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Quelle est la taille maximale d’un trou noir ?

by Sara
France

Depuis la découverte des quasars dans les années 1960, la question de la taille maximale d’un trou noir et de la croissance des trous noirs s’est imposée : jusqu’où ces objets peuvent‑ils grandir, et quelles sont les limites physiques qui arrêtent leur appétit ?

Limites observées et estimations de la taille maximale des trous noirs

Le premier grand étonnement est venu avec 3C 273, un objet dans la constellation de la Vierge qui émettait d’intenses ondes radio mais semblait inexistant en lumière visible jusqu’à ce que des observateurs repèrent une faible « étoile » bleue précisément au même endroit. On a finalement déterminé que 3C 273 se trouvait à environ 2 milliards d’années‑lumière et que sa luminosité extrême était très probablement alimentée par un trou noir central pesant environ 900 millions de fois la masse du Soleil.

Depuis, de nombreux trous noirs supermassifs ont été découverts ; dans les années 1980 l’idée que presque toute grande galaxie possède un trou noir central est devenue courante. On estime qu’il pourrait exister jusqu’à 1 000 milliards de ces géants dans l’univers observable. Beaucoup atteignent facilement le milliard de masses solaires, et quelques‑uns dépassent ce seuil.

Les mesures de masse donnent cependant des limites empiriques : à partir d’ensembles d’observations et de modèles, la masse des plus gros trous noirs détectés semble plafonner à quelques dizaines de milliards de fois la masse du Soleil, bien que les incertitudes soient souvent importantes. Des cas extrêmes rapportés dans la littérature peuvent tendre vers des valeurs encore plus élevées, mais ils restent rares et discutés.

Croissance des trous noirs et contraintes physiques et temporelles

La croissance des trous noirs se fait principalement par deux voies : l’accrétion de matière et la fusion avec d’autres trous noirs. L’accrétion implique que la matière attirée ne tombe pas forcément directement dans l’horizon des événements, mais forme d’abord un disque d’accrétion aplati. Dans ce disque, les couches internes orbitent plus vite que les couches externes, générant une friction énorme qui porte la matière à des millions de degrés et la rend fortement lumineuse — c’est ainsi qu’on détecte souvent des trous noirs lointains.

Cette même radiation peut limiter la vitesse d’alimentation : si le disque devient trop lumineux, il repousse la matière entrante. Ce plafonnement s’appelle la limite d’Eddington ; on peut l’imaginer comme une vitesse de consommation maximale au‑delà de laquelle le trou noir « vomit » la matière au lieu de la digérer. Les champs magnétiques du disque contribuent aussi à expulser de la matière, réduisant encore l’efficacité de la croissance.

Un autre frein est le temps : l’univers a environ 13,8 milliards d’années, et les premiers indices de trous noirs apparaissent quelques centaines de millions d’années après le Big Bang. Même en supposant des conditions théoriquement optimales — par exemple que tout le gaz qui tombe tourne dans le même sens que le spin du trou noir, ce qui facilite l’accrétion — des études théoriques publiées en 2015 indiquent une limite supérieure possible d’environ 270 milliards de fois la masse du Soleil pour un trou noir en croissance par accrétion continue.

Dans des scénarios moins idéalisés, où le trou noir ne tourne pas ou où une partie de la matière tombe en sens inverse du spin, la limite chute sensiblement : une valeur plausiblement maximale souvent citée est d’environ 50 milliards de masses solaires. Ces chiffres mettent en lumière la tension entre le potentiel théorique d’une croissance quasi illimitée et les contraintes pratiques imposées par la physique et l’histoire cosmique.

Pourquoi les très gros trous noirs restent rares et comment ils peuvent encore croître

Même si un trou noir pourrait, en théorie, croître sans limite s’il avait accès à une quantité infinie de matière, l’échelle effective de capture reste petite : les plus grands trous noirs ne mesurent qu’un nombre limité de milliards de kilomètres de diamètre — comparable à l’échelle du Système solaire — ce qui est négligeable au regard des distances interstellaires. À distance, leur attraction ne perturbe pas les orbites comme le ferait un remplacement subit du Soleil par un trou noir de masse solaire ; les planètes continueraient d’orbiter normalement.

La fusion de galaxies représente un vecteur de croissance différent : lorsque deux galaxies fusionnent, leurs trous noirs centraux peuvent finir par se rejoindre et fusionner, créant un trou noir plus massif assez rapidement sur l’échelle cosmique. Toutefois, les fusions impliquant déjà des trous noirs extrêmement massifs restent des événements rarissimes, de sorte que cette voie ne conduit pas nécessairement à l’émergence fréquente d’objets bien au‑delà des masses actuellement observées.

Quelques exemples cités dans la littérature, comme TON 618, ont des estimations de masse très élevées, mais ces valeurs comportent de larges marges d’incertitude. En pratique, et compte tenu des limites d’Eddington, du spin, des pertes par vents et jets, et du temps disponible depuis le Big Bang, on n’attend pas couramment de trouver des trous noirs beaucoup plus massifs que ceux déjà mesurés.

Implications pour l’astronomie

La recherche continue de trous noirs très massifs offre aux astronomes la possibilité de tester les hypothèses sur l’accrétion, le rôle du spin et l’efficacité des fusions. Si un trou noir plus colossal que prévu venait à être découvert, cela conduirait à revoir certaines hypothèses et à affiner notre compréhension des processus physiques qui gouvernent la croissance des trous noirs.

En attendant, les valeurs tirées des observations et des modèles théoriques fournissent des bornes crédibles : des centaines à quelques dizaines de milliards de masses solaires pour les plus gros objets identifiés, et une limite théorique extrême — dans des conditions quasi idéales — autour de 270 milliards de masses solaires.

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source:https://www.scientificamerican.com/article/how-big-can-a-black-hole-get/

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