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Une étude clinique menée à Madagascar, avec la participation d’experts de Genève, montre qu’un antibiotique oral peut traiter efficacement la peste bubonique ; les résultats remettent en cause la nécessité systématique d’une hospitalisation et promettent de réduire les coûts de prise en charge. peste bubonique, étude clinique, Genève, Madagascar, antibiotique oral
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Pour la première fois dans l’histoire, un essai clinique concluant sur la peste bubonique a été mené sur le terrain. L’étude a été conduite à Madagascar, financée par des fonds publics britanniques, coordonnée par l’Université d’Oxford et validée par le consortium international ISARIC. Deux experts suisses ont pris part au projet, dont des spécialistes basés à Genève.
L’étude, publiée dans le New England Journal of Medicine et réalisée sur le terrain par l’Institut Pasteur de Madagascar, compare deux schémas thérapeutiques de dix jours pour la peste bubonique. Le premier combine des injections d’antibiotiques nécessitant trois jours d’hospitalisation puis de la ciprofloxacine orale ; le second repose uniquement sur la ciprofloxacine administrée par voie orale.
Les résultats montrent des taux de mortalité similaires : quatre décès sur 111 dans le groupe combiné contre cinq décès dans le groupe traité uniquement par ciprofloxacine. Au-delà de la mortalité, l’intérêt principal relevé par l’équipe est la réduction notable des coûts et des contraintes logistiques lorsque l’hospitalisation peut être évitée.
«Une hospitalisation coûte cher et elle peut être difficile à gérer pour un patient et sa famille, résume Piero Olliaro, qui est aussi l’investigateur principal. En l’évitant, on divise pratiquement par dix les frais médicaux. Pour le personnel soignant aussi, cela simplifie les choses.»
Dans le cadre de l’essai, le taux de mortalité observé était de 4 %, comparé à environ 20 % en dehors de l’étude selon les auteurs. Ces chiffres reflètent à la fois l’efficience du protocole appliqué et les bénéfices d’une intégration de la recherche au système de santé local.
La ciprofloxacine et l’organisation des soins à Madagascar
La ciprofloxacine est au cœur de l’essai. Médicament bon marché et largement disponible, elle appartient à la classe des antibiotiques à large spectre. «C’est un antibiotique à large spectre», précise la professeure Alexandra Calmy, infectiologue aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et présidente du conseil scientifique du projet. Elle met en garde sur la nécessité de protéger son efficacité : «il faut éviter de le donner lors d’infections banales pouvant être traitées autrement.»
Les chercheurs soulignent que l’essai n’a pas seulement testé un traitement : il a été implanté dans le système de santé de base. «Former et motiver le personnel soignant, c’est préparer l’avenir, insiste Alexandra Calmy. Cette expérience montre que la recherche n’est pas à côté du système de santé: elle en fait partie et le renforce.»
L’intégration des soins et de la recherche sur le terrain a permis d’améliorer la prise en charge des patients et de renforcer les capacités locales, selon les auteurs. Quelques cas de peste pulmonaire ont également été pris en charge dans le cadre de l’étude, ouvrant la voie à des publications complémentaires.
Apports suisses et portée mondiale des conclusions
Les contributions de Genève et de la Suisse ont été signalées comme utiles par les coordinateurs : expertise en santé globale, appui scientifique et implication d’acteurs institutionnels. «Grâce à son environnement, Genève possède une expertise dans la santé globale. Alors que ce rôle est remis en question, il faut le rappeler», a déclaré Alexandra Calmy.
Les résultats concernent spécifiquement la peste bubonique, maladie connue depuis plusieurs millénaires et encore présente aujourd’hui. On estime que 80 % des cas surviennent à Madagascar, mais des foyers existent aussi en République démocratique du Congo, au Pérou ou en Bolivie, et des cas sporadiques ont été signalés en Chine et en Mongolie.
Piero Olliaro rappelle la persistance du réservoir animal : «Le risque de pandémie ou d’utilisation bioterroriste existe, même s’il semble peu probable», prévient-il, tout en insistant sur les victimes défavorisées de la maladie et sur l’importance d’étendre la recherche à d’autres pathologies négligées.
«Quand nous avons terminé notre travail, ma collègue Rindra Randremanana, de l’Institut Pasteur de Madagascar, m’a dit, avec toute la modestie qui caractérise ce pays: J’ai presque honte de dire que je suis fière de moi.»
Les auteurs notent cependant que l’impact concret de ces conclusions sur la santé publique dépendra de la capacité à diffuser les recommandations, de la disponibilité des antibiotiques et de statistiques épidémiologiques fiables pour mesurer l’ampleur réelle de la peste dans les régions concernées.
Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre en particulier les sujets liés à la santé et à la politique de santé.