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Des milliers de Siciliens ont participé à une manifestation à Messine samedi pour exprimer leur opposition à un projet gouvernemental ambitieux : la construction d’un pont géant reliant le continent italien à l’île méditerranéenne. Ce pont, qui serait le plus long pont suspendu au monde, représente un enjeu majeur autant sur le plan économique que social et environnemental.
Une mobilisation importante contre un projet controversé
Environ 10 000 manifestants ont défilé dans les rues de Messine, portant haut leurs voix contre ce projet d’infrastructure estimé à 13,5 milliards d’euros (15,7 milliards de dollars). Les protestataires dénoncent plusieurs aspects du chantier envisagé :
- l’ampleur et l’impact visuel du pont, qui s’étendrait sur près de 3,7 km, avec une travée principale suspendue de 3,3 km, surpassant ainsi le pont de Çanakkale en Turquie ;
- les risques sismiques liés à la région, connue pour son activité géologique ;
- les conséquences environnementales, notamment sur la faune migratoire ;
- le danger d’implication de la mafia dans les travaux, un sujet toujours sensible en Sicile.
Un projet ancien remis en avant
La construction du pont de Messine fait débat depuis plusieurs décennies. Cette semaine, une étape décisive a été franchie lorsque le comité gouvernemental chargé des investissements publics stratégiques a donné son feu vert au plan. Matteo Salvini, ministre des Transports, a qualifié l’ouvrage de « plus grand projet d’infrastructure de l’Occident ».
Selon lui, le chantier pourrait générer jusqu’à 120 000 emplois par an et relancer l’économie du sud de l’Italie, une région en retard sur le plan économique. Le projet s’accompagnerait aussi d’investissements supplémentaires dans les infrastructures routières environnantes.
Opposition locale et inquiétudes de familles expropriées
Malgré les promesses de compensations financières, environ 500 familles devront être expropriées pour permettre la construction du pont. Cette perspective alimente le mécontentement des riverains, qui brandissent des banderoles « No Ponte » (Pas de pont) pendant les manifestations.
Parmi eux, Mariolina De Francesco, 75 ans, dont la maison se situe à proximité d’une des tours terrestres prévues, haute de 399 mètres. Elle déclare :
« Ils pourraient me proposer trois fois la valeur de ma maison, cela n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est le paysage. Il ne faut pas toucher au détroit de Messine. »
Elle ajoute que des actions en justice seront engagées afin de stopper le projet.
Caractéristiques et calendrier du pont
Le pont projeté traverserait le détroit de Messine en réduisant considérablement le temps de passage, qui s’étend aujourd’hui à environ 100 minutes en ferry :
- 10 minutes en voiture pour traverser le pont ;
- 2h30 de gain pour les trajets en train.
Les travaux préliminaires pourraient débuter entre fin septembre et début octobre, sous réserve d’une approbation par la Cour des Comptes italienne. La construction complète est programmée à partir de 2026, avec une finalisation prévue entre 2032 et 2033.
Enjeux stratégiques et environnementaux
Ce projet d’envergure va au-delà du simple cadre civil. Le gouvernement italien prévoit de classer le pont comme une infrastructure liée à la défense nationale, justifiant ainsi une augmentation des dépenses militaires conformément aux objectifs de l’OTAN. Le pont serait alors un corridor stratégique pour des déplacements rapides de troupes et de matériels.
Cependant, les associations environnementales ont saisi l’Union européenne pour protester contre l’impact potentiel sur les oiseaux migrateurs et les écosystèmes locaux. Par ailleurs, le président italien a insisté pour que le projet soit soumis à la législation anti-mafia applicable à tous les grands chantiers, afin de limiter toute influence criminelle.
Un territoire au cœur du débat
Le lac Ganzirri, situé sur le site prévu pour l’ouvrage, illustre bien les enjeux paysagers et écologiques. Ce lac, visible depuis le ciel, constitue un environnement naturel précieux qu’il faudra préserver face aux travaux massifs à venir.