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La National Drought Group du Royaume-Uni a déclaré à la mi‑mois que la pénurie d’eau actuelle en Angleterre constitue une urgence nationale. Helen Wickham, directrice de l’eau à l’Environment Agency et présidente du groupe, a appelé chacun à contribuer pour réduire la pression sur nos ressources hydriques.
Un appel aux gestes quotidiens
Wickham a souligné que le rôle du citoyen est central pour atténuer la sécheresse. Elle a invité à adopter des gestes simples du quotidien pour réduire la demande en eau et protéger rivières et biodiversité.
Parmi les recommandations figurent des pratiques classiques de sobriété et une proposition plus inattendue : supprimer les anciens courriels et photos stockés en ligne. L’argument avancé est que les data centers consomment d’importantes quantités d’eau pour le refroidissement de leurs installations.
Comment la suppression d’emails permettrait d’économiser de l’eau
Selon la presse britannique, la personne moyenne reçoit environ 121 mails par jour. Beaucoup restent non lus et s’accumulent dans le cloud, qui repose sur de vastes centres de données remplis de disques et d’équipements énergivores.
Le refroidissement de ces centres nécessite de l’eau. Certaines grandes installations peuvent consommer jusqu’à 22 millions de litres d’eau par jour, soit l’équivalent de la consommation d’une ville de 10 000 habitants.
- Estimation citée : stocker 5 Go de données nécessite environ 79 millilitres d’eau pour le refroidissement des centres de données.
- Un seul centimètre de temps de douche consommerait beaucoup plus que ce que représente la suppression de dizaines de milliers de mails.
- Le gouvernement a calculé qu’effacer 1 000 mails avec pièces jointes économiserait environ 0,2 litre d’eau par jour.
Ce que disent les experts
Gary Barnett, analyste chevronné des centres de données chez GlobalData, a critiqué l’idée en la jugeant distraire des mesures efficaces. Il estime absurde de prétendre que supprimer des courriels résoudra la crise de l’eau.
Barnett explique que, selon ses estimations, 5 Go de données correspondent à seulement 79 ml d’eau de refroidissement, tandis qu’une seconde de douche consomme 10 à 15 litres d’eau. Supprimer des millions de mails pour compenser quelques secondes de douche est donc déraisonnable.
Chris Preist, professeur en durabilité et systèmes informatiques à l’université de Bristol, ajoute que beaucoup de mails envoyés depuis le Royaume‑Uni sont stockés dans des centres de données à l’étranger. Supprimer un mail peut ne pas réduire la consommation globale d’eau et pourrait même augmenter la consommation énergétique liée à l’accès aux données.
Mesures pratiques et efficacité réelle
Les experts rappellent que des gestes concrets restent prioritaires pour économiser l’eau :
- Réparer les fuites et les toilettes défectueuses.
- Éviter l’arrosage excessif des jardins et interdire l’usage des tuyaux d’arrosage quand cela est demandé.
- Fermer le robinet en se brossant les dents ou en lavant la vaisselle.
Selon la National Drought Group, la réduction de ces usages courants peut faire baisser la consommation domestique de 3 à 8 % et sensibiliser davantage au problème.
Consommation des data centers et perspective nationale
Les data centers britanniques consomment au minimum environ 10 milliards de litres d’eau par an. Toutefois, Barnett souligne que le stockage de simples courriels est l’une des activités les moins consommatrices de ressources en eau au sein de ces installations.
Au-delà du refroidissement, la majeure partie de la consommation énergétique provient des calculs réalisés par les processeurs et cartes graphiques, notamment avec le développement accéléré des technologies numériques.
Réactions publiques et critiques
La recommandation d’effacer des courriels a suscité un vif débat sur les réseaux sociaux et parmi les militants. Beaucoup ont jugé cette mesure symbolique face à des problèmes structurels plus graves.
Plusieurs internautes ont rappelé que des fuites importantes dans les réseaux de distribution constituent une part majeure des pertes : en 2024, une seule compagnie a rapporté la perte de centaines de millions de litres d’eau, bien supérieure à ce que l’on économiserait en supprimant des e‑mails.
Avec la croissance démographique, l’Environment Agency estime que le Royaume‑Uni pourrait faire face à un déficit quotidien d’environ 5 milliards de litres d’eau d’ici 2055. Pour l’éviter, l’agence recommande une économie d’environ 15 litres par personne par jour, visant une consommation moyenne de 110 litres journaliers.
Vers une approche systémique
Le débat montre que si des gestes individuels sont utiles pour la sensibilisation, ils doivent s’accompagner de politiques structurelles : modernisation des réseaux, réduction des fuites, meilleure gestion des ressources et innovations pour rendre les data centers moins dépendants de l’eau.
La question de la sécheresse au Royaume‑Uni appelle donc des réponses multiples, alliant comportements quotidiens, investissements publics et régulation pour protéger les ressources hydriques à long terme.

