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Une cellule spéciale rattachée au service de renseignement militaire israélien (Aman) aurait été créée après l’opération « Tofaan al-Aqsa » du 7 octobre 2023. Sa mission : produire des éléments permettant de légitimer les frappes et les opérations israéliennes à Gaza, y compris celles visant des civils et des journalistes, afin d’offrir un vernis juridique et médiatique face aux critiques internationales.
Naissance et révélations
La création de cette cellule, dite « d’octroi de légitimité », a été révélée par le journaliste d’investigation israélien Yuval Abraham le 12 août 2025 via une publication sur la plateforme X. Selon ses informations, la cellule dépend de la direction du renseignement militaire (Aman) et rassemble des agents chargés d’élaborer des récits destinés à justifier les frappes et les assassinats de civils et de professionnels des médias à Gaza.
La formation de la cellule s’inscrit dans un contexte d’intensification des condamnations internationales contre les massacres imputés à l’armée israélienne, notamment ceux touchant des enfants et des femmes, ainsi que l’élimination de journalistes qui documentaient la réalité sur le terrain.
Objectifs et modes d’action
La cellule joue un rôle central dans la stratégie informationnelle et juridique accompagnant les opérations militaires à Gaza. Elle vise à présenter les attaques comme ciblées contre des combattants et à minimiser, voire nier, l’impact sur la population civile.
Pour atteindre ces buts, la cellule met en œuvre plusieurs actions coordonnées :
- fabriquer ou promouvoir des récits prétendant que des tirs ennemis ont accidentellement frappé des zones civiles, ou que des civils servent de boucliers humains ;
- identifier et stigmatiser des journalistes afin de justifier leur ciblage et leurs éliminations ;
- présenter des éléments d’enquête ou des enregistrements (audio ou autres) supposément prouvant l’implication de media ou de civils avec des groupes armés ;
- solliciter et exploiter des renseignements d’autres agences pour alimenter la propagande et la couverture médiatique en faveur de l’armée.
Une stratégie visant les journalistes
Le travail de la cellule porte une attention particulière aux professionnels des médias. Ses membres cherchent à trouver des prétextes, parfois fragiles, pour accuser des journalistes d’appartenir ou de collaborer avec des factions armées, afin de légitimer leur élimination.
D’après les investigations citées, les méthodes comprennent la recherche prolongée d’indices liant un journaliste à un groupe armé et la diffusion médiatique immédiate de ces éléments pour façonner l’opinion publique nationale et internationale.
Exemples et incidents attribués à la cellule
Plusieurs affaires ont été présentées comme illustrations des activités de la cellule. Le 17 octobre 2023, après le bombardement de l’hôpital Al-Maâmadani à Gaza — frappes qui auraient causé la mort de plus de 500 personnes, en majorité des femmes et des enfants — des responsables israéliens ont d’abord attribué l’explosion à une roquette tirée par la branche du Jihad islamique, alléguant par la suite un bilan de victimes bien moindre.
L’armée a diffusé un enregistrement audio, présenté comme retrouvé par la cellule, dans lequel deux individus se reprocheraient mutuellement le tir accidentel. Cette version a été relayée par des médias pro-israéliens afin d’écarter la responsabilité directe des forces israéliennes.
Par ailleurs, la cellule est accusée d’avoir mené des campagnes d’accusation et de désinformation à l’encontre de plusieurs journalistes ciblés depuis le 7 octobre 2023. Selon Yuval Abraham, 238 professionnels des médias auraient fait l’objet d’opérations destinées à les lier à la résistance pour justifier des frappes.
Cibles médiatiques marquantes
Parmi les cas les plus médiatisés figure le correspondant de la chaîne Al Jazeera à Gaza, Anas Al-Sharif, tué lors d’une attaque. Le porte-parole de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a affirmé avoir retrouvé des documents anciens attestant d’un lien entre le journaliste et le mouvement Hamas dès 2013 ; cette version a ensuite été largement relayée par la presse israélienne.
Le 11 août 2025, une tente abritant une équipe d’Al Jazeera près du complexe médical Al-Shifa a été visée, provoquant la mort d’Al-Sharif, du reporter Mohammad Qaryaqa et de plusieurs cameramen. La cellule aurait contribué à diffuser les éléments légitimant ces actions.
D’autres journalistes, comme Hamza Wael Al-Dahdouh, tué le 7 janvier 2024 aux côtés de son collègue Mustafa Thuraya, ont aussi été présentés comme des combattants du mouvement armé Saraya al-Quds, sur la base de documents qui ont été ensuite publiés pour soutenir ces allégations.
Portée et conséquences
Selon les informations disponibles, la cellule d’intelligence israélienne participe à une stratégie systématique visant à neutraliser la narration palestinienne et à défendre les actions de l’armée devant l’opinion internationale. Elle chercherait à convaincre que les opérations respectent le droit international pour contrer les procédures et enquêtes envisagées contre des dirigeants ou des unités militaires israéliennes.
Cette approche soulève des questions sur l’utilisation de méthodes de désinformation et sur la protection du travail journalistique en zone de conflit, tout en alimentant les débats internationaux sur la responsabilité et l’impunité dans les opérations militaires.