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La mondialisation, la bourse… En deux siècles, l’échelle des richesses a profondément changé. Les fortunes considérables des personnages de Balzac paraissent dérisoires face aux milliards d’aujourd’hui. Mais jusqu’à quand cette tendance perdurera-t-elle ?
Balzac, chroniqueur de la richesse
Honoré de Balzac (1799-1850) est considéré comme l’un des meilleurs chroniqueurs économiques de son époque. Obsédé par l’argent, il a laissé dans La Comédie humaine des milliers de références aux fortunes, en capital et en rente, en francs, écus, or et argent. À combien s’élèveraient ces montants en euros aujourd’hui ? Si les prix du quotidien ont évolué, la conversion nous laisse en terrain familier : les étudiants survivent avec environ 600 euros par mois, le notaire de César Birotteau gagne environ 20 000 euros par mois ; dans les Illusions perdues, Lucien s’élève péniblement dans sa carrière de journaliste, de 1 800 à 3 300 euros.
Le milliardaire, une notion nouvelle
Cependant, une catégorie d’individu émerge que Balzac n’aurait jamais pu imaginer : le milliardaire. L’usurier Gobseck meurt dans Splendeur et misères des courtisanes en laissant 7 millions de francs à sa petite-nièce Esther, soit moins de 40 millions d’euros. La plus grande « fortune professionnelle » est celle du Baron de Nucingen, dont le patrimoine s’élevait à 18 millions de francs à sa mort, sans compter son palais, « surpayé » à 10 millions, représentant environ 150 millions d’euros.
Le baron de Nucingen ne franchirait donc pas le seuil d’entrée du classement des fortunes de Challenges. Entre lui et la tête du classement, le facteur est de 1 à 1 000. À la lisière du classement des 500 fortunes, on retrouve des patrons de PME rentables – comme le pâtissier Pierre Hermé, qui, tout comme l’affaire de parfums de César Birotteau, dégageait environ un million d’euros de bénéfices par an.
Les mutations de la mondialisation
Qu’est-ce qui a changé de façon si radicale en deux cents ans entre Frédéric de Nucingen, César Birotteau et Bernard Arnault ? D’abord, la mondialisation. Pierre Hermé vend ses macarons avec succès au Japon, tandis que LVMH ne réalise que 8 % de son chiffre d’affaires en France.
Ensuite, la financiarisation. Nucingen et Birotteau étaient riches uniquement grâce à leurs bénéfices passés : les jeux de bourse pour l’un, les profits commerciaux pour l’autre. Aujourd’hui, l’essentiel des fortunes professionnelles repose sur un marché financier liquide et profond, valorisant les entreprises selon leur capacité à maintenir ou à croître leurs profits. Leur valeur prend en compte, malgré le coût du temps et du risque, 20, 30, voire 40 années de bénéfices (50 pour Hermès). Les marchés financiers permettent également de s’endetter à des coûts très inférieurs à ceux proposés par les banques.
Vers une instabilité croissante
Pour ceux qui sont du bon côté de la réussite, il n’est donc pas étonnant que les valeurs soient multipliées, pour simplifier, par X20 (mondialisation), X25 (capitalisation des bénéfices) et X2 (levier d’endettement), soit par 1 000. Cependant, la mondialisation s’effrite, les taux d’intérêt remontent, et il est probable qu’aucune réussite humaine ne puisse maintenir un succès continu sur 50 ou 100 ans. Le monde de Balzac pourrait-il faire son retour ?