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Marco Prince, ancien chanteur du groupe FFF, explore ici les liens profonds entre le funk et la célébration de la vie. Entre anecdotes personnelles et réflexions musicales, l’artiste a retracé l’histoire de cette musique afro-américaine et son impact sur la culture française des années 1990.
L’édito de Charles Pépin
J’aimerais ce matin vous raconter l’histoire d’un homme, et même d’un chanteur. Ce chanteur, un peu particulier, prend des mots durs et le réel qui résiste – la pauvreté, la peine, la maladie – et en fait une musique joyeuse, une musique qui donne envie de vivre et de danser. Quel est son secret ? Comment entre-t-il en contact avec cette énergie transformatrice, alchimique ? Est-il un peu sorcier, un peu chamane, ou simplement un mec cool ?
D’ailleurs, d’où vient cette énergie ? Vient-elle de lui, du monde, des autres ? Est-ce que son sourire est dirigé vers la vie ou le pire ? Connaît-il le grand oui dont parle Nietzsche ? Sourit-il à la vie parce qu’il sait sourire au meilleur comme au pire ?
Peut-être que l’essentiel est de se retrouver sur le premier temps ! On peut bouger comme on veut tant qu’on se retrouve ensemble. Et s’il était là, l’esprit du Funk ? La vie peut-elle toujours être funky ? Peut-on changer en joie ce qui heurte ?
Les origines du funk
Le funk trouve ses origines dans un paradoxe : « Ce qu’on peut vraiment dire du funk, c’est que c’est nettement une musique de célébration », explique Marco Prince. Initialement, le terme désignait quelque chose de négatif. Popularisé par James Brown, le mot « funk » évoquait les « funky houses » d’Atlanta, des maisons branlantes mais toujours en première ligne.
Née du mélange entre blues et soul, cette musique portait en elle « quelque chose de passablement irritant pour les bien-pensants ». Pourtant, elle est devenue un vecteur de joie, incarnant cette capacité à « survivre à sa propre mise à mort », comme le souligne une citation de Clément Rosset.
Le funk français : un « black-blanc-beur » musical
L’arrivée du funk en France dans les années 1980-90 s’est effectuée dans un contexte particulier. « On était d’une génération Touche pas à mon pote », se souvient Marco Prince. À cette époque, les questions raciales pesaient moins. Dans les boîtes de nuit, mélange des cultures et convivialité étaient à l’ordre du jour, où Marco Prince a fait ses débuts en tant que barman au Palace.
Un moment révélateur s’est produit lorsqu’une jeune femme, Isabelle Adjani, lui a demandé de passer un morceau de James Brown. Ce fut l’illustration que le funk transcende toute résistance.
Le « un » : métaphore d’un vivre-ensemble rythmé
Au cœur du funk se trouve une philosophie musicale profonde : le retour au « un », ce premier temps qui permet à tous les musiciens de se retrouver ensemble. « C’est assumer le chaos tout en vivant ce moment ensemble », explique Marco Prince. Cette règle devient une métaphore : chacun peut improviser et exprimer sa singularité, tant qu’il respecte ce rendez-vous commun.
Il conclut : « Le funk, c’est se lever et dire merci d’avoir ces deux jambes, ces deux bras et d’avoir la patate pour aller se frotter au reste du monde ». Une philosophie de gratitude qui transforme la musique en « oui à l’univers », où l’expression prime sur la conformité et où la joie persiste malgré les obstacles.