active dans le mouvement féministe palestinien, notamment au sein de l’Union générale des femmes palestiniennes, contribuant à la formation politique et sociale des femmes palestiniennes au Liban et à l’étranger.

Après sa période d’engagement militant direct, elle concentre son action sur la recherche intellectuelle, l’enseignement et la documentation historique pour défendre la cause palestinienne.

Elle fut membre du Congrès national arabe, du Congrès national islamique, du conseil d’administration de la Fondation de Jérusalem, et a participé à de nombreuses conférences internationales où elle a présenté la question palestinienne dans une perspective historique et politique globale, insistant sur la centralité de Jérusalem et des droits palestiniens.

Parcours professionnel et responsabilités

La carrière de Bayan Nuwayhed Al-Hout s’étend sur plusieurs décennies, mêlant enseignement universitaire, journalisme, recherche et archivage historique.

  • Enseignante à l’école Sakinah bint Al-Hussein à Amman après son diplôme en 1956.
  • Débute le journalisme à Beyrouth dans le magazine « Dunia al-Mar’a » sous la direction d’Edvik Cheiboub au début des années 1960.
  • Rédactrice et chroniqueuse politique au magazine Al-Sayyad (1960-1966), réalisant des interviews avec des personnalités arabes et publiant de nombreux articles sur la révolution algérienne.
  • Directrice du département d’archivage au Centre de recherches palestiniennes à Beyrouth (1977-1987).
  • Professeure à la faculté de droit et sciences politiques de l’Université libanaise (campus principal), enseignant les études palestiniennes et les questions du Moyen-Orient (1979-2001).
  • Directrice du département d’archivage au Centre d’études de l’unité arabe en 1979 et membre du comité de rédaction de la revue Al-Mustaqbal Al-Arabi.
  • À partir de 2001, chercheuse indépendante spécialisée dans le conflit arabo-israélien, auteure de travaux historiques et documentaires.

Elle a également pris part à plusieurs congrès scientifiques et historiques importants depuis 1981, notamment :

  • Conférence sur les droits du peuple palestinien à La Havane (1981).
  • Séminaire sur les crimes israéliens contre les peuples libanais et palestiniens à Bonn (1985).
  • Séminaire sur les tendances modernes dans le monde arabe à Chicago (États-Unis, 1985).
  • Séminaire sur les Palestiniens des territoires occupés et de la diaspora à New Jersey (États-Unis, 1986).

Elle a également assumé des membres influents dans diverses organisations :

  • Membre du Congrès national arabe (1992-2025).
  • Membre de l’Union générale des écrivains libanais (1995-2025).
  • Membre du Congrès national islamique (1996-2025).
  • Membre du conseil d’administration de la Fondation de Jérusalem (2000-2025).
  • Membre de l’Association internationale des traducteurs arabes (WATA) (2004-2025).

Œuvres majeures

Au-delà de ses nombreux articles, Bayan Nuwayhed Al-Hout a publié plusieurs ouvrages essentiels :

  • « Dirigeants et institutions politiques en Palestine 1917-1948 » (1981).
  • « Le cheikh combattant ’Izz al-Din al-Qassam dans l’histoire de la Palestine » (1987).
  • « Palestine : la cause, le peuple, la civilisation : histoire politique des Cananéens au XXe siècle » (1991).
  • « Mémoires d’Ajaj Nuwayhed : soixante ans avec la caravane arabe » (1993).
  • « Sabra et Chatila : septembre 1982 » (2003), une étude documentaire réfutant le rapport Kahana et démontrant qu’il s’agissait d’un massacre raciste.

Distinctions et hommages

  • Première place au concours de nouvelle organisé par le magazine libanais Al-Hawadeth en 1964 pour sa nouvelle « Ils étaient quatre… »
  • Récompensée par le Club culturel arabe de Beyrouth en 2013.
  • Honorée par l’Ambassade de Palestine au Liban en 2014 pour son engagement national et culturel.
  • Lauréate du Prix de Jérusalem pour la culture et la créativité en 2015, en reconnaissance de ses efforts pour défendre la cause palestinienne et documenter son histoire.

Décès

Bayan Nuwayhed Al-Hout est décédée le 12 juillet 2025 à Beyrouth, laissant derrière elle un héritage intellectuel et militant inestimable, fruit d’une vie dédiée à la lutte pour la mémoire et les droits du peuple palestinien.

source:https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2025/7/14/%d8%a8%d9%8a%d8%a7%d9%86-%d9%86%d9%88%d9%8a%d9%87%d8%b6-%d8%a7%d9%84%d8%ad%d9%88%d8%aa-%d8%a3%d9%8a%d9%82%d9%88%d9%86%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d8%b0%d8%a7%d9%83%d8%b1%d8%a9

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