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La faim dévastatrice touche l’ensemble de la population de la bande de Gaza. C’est la première fois que 100 % des 2,1 millions d’habitants vivent dans une insécurité alimentaire sévère, au point que la situation frôle désormais la famine. Le 29 juillet, l’alerte lancée par le classement intégré des phases de sécurité alimentaire a résonné comme un cri d’alarme mondial. Cette crise sans précédent questionne sur les raisons qui font aujourd’hui de Gaza un épicentre de la crise alimentaire globale.
Comment la science définit-elle la famine ?
La famine est la forme extrême de la faim quotidienne que subissent des millions de personnes. Depuis 2004, un outil scientifique précis, fondé sur la crise alimentaire en Somalie, permet de mesurer cette réalité et de mieux orienter l’aide humanitaire.
Ce référentiel international, appelé « classement intégré des phases de sécurité alimentaire », harmonise les critères adoptés par les agences des Nations unies et les organisations non gouvernementales. Il classe l’insécurité alimentaire en cinq niveaux d’intensité croissante, où la cinquième phase correspond à la « catastrophe/famine », son stade le plus critique.
Une population entière au bord de l’effondrement
Pour mesurer la gravité de la situation à Gaza, il est utile de la comparer à d’autres crises alimentaires majeures. D’après ce classement, 100 % de la population gazaouie, soit 2,1 millions de personnes, vivent une insécurité alimentaire aiguë, répartie entre les phases 3 à 5, seuils nécessitant une intervention d’urgence.
Ce qui distingue Gaza, c’est l’universalité de la crise. Contrairement au Soudan où l’insécurité alimentaire est localisée, Gaza est totalement assiégée, avec 88 % de son territoire soumis à des ordres d’évacuation ou classé zone militaire.
Bien que le Soudan compte un plus grand nombre absolu de personnes en phase 5, Gaza détient la plus forte proportion, avec 22 % de sa population dans cette situation extrême, contre seulement 1 % au Soudan.
« Que l’on parle de famine, de catastrophe humanitaire ou de massacre collectif, le résultat est le même : Gaza est en train de mourir. »
Mourir de faim bien avant la déclaration officielle
La déclaration officielle de famine nécessite le respect de trois critères, en plus que 20 % de la population soit en situation sévère :
- Au moins 20 % des foyers souffrent de pénurie alimentaire extrême.
- 30 % des enfants de moins de cinq ans sont atteints de malnutrition aigüe (émaciation).
- Le taux de mortalité dépasse deux adultes ou quatre enfants pour 1 000 personnes par jour à cause de la faim ou de ses complications.
Ces normes rigoureuses ont permis d’identifier, en quinze ans, quatre famines certifiées : en Somalie (2011), deux fois au Soudan du Sud (2017, 2020) et au Soudan (2024). Gaza pourrait devenir la cinquième, mais un obstacle technique persiste : bien que les deux premiers critères soient remplis, il est difficile de confirmer officiellement le taux de mortalité selon les procédures établies.
Un siège dévastateur
Cette crise alimentaire puise ses racines dans un appauvrissement progressif et de longue durée. Depuis 2007, Israël impose un blocus strict à Gaza, limitant sévèrement l’économie locale après la prise de contrôle par le mouvement Hamas. Cette pression a rendu la population dépendante de l’aide internationale.
Suite à l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, Israël a renforcé son siège en coupant totalement les approvisionnements en nourriture, eau, médicaments et carburant. Cette stratégie s’est accompagnée d’une destruction massive d’infrastructures, avec plus de 60 000 morts, majoritairement des femmes et enfants, et 70 % des bâtiments détruits ou endommagés, d’après l’ONU.
« Les prix des rares denrées disponibles ont grimpé en flèche, le prix de la farine a augmenté de plus de 3 000 % ».
Israël a également détruit l’ensemble des ressources agricoles, avec plus de 95 % des terres agricoles non cultivables, et interdit la pêche et l’accès à la mer depuis le 12 juillet. Les rares aides qui parviennent restent insuffisantes pour répondre aux besoins colossaux.
Les conséquences sont dramatiques : la flambée des prix rend l’accès à la nourriture presque impossible. Entre fin mai et fin juillet, plus d’un millier de personnes ont péri en tentant d’obtenir de la nourriture, souvent près des points de distribution militaires, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Face à cette réalité, la distinction entre famine déclarée et non déclarée perd tout son sens. Qu’on parle de famine, de catastrophe humanitaire ou de meurtre de masse, Gaza est en train de mourir. Comme le répètent avec amertume les organisations humanitaires, déclarer officiellement la famine signifierait que l’on est déjà trop tard.