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Quatorze organisations libanaises et internationales, dont des associations de défense des journalistes et des droits humains, appellent le Parlement libanais à ne pas adopter le nouveau projet de loi sur les médias tant que ses dispositions n’auront pas été revues pour garantir pleinement la liberté de la presse et la liberté d’expression.
Exigences des organisations
Les organisations demandent au Parlement de :
- garantir que le texte protège effectivement le droit à la liberté d’expression et la liberté de la presse ;
- mettre fin immédiatement au caractère secret des débats sur le projet et rendre les délibérations publiques ;
- rejeter les articles susceptibles de restreindre les médias, notamment les dispositions prévoyant la détention préventive et la pénalisation du dénigrement et de l’outrage.
Selon elles, les dispositions actuelles du code pénal relatives à la diffamation ont à plusieurs reprises servi à cibler des critiques du gouvernement, des activistes et des journalistes pour les faire taire.
Historique du projet
Le processus remonte à 2010, lorsque l’ancien député غسان مخيبر (Ghassan Moukheiber) et l’ONG Maharat ont proposé une révision du vieux « droit de la presse ». Le projet est resté en suspens.
En janvier 2023, une sous‑commission parlementaire a été créée pour étudier et réviser la proposition. La version finale du projet a été présentée à la Commission de l’administration et de la justice le 27 mai 2025.
Contenu des amendements et points de friction
La version soumise en mai 2025 comportait des avancées, notamment l’annulation de la détention préventive et des peines de prison pour les infractions liées à la liberté d’expression, ainsi que la suppression de certains articles sur le dénigrement et l’outrage. Toutefois, des amendements récents ont suscité de vives inquiétudes.
- Réintroduction possible de la détention préventive, y compris lorsque l’infraction est qualifiée de commise « dans des circonstances aggravantes, comme l’atteinte à la dignité des personnes ou leur vie privée » ;
- Formulations vagues sur ce qui constitue « l’atteinte à la dignité ou à la vie privée », ouvrant la porte à des interprétations larges et à des abus ;
- Interdiction pour les médias de traiter le plaignant pendant la durée du litige, ce qui risquerait d’empêcher un débat public légitime ;
- Obligation pour les chaînes de télévision autorisées de soumettre des rapports réguliers et détaillés au ministère de l’Information et au Conseil national de l’audiovisuel ;
- Passage d’un régime « d’enregistrement libre » à un système de licences préalables pour les médias en ligne.
Risque d’un recul pour la liberté d’expression
Les organisations estiment que l’adoption de ces amendements constituerait un recul majeur pour la liberté de presse au Liban. Elles avertissent qu’un texte flou ou trop restrictif pourrait être détourné par les autorités pour étouffer la dissidence pacifique.
De nombreuses ONG libanaises et internationales ont déjà documenté l’utilisation répétée des lois sur la diffamation pour poursuivre et intimider les médias, les journalistes et les militants critiquant la corruption ou les politiques publiques.
Débats parlementaires et position officielle
La Commission de l’administration et de la justice a entamé l’examen du dernier projet de loi le 29 juillet et a tenu trois réunions à huis clos. Les organisations demandent que ces discussions deviennent publiques pour garantir la transparence et permettre une participation citoyenne effective.
Le 31 août, des députés ont reçu des amendements dont le document portait le nom du ministre de l’Information comme auteur présumé, allégation niée par le ministre.
Selon l’Agence nationale d’information libanaise, la commission, présidée par le député جورج عدوان (George Adwan), a tenu une séance en présence du ministre de l’Information, بول مرقص. Adwan a déclaré que tous les membres de la commission et de la sous‑commission s’accordent à vouloir « une indépendance totale et la liberté d’expression pour les journalistes », tout en estimant que « les positions sceptiques quant au travail de la commission ne reposent pas sur des faits ».
Illustration
La tour de l’horloge devant le Parlement libanais, au centre de Beyrouth, évoque le rôle crucial des institutions dans la protection ou l’érosion de la liberté de la presse.
Appels à la vigilance
Les organisations demandent que tout texte final protège explicitement la liberté de la presse et évite des formulations susceptibles d’être utilisées pour réduire l’espace démocratique.
Elles insistent sur la nécessité de maintenir des garanties contre la détention préventive pour des infractions liées à l’expression, de supprimer toute criminalisation excessive de la critique et d’assurer la transparence des débats parlementaires.