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Protestations au Maroc : vers un grand réformé du secteur de la santé

by Sara
Maroc

Plusieurs villes du Maroc ont été le théâtre, ces derniers jours, de manifestations de citoyens dénonçant la dégradation des hôpitaux publics et l’absence de services de santé de base. Les plaintes portent notamment sur les longues attentes pour obtenir un rendez‑vous, le manque de médicaments et d’équipements, ainsi que la faiblesse des infrastructures sanitaires.

Ce mouvement social s’inscrit dans un débat national croissant sur l’état du système de santé et l’urgence d’une réforme capable de garantir le droit aux soins pour tous.

Protestations en mouvement

Le mouvement a commencé à Agadir, où des habitants ont organisé des rassemblements devant l’hôpital public « Al‑Hassan II » suite à des appels d’associations civiles et syndicales. Ils ont dénoncé la détérioration des services, la panne d’appareils vitaux et le manque de personnel médical.

Les manifestants ont évoqué un « mépris pour la vie » après la mort de six femmes enceintes à la suite de césariennes pratiquées à l’hôpital.

Mi‑septembre, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amin Tahraoui, s’est rendu à l’hôpital. Il a annoncé une série de mesures :

  • la destitution de responsables sanitaires régionaux et provinciaux ;
  • la suspension des contrats avec des sociétés de nettoyage et de sécurité ;
  • la reconnaissance publique des « dysfonctionnements » affectant l’établissement.

Le ministre a ensuite visité d’autres hôpitaux publics à Nador, Driouch et Meknès.

À la fin de la semaine, les protestations se sont étendues à Taounate, Essaouira et Meknès. Dans certaines villes — notamment Beni Mellal, Settat, Tiznit et Tata — les autorités locales ont interdit des rassemblements annoncés sur les réseaux sociaux.

Des appels à des manifestations nationales les 26 et 27 septembre circulent en ligne, visant à réclamer de meilleures conditions d’hospitalisation et le respect du droit aux soins. À ce stade, ces appels n’ont pas été officiellement endossés par une organisation civile ou syndicale.

Vue sur le terrain

Centre de santé à Témara, banlieue de Rabat

Les rassemblements mettent en lumière les disparités entre centres urbains et zones périphériques. Dans de nombreuses communes éloignées, l’offre de soins reste très insuffisante, poussant les habitants vers le privé, l’endettement ou la sollicitation d’associations caritatives.

Défis structurels et réponses gouvernementales

Le système de santé marocain est confronté à plusieurs faiblesses structurelles : infrastructures fragiles, pénurie de ressources humaines — en particulier de médecins —, équipements insuffisants et conditions d’hospitalisation souvent inadaptées.

Face à ces constats, le gouvernement mise sur plusieurs chantiers de réforme :

  • généralisation de la couverture sanitaire et assurance maladie obligatoire ;
  • programmes de rénovation et d’équipement des hôpitaux ;
  • incitations pour attirer et retenir le personnel médical.

Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a affirmé que l’État a fourni un travail important en matière de lois et de budgets pour la santé, et que plusieurs hôpitaux universitaires seront inaugurés cette année ou l’année prochaine.

Le ministre de la Santé a appelé à des sanctions contre les personnels qui ne remplissent pas leurs obligations professionnelles.

Le Maroc compte actuellement six CHU dans les villes suivantes : Rabat, Casablanca, Fès, Marrakech, Oujda et Tanger. L’hôpital universitaire d’Agadir est prêt mais n’a pas encore été inauguré, tandis que d’autres CHU sont en construction à Laâyoune, Errachidia, Beni Mellal et Guelmim.

Le gouvernement a lancé un plan de réhabilitation de 83 hôpitaux (soit 8 700 lits) et un programme de modernisation de 1 400 centres de santé. Environ 950 centres ont déjà été rénovés ; le reste des projets devrait être achevé d’ici fin 2025.

Souffrances accumulées

Ali Lotfi, réseau marocain pour le droit à la santé

Les actions de protestation se concentrent principalement dans les petites villes et les zones éloignées, révélant l’ampleur des inégalités entre les grandes agglomérations et les provinces.

Ali Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé et à la vie, souligne que ces mouvements sont le produit d’une souffrance réelle et cumulée. Selon lui, ils ne répondent pas à des logiques politiques mais à des besoins elementaires de santé publique.

Parmi les griefs recensés :

  • des délais d’attente pour des rendez‑vous spécialisés pouvant atteindre plusieurs mois ;
  • l’absence d’équipements d’imagerie et d’analyses biologiques modernes ;
  • la pénurie de médicaments essentiels.

Lotfi rappelle également que le financement du secteur reste insuffisant : la part du budget santé n’atteint pas 6 % du PIB, contre une moyenne mondiale autour de 8,2 %.

Le budget alloué au ministère de la Santé est passé de 19,7 milliards de dirhams (≈ 2,18 milliards USD) en 2021 à 32,6 milliards de dirhams (≈ 3,61 milliards USD) en 2025.

Financement, gouvernance et ressources humaines

Le Dr Taieb Hamdi, chercheur en politiques publiques

Le chercheur en politiques et systèmes publics, Dr Taieb Hamdi, rappelle que les Marocains financent une part importante de leurs soins :

  • environ 60 % des dépenses de santé sont payées directement par les ménages ;
  • même les assurés contribuent souvent pour plus de la moitié des frais malgré le paiement des cotisations.

Ces dépenses pèsent sur le pouvoir d’achat et poussent des familles à renoncer aux soins. La classe moyenne, sous la pression de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat, revient progressivement vers le secteur public en exigeant des réformes.

Plusieurs indicateurs soulignent les dysfonctionnements actuels :

  1. moins de 10 % des dépenses liées à la couverture maladie bénéficient aux hôpitaux publics, ce qui réduit l’attractivité de ces établissements pour les patients ;
  2. les deux tiers des bénéficiaires du régime d’assurance maladie obligatoire pour les personnes non solvables se tournent vers le secteur privé pour se soigner.

En matière de ressources humaines, le ministère emploie environ 73 000 personnes :

  • 15 600 médecins ;
  • 41 600 infirmiers et techniciens de santé ;
  • 16 500 cadres administratifs et techniques.

Le Maroc aurait besoin d’environ 34 000 médecins supplémentaires pour atteindre le seuil minimal recommandé par l’Organisation mondiale de la santé. La répartition géographique du personnel reste par ailleurs très inégale, au profit des grandes villes.

Pour améliorer la situation, les interlocuteurs interrogés préconisent :

  • des salaires et conditions de travail attractifs pour les médecins ;
  • une gouvernance efficiente capable de réduire les délais de rendez‑vous ;
  • un renforcement budgétaire visible afin que les citoyens perçoivent des bénéfices concrets des réformes.

Une pression potentiellement positive

Hôpital pédiatrique public à Rabat

La question reste de savoir si la mobilisation sociale forcera le gouvernement à accélérer la réforme santé Maroc ou si les revendications resteront en suspens en attendant des décisions plus audacieuses.

Pour Ali Lotfi, ces manifestations constituent une pression constructive pour intensifier les investissements dans les infrastructures et les ressources humaines, et pour réévaluer les priorités sociales autour de la santé et de l’éducation.

De son côté, Dr Taieb Hamdi estime que les protestations envoient un signal fort en faveur d’une accélération des réformes. Il rappelle que la santé doit être considérée non seulement comme un droit constitutionnel, mais aussi comme une condition essentielle pour la transition vers un État émergent.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/9/23/%d9%87%d9%84-%d8%aa%d8%af%d9%81%d8%b9-%d8%a7%d9%84%d8%a7%d8%ad%d8%aa%d8%ac%d8%a7%d8%ac%d8%a7%d8%aa-%d9%81%d9%8a-%d8%a7%d9%84%d9%85%d8%ba%d8%b1%d8%a8-%d8%a5%d9%84%d9%89-%d8%a5%d8%b5%d9%84%d8%a7%d8%ad

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