Home Carrière et développement personnelÉducation et formationL’Europe à la traîne : L’éducation ukrainienne inspire

L’Europe à la traîne : L’éducation ukrainienne inspire

by Sara
France, Ukraine

L’Ukraine est aujourd’hui citée comme exemple en matière d’éducation, après trois ans de guerre qui ont contraint le pays à réformer et à innover rapidement ; Andreas Schleicher, directeur de l’Éducation et des Compétences à l’OCDE, parle d’une « leçon pour nous tous ».

L’éducation ukrainienne, modèle d’innovation en temps de guerre

Andreas Schleicher, mathématicien et statisticien allemand, a multiplié les visites en Ukraine ces deux dernières années et juge la transformation du système scolaire ukrainien remarquable. « Quand on se rend sur place, on s’attend à voir uniquement des écoles détruites. Mais en réalité, quand on entre à l’intérieur, on découvre beaucoup de choses fascinantes », nous raconte-t-il. Pour lui, l’Ukraine n’a pas seulement maintenu son système scolaire en fonctionnement malgré la guerre : elle l’a amélioré.

Les réformes engagées avant le conflit — notamment une réforme du lycée introduite progressivement depuis 2020 — ont été fortement accélérées par la guerre. Schleicher précise que les changements observés concernent pour l’instant un groupe d’établissements engagés dans la mise en œuvre ; un autre groupe rejoindra le processus en 2025 et l’ensemble des établissements seront concernés d’ici 2027.

Résultats PISA et évolutions pédagogiques

Les données PISA 2022, collectées en octobre 2022, six mois après le début de l’invasion russe, montrent des éléments contrastés : les performances en mathématiques sont restées globalement stables, mais des progrès apparaissent sur des dimensions moins traditionnelles. Schleicher souligne une amélioration notable de « l’agentivité » — la capacité des élèves à prendre des initiatives — ainsi qu’une résilience émotionnelle accrue et une meilleure qualité des relations sociales.

Il note que, malgré la guerre, « les élèves ukrainiens déclarent même se sentir, en moyenne, plus en sécurité dans leurs écoles que les élèves américains dans les leurs ». Selon lui, cela démontre que la sécurité est aussi une perception : « Est‑ce un lieu où je peux me faire des amis, où je sens que mon enseignant va m’aider ? ».

Numérisation et plateformes pédagogiques

MRIIA : apprentissage personnalisé

Schleicher met en avant la numérisation comme succès majeur : selon PISA, l’Ukraine occupe désormais la première place en matière d’intensité numérique en classe parmi tous les pays participants. Il attribue cela à des solutions locales avancées, malgré des infrastructures énergétiques régulièrement frappées depuis plus de trois ans. Les écoles disposent de générateurs et sont prioritaires lors des coupures, assurant un accès à l’électricité pour l’enseignement.

La plateforme MRIIA est citée en exemple : contrairement à beaucoup d’outils européens qui servent surtout à consommer du contenu, MRIIA « suit réellement l’élève dans son apprentissage », identifie ses réussites et difficultés, et propose des exercices adaptés. Résultat : une offre d’apprentissage plus personnalisée et experientielle.

POVIR : tutorat en ligne et mentorat

POVIR, autre initiative, propose du tutorat pour les élèves isolés ou déplacés et pour les enseignants sans classes. Un élève peut indiquer qu’il a perdu plusieurs mois de cours et s’inscrire à des modules courts ou longs avec un enseignant, dans une relation humaine non anonyme. Schleicher voit dans ces dispositifs « un avant‑goût de ce que pourrait être l’éducation du futur ».

Le rôle des enseignants et la dimension sociale

Schleicher insiste sur la transformation du métier d’enseignant : « Les enseignants ne sont plus seulement des instructeurs. Les élèves rapportent recevoir beaucoup de soutien de la part de leurs professeurs. » Malgré des conditions matérielles difficiles — les enseignants ukrainiens les plus expérimentés gagnent moins d’un cinquième du salaire de leurs homologues allemands ou luxembourgeois, en parité de pouvoir d’achat — peu ont quitté la profession.

Il rapporte aussi des propos recueillis auprès de syndicats et d’enseignants : « Nous sommes les artisans du futur de ce pays. Les salaires, nous en parlerons plus tard. » Schleicher ajoute que, d’après ses études, la satisfaction professionnelle ne dépend pas uniquement des salaires mais surtout des conditions sociales — collègues, direction, culture de coopération.

Leçons pour la France et l’OCDE

Interrogé sur les enseignements pour la France, Schleicher souligne des similitudes historiques : un système très vertical et centralisé, où le contenu est décidé en haut. Il pointe trois leviers observés en Ukraine qui pourraient inspirer d’autres pays : une culture collaborative des enseignants, l’usage créatif de la technologie par les professeurs eux‑mêmes, et une attention renforcée aux dimensions sociales et émotionnelles de l’apprentissage.

Schleicher met en garde : « La plupart des grands succès éducatifs se situent aujourd’hui hors du monde occidental. » Il estime que la force de l’éducation ne réside pas dans des structures verticales, mais dans l’autonomie professionnelle combinée à la coopération entre pairs.

Enfin, il cite Oksen Lisovyi, ministre ukrainien de l’Éducation : « la victoire militaire de l’Ukraine est impossible sans une transformation en profondeur de son système éducatif. » Pour Lisovyi, la victoire militaire et la transformation humaine sont indissociables.

source:https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/lalerte-dandreas-schleicher-le-pere-de-pisa-depuis-20-ans-leurope-fait-du-surplace-en-matiere-Z2URTVZGOVAX3FTTCSTPAIUR7A/

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