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Budget 2026 : La Dette, une Question de Morale et d’Usage

by Sara
France

Dans une tribune au Monde, l’économiste Maxime Menuet interroge la dimension morale et religieuse de la dette publique, rappelant que le vocabulaire et les récits politiques entourant la dette transforment souvent une contrainte budgétaire en question d’éthique collective.

Dimension morale et religieuse de la dette publique

Maxime Menuet souligne que le mot « dette » porte en lui une forte charge symbolique : il renvoie à une idée de culpabilité et à la nécessité d’expiation. Cette interprétation s’enracine dans des traditions religieuses et linguistiques anciennes. En allemand, Schuld signifie à la fois « dette » et « culpabilité ». En araméen, la langue de Jésus, comme en grec, un même mot désigne ces deux notions. Dans la tradition chrétienne, la dette se confond souvent avec le péché ; la dette suprême se lit alors comme le péché originel, évoqué dans la Genèse.

Selon l’auteur, cette analogie historique imprime notre perception contemporaine de l’emprunt : la dette n’est jamais seulement un chiffre comptable, mais un signe d’une transgression à réparer. Le premier ministre la qualifie de « malédiction sans issue », formule qui illustre la dimension symbolique et morale attachée à l’endettement public dans certains discours politiques.

Entre injonctions politiques et demandes d’économies : 40 milliards € en débat

La volonté politique de réduire le déficit se traduit par des demandes d’efforts réitérées. François Bayrou cherche plus de 40 milliards € d’économies ; la Cour des comptes, le Fonds monétaire international et Bruxelles réclament à l’unisson des « efforts ». Mais, interroge Maxime Menuet, de quels efforts parle-t-on ? S’agit‑il de réparer une erreur technique, ou d’expier une faute collective ?

Le récit qui domine présente la France comme ayant « vécu au‑dessus de ses moyens » depuis quarante ans, mettant en péril l’avenir des générations futures. Dans cette fable, l’austérité — ces efforts budgétaires — devient la pénitence imposée pour laver la faute supposée de l’État et de la société.

Dans cette logique, l’impôt apparaît comme légitime tandis que la dette est stigmatisée comme immorale. Pourtant, note l’économiste cité, la question centrale n’est pas tant le niveau de la dette que son usage : la finalité des dépenses financées par l’emprunt détermine leur contribution à la prospérité future.

Austérité et effets économiques observés depuis 2008

Le texte rappelle également des faits empiriques sur les conséquences de l’austérité. Depuis 2008, l’expérience montre que des coupes budgétaires aggravent les récessions et peuvent, paradoxalement, alourdir la dette en pourcentage du produit intérieur brut. Autrement dit, réduire aujourd’hui les dépenses de 40 milliards € pourrait creuser encore la dette demain, si la contraction de l’activité réduit les recettes fiscales et freine la croissance.

Sur le plan symbolique, l’austérité joue plusieurs rôles : rassurer les prêteurs internationaux, signifier à la population que l’État « répare la faute », et permettre aux dirigeants de se forger une réputation de sérieux budgétaire. Mais, insiste la tribune, ces effets politiques et symboliques ne suffisent pas à en faire une solution économique neutre.

Arguments d’économistes et enjeux d’usage

Maxime Menuet rappelle que la plupart des économistes considèrent la dette comme ni intrinsèquement dangereuse ni moralement condamnable. Ce qui compte, c’est l’usage fait des ressources empruntées : investir dans des biens productifs ou sociaux qui soutiennent la croissance future n’a pas le même sens que financer des dépenses improductives.

Ainsi, la question de la dette publique devrait, selon l’auteur, se recentrer sur des considérations d’efficacité et de destination des ressources plutôt que sur une lecture exclusivement morale. Le débat public gagne à être clarifié sur ce point, afin que les décisions budgétaires reposent sur des critères économiques et non seulement sur des impératifs symboliques.

En fin de compte, la tribune invite à distinguer l’angoisse morale liée au mot « dette » de l’analyse économique de ses usages, afin d’éviter que la politique budgétaire ne se réduise à une pénitence symbolique au détriment d’une gestion orientée vers l’avenir.

source:https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/08/18/budget-2026-la-vraie-question-n-est-pas-combien-de-dette-mais-pour-quoi-faire_6631629_3232.html

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