Comprendre les obsessions infantiles : un guide pour les parents

Quand apparaissent les obsessions enfants et pourquoi

Selon Nadège Larcher, psychologue et psychothérapeute spécialisée en développement de l’enfant et de l’adolescent, ces comportements se manifestent principalement entre 2 et 7 ans et concernent la majorité des enfants. Elle résume :

Ces obsessions apparaissent entre 2 et 7 ans. On est dans ce que l’on appelle une « trajectoire développementale ». Ce qui veut dire que ça va toucher 80 à 90 % des enfants et que cela fait partie de leur développement. C’est totalement normal.

L’explication se trouve en grande partie dans l’évolution du cerveau : à la naissance, le bébé possède un très grand nombre de connexions synaptiques, qui seront progressivement élaguées pour créer des réseaux plus efficaces. Nadège Larcher compare ces connexions à « milliards de petits chemins dans la jungle » qui, par la répétition, deviennent des « autoroutes » cérébrales.

Le bébé est obligé d’emprunter tous ces petits chemins dans la jungle, et de le faire de nombreuses fois pour que ces chemins s’élargissent. Donc un enfant passionné par un jouet où il faut faire entrer des ronds dans des carrés va essayer et réessayer, jusqu’à ce qu’il y arrive. Aujourd’hui, on sait qu’il faut 6 000 répétitions d’un geste pour que cela devienne un automatisme.

Cette nécessité de répétition explique que l’enfant demande souvent la même histoire le soir ou qu’il regarde plusieurs fois le même dessin animé : la répétition consolide les apprentissages et les automatismes.

Pourquoi certains thèmes reviennent (dinosaurs, véhicules, princesses)

Les sujets qui fascinent les enfants — dinosaures, véhicules, princesses, séries comme Pat’ Patrouille — reviennent fréquemment. Nadège Larcher souligne plusieurs facteurs explicatifs : la « pensée magique », les ressorts de l’imaginaire et l’influence du groupe d’âge.

C’est le moment où l’enfant a une sorte de vision du monde peuplé de princesses, de contes, où il découvre la capacité de penser. Il est très attiré par cette magie, de ces superpouvoirs. Les dinosaures attirent parce qu’ils ont disparu, ils sont forts… Ils vont souvent chercher des choses qui vont développer leur monde imaginaire.

À 3–4 ans, l’effet du groupe joue également : si les camarades évoquent un dessin animé, l’enfant souhaite y prendre part. Ces tendances s’inscrivent ainsi à la fois dans le développement cognitif et social.

La faible maturité des fonctions exécutives chez le jeune enfant explique aussi le caractère répétitif et rigide de certaines passions. Les lobes frontaux, responsables de la flexibilité mentale, n’atteignent pas leur pleine maturité avant l’âge adulte, ce qui rend le jeune enfant moins apte à changer rapidement d’activité ou de point de vue.

Son cerveau lui dit : « quand tu prends ce chemin, tu es content ». Cela a à voir aussi avec son développement émotionnel. Un jeune enfant ne maîtrise pas grand-chose dans sa vie, on décide beaucoup pour lui. Il n’a pas la capacité de se projeter dans le temps comme un adulte. L’intérêt d’avoir toujours le même scénario, le même thème, la même activité, cela lui donne de la prévisibilité et une impression de contrôle.

Signes d’alerte à surveiller et accompagnement des passions enfantines

La plupart des obsessions restent sans gravité et doivent être accompagnées avec bienveillance. Nadège Larcher propose trois critères pour identifier quand il faut s’alerter :

• la généralisation : l’intérêt est-il présent partout (à la maison, à l’école, chez la nounou) ?
• l’intensité : l’attachement déclenche‑t‑il des colères ou des émotions très fortes si l’enfant est contrarié ?
• la souffrance : la passion provoque‑t‑elle de la souffrance chez l’enfant ou chez son entourage, rendant la vie quotidienne impossible ?

Elle précise : « Si c’est absolument partout, il faut commencer à s’inquiéter un peu. » En dehors de ces situations problématiques, il est recommandé d’accompagner la passion sans la minimiser, de proposer d’autres activités et de maintenir un équilibre familial.

À retenir : ces obsessions participent au développement enfant, offrent prévisibilité et plaisir, et finissent généralement par s’estomper avec le temps et la diversification des expériences.