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Le feuilleton a défrayé la chronique ces derniers jours. Après avoir été accusée de fraude avec l’aide de l’intelligence artificielle (IA) au bac de philosophie, Nina, une lycéenne parisienne, a finalement été mise hors de cause. Reconnaissant une « erreur de saisie », le rectorat a décidé d’abandonner les poursuites, après la médiatisation de l’affaire et le lancement d’une pétition par la mère de l’élève, qui affiche de bons résultats scolaires dans cette matière. Si l’histoire finit bien pour Nina, elle est révélatrice des doutes et questionnements à l’œuvre pour les correcteurs, établissements et concours.
Multiplications d’outils de fraude
Depuis deux ans et la démocratisation éclair d’outils comme ChatGPT, l’IA s’invite dans les salles d’examens et devoirs à la maison à côté des antisèches « traditionnelles » griffonnées dans les trousses. L’an dernier, plus de la moitié des fraudes au bac étaient ainsi liées aux nouvelles technologies, dont 5 % spécifiquement attribuées à l’IA, selon le ministère de l’Éducation nationale.
Montres connectées, téléphones dissimulés aux toilettes, oreillettes connectées… Si la triche a toujours existé, les outils technologiques recourant à la force de frappe de l’IA se sont multipliés, portés par un nouveau business assumé de la fraude.
« Les dispositifs pour frauder sont de plus en plus sophistiqués et facilement accessibles sur Internet. Aujourd’hui, il peut par exemple être compliqué de détecter si une montre est connectée ou non, »« Ces dernières années, nous redoublons donc de vigilance face à ces évolutions technologiques. »
La riposte des établissements
Avec un changement d’échelle notable, à la clé : « Jusqu’à maintenant, les tricheurs pouvaient aller chercher une réponse sur Google, aujourd’hui, ils demandent à l’intelligence artificielle de composer à leur place, »« une bonne moitié » était attribuée aux nouvelles technologies et à l’IA, parmi les 7 800 candidats au concours post-prépa.
Comme à Ecricome, la riposte des établissements à ces nouvelles pratiques commence à se structurer. D’abord en renforçant les moyens de détection et de contrôles : certains investissent dans des détecteurs de smartphones ou des logiciels de surveillance des épreuves en ligne.
Mais ces leviers demeurent limités et soumis à un cadre légal strict de protection des données personnelles et de la vie privée. Très éloigné de la décision radicale prise cette année par les autorités chinoises, qui ont suspendu l’accès aux IA et chatbots les plus populaires lors des épreuves nationales du gaokao, équivalent du baccalauréat.
Des détecteurs peu fiables
Lors de la correction, certains évaluateurs peuvent être tentés de détecter les passages potentiellement écrits par une IA. Mais les logiciels existants manquent encore de fiabilité. « Évitez d’utiliser des logiciels de détection de contenus générés par l’IA : peu fiables, ils pourraient conduire à pénaliser à tort un élève, »
« D’un côté, il existe énormément de faux positifs avec ces logiciels, qui conduisent à accuser un élève à tort. Ce qui est problématique, »« Et de l’autre côté, vous avez aussi beaucoup de faux négatifs, car si l’étudiant maîtrise bien l’art de prompter, il passe à travers les mailles du filet. »
Interdire l’utilisation de l’IA n’a pas de sens
Au-delà des partiels et concours d’admission, cette nouvelle donne affecte également les contrôles continus, travaux individuels et mémoires de fin d’études, surtout dans les disciplines à forte composante rédactionnelle. « Les professeurs observent une augmentation du nombre d’étudiants qui obtiennent de très bons résultats sans avoir été présents en cours, »
« Beaucoup de collègues sont désemparés, »« Mais c’est aussi l’occasion de se poser les bonnes questions sur l’évaluation et l’utilisation de ces nouveaux outils qui sont déjà présents dans le monde professionnel. »
Le rapport recommande de repenser les modalités d’évaluation tout en considérant que « interdire l’utilisation de l’IA n’a pas de sens. » « Le diplôme ne suffit plus, »
La fin des devoirs à la maison
« Les devoirs à la maison, c’est fini parce qu’on n’a pas envie de noter l’IA, »« C’est le grand retour des oraux et des épreuves sur table. » De nombreux établissements reviennent à l’oral pour valider l’acquisition de connaissances ou compétences.
Mais ce rééquilibrage se heurte à des limites pratiques. « Le recours massif à l’oral va vite être confronté au manque de ressources dans les établissements, »
D’autres établissements choisissent d’encourager l’utilisation de l’IA pour certains travaux, à condition que l’élève le notifie. C’est le cas de Neoma, de l’ECE, ou encore de l’Université de Rennes, qui vient de se doter d’une charte IA. « Cela fait assez longtemps qu’en mathématiques, on a arrêté de demander des calculs mentaux à la maison. Les IA, ce sont un peu des calculettes de mots qu’il va falloir apprendre à manier. »