Avec le projet E1 et la poursuite de la guerre à Gaza, Benjamin Netanyahou et son ministre Bezalel Smotrich enferment Israël dans une logique de colonisation, alors même que la contestation se renforce : d’anciennes figures militaires aux familles d’otages, de nombreux acteurs demandent un changement net de cap.
Projet E1 : une rupture territoriale en Cisjordanie
Dans le gouvernement ultra‑droitier d’Israël, Bezalel Smotrich, ministre des finances, incarne l’aile la plus extrémiste et pèse sur les orientations étatiques. Chef d’un petit parti d’extrême droite disposant de sept sièges à la Knesset, il peut, par son positionnement, faire ou défaire des majorités dans un système parlementaire fondé sur la proportionnelle intégrale. L’entourage de Netanyahou laisse parfois entendre que le chef du gouvernement ne partage pas toutes les options les plus radicales de son ministre ; pour l’essentiel, Netanyahou partage cependant les objectifs de Smotrich et n’est pas sensible à ses méthodes.
Smotrich, que de nombreux intellectuels et éditorialistes israéliens qualifient de fasciste, détient aussi une responsabilité politique majeure sur la colonisation de la Cisjordanie. Il légalise à répétition des implantations dites « sauvages », en réalité illégales au regard des lois de l’État hébreu, et protège les actes de violences commis par certains colons. Il se fait plus explicite encore avec le dossier du secteur E1 : « ce projet va enterrer l’idée d’un État palestinien ». Il revendique l’annexion progressive de la Cisjordanie — territoire qu’il appelle Judée‑Samarie — au nom d’un objectif qu’il qualifie de « sacré » : la réalisation d’un « Grand Israël ».
Concrètement, le projet E1 prévoit la construction de 3 400 logements dans un secteur de Cisjordanie jusque‑là « interdit ». L’implantation de ces 3 400 logements occuperait une géographie décisive : elle couperait la continuité territoriale entre Ramallah, où siège l’autorité palestinienne, Jérusalem‑Est, et Béthléem. À terme, cela rendrait quasi irréversible l’émiettement du territoire revendiqué pour un éventuel État palestinien, selon les opposants au projet.
Gaza, occupation et dissensions parmi militaires et familles
Smotrich ne s’en tient pas à la seule Cisjordanie : il exige aussi « l’occupation militaire et civile de la bande de Gaza tout entière, puis à son annexion ». Sur ce point, Netanyahou se montre plus prudent, redoutant les prises de position de Donald Trump, mais il a choisi d’amplifier la guerre à Gaza dans les semaines à venir plutôt que de marquer un désaveu clair.
La stratégie du gouvernement a suscité une réaction inédite de la part d’anciens responsables militaires. Cinq cent cinquante (!) membres du mouvement « Commandants pour la sécurité d’Israël » — un collectif réunissant de nombreux ex‑généraux, dont d’anciens chefs d’état‑major, ainsi que d’ex‑responsables des services de renseignement et de la police — ont lancé un appel sévère : « Le Hamas n’est plus une menace existentielle pour Israël », affirment‑ils. « Gaza, ce n’est plus une guerre juste, c’est une guerre de conquête ». Ils ont obtenu un soutien officieux mais important du nouveau chef d’état‑major, Eyal Zamin.
Les attaques portées à l’encontre de Netanyahou, Smotrich et des nationalistes radicaux sont sensibles, mais la question se pose de leur portée réelle au sein de la population. Les familles des otages ont appelé à une grève générale dimanche 17 août ; des centaines de milliers de manifestants ont répondu et sont descendus dans les rues de Tel‑Aviv et de Haïfa, exprimant le rejet d’une politique capable d’aggraver encore les violences.
La revendication principale de ces mouvements et des manifestants est, pour l’heure, claire : « Un accord Israël‑Hamas qui permet la libération des derniers otages en une fois ». Selon le texte d’origine, Netanyahou et Smotrich ne les ont pas entendus et persistent dans leur logique militaire, qui, aux yeux de leurs opposants, vise à contraindre les Palestiniens à l’exil. Ces opposants s’interrogent sur l’héritage politique et moral que laisserait une telle politique pour l’État juif.